Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous les résultats du dialogue interpalestinien du Caire ?
Djihad Al-Harazin: Les résultats du dialogue du Caire sont prometteurs. Le mouvement Fatah et le président Abou-Mazen ont déployé des efforts considérables pour arriver à ce résultat qui constitue un tournant dans l’histoire du peuple palestinien. Depuis 2006, le peuple palestinien a été privé de son droit de choisir ses représentants. C’est là qu’est venue la réunion du Caire. Les discussions ont duré 2 jours pour mettre en place une feuille de route des élections législatives qui seront suivies d’élection présidentielle puis des élections du Conseil national palestinien. Ces élections se tiendront en vertu d’un agenda annoncé par décret présidentiel et qui comprendra les dates des scrutins. Le 22 mai prochain auront lieu les élections législatives, la présidentielle se tiendra le 31 juillet et les élections du Conseil national sont prévues le 31 août.
— Comment évaluez-vous le rôle de l’Egypte dans ce dialogue ?
Plus de 93% des Palestiniens en âge de voter se sont inscrits sur les listes électorales en vue des scrutins législatifs de mai et présidentiel de juillet, les premières élections en 15 ans dans les Territoires palestiniens.
(Photo:Reuters)
— Le rôle de l’Egypte dans le soutien de la cause palestinienne est un rôle pionnier. L’Egypte a assumé depuis le début la charge de ce dossier. Maintes rencontres entre les factions palestiniennes ont eu lieu au Caire. L’Egypte a déployé des efforts intenses pour parvenir à une entente palestinienne et oeuvre en ce moment, à travers le Groupe de Munich qui comprend la France, l’Allemagne, l’Egypte et la Jordanie, à ressusciter le processus de paix. L’Egypte, grâce à sa vision et à sa sagesse, a réussi à mettre de l’ordre dans la maison palestinienne. Elle oeuvre inlassablement en vue de créer une position arabe commune basée sur les décisions de la légitimité internationale et l’initiative arabe de paix, pour ensuite transférer cette position au monde afin de faire pression sur Israël et l’amener à arrêter ses agressions contre le peuple palestinien.
Tout au long de l’histoire, Le Caire a soutenu le peuple palestinien et ses droits légitimes. L’Egypte est un acteur central au Proche-Orient. Elle a beaucoup fait au profit de la cause palestinienne et du peuple palestinien. Elle a offert ses martyrs pour la cause palestinienne, a ouvert ses universités, ses hôpitaux et ses écoles aux Palestiniens. Elle a aussi présenté un soutien matériel, moral, politique et humanitaire au peuple palestinien. C’est pour cela que l’Egypte jouit d’un grand respect et de beaucoup d’estime auprès des Palestiniens, c’est ce que le président Abou-Mazen a exprimé à plusieurs occasions.
— Pensez-vous que les élections mettent fin aux divisions palestiniennes ?
— Les élections constituent une percée dans le dossier de la réconciliation malgré l’existence de nombreux obstacles et de dossiers qui n’ont pas encore été réglés et qui ont été reportés après les élections. Les divisions interpalestiniennes constituaient une épine dans le dos de la cause palestinienne. Face au gel du dossier de la réconciliation, c’est le dossier des élections qui a été favorablement accueilli par les factions palestiniennes.
— Quels sont, selon vous, les plus importants résultats de l’accord du Caire ?
— Les résultats se résument en 15 points mentionnés dans le communiqué final, appelant à un engagement de toutes les parties en faveur de la réconciliation. Il est temps de mettre fin à cette phase noire de l’histoire de la cause palestinienne. Une clause importante a été incluse dans le communiqué final, soulignant la nécessité de respecter l’agenda des élections législatives et présidentielle, d’assurer leur tenue à Jérusalem, en Cisjordanie et dans le secteur de Gaza et d’accepter leurs résultats. Une cour formée de juges de Jérusalem, de Cisjordanie et de Gaza sera chargée d’examiner les procès ayant trait aux élections. Cette cour et nulle autre suivra le processus électoral.
— Quel changement dans la position du Hamas cette fois-ci ?
— Le changement de la position du Hamas est dû aux pressions exercées sur lui par certaines forces régionales et internationales qui le soutiennent, tels le Qatar et la Turquie. Il y a aussi la demande de l’Union européenne en faveur de la tenue des élections. Le temps montrera les intentions de chaque partie.
— Est-ce que vous vous attendez à des difficultés concernant le processus électoral ?
— Il est évident qu’il y aura des difficultés, mais l’optimisme revient au fait que c’est l’Egypte qui parraine l’accord de réconciliation. Par conséquent, on peut s’attendre à ce que les obstacles soient réglés à travers l’intervention de l’Egypte. De plus, il y aura une réunion en mars au Caire à laquelle assisteront toutes les factions en plus du comité central des élections et de la présidence du Conseil national, afin d’éliminer tout obstacle qui entrave le processus électoral.
— Quelle est l’importance de ces élections après 15 ans de rupture à cause des divisions palestiniennes ?
— Les élections sont un droit qui revient au peuple palestinien en vertu de la loi. Celui-ci a été privé de ce droit depuis 2006. Il est aujourd’hui impatient d’exercer ses droits électoraux. Le pourcentage des électeurs inscrits sur les registres électoraux a dépassé les 94%. Les Palestiniens sont donc impatients de choisir leurs représentants qui vont les guider au cours de la prochaine période après avoir souffert pendant longtemps de problèmes majeurs.
— A votre avis, quelle sera la réaction d’Israël face à une réconciliation ?
— Israël veut que les divisions persistent et que les élections ne soient pas tenues. Il utilise ces divisions comme prétexte pour dire au monde qu’il n’y a pas d’interlocuteur palestinien afin de se dérober à ses obligations. Les Israéliens vont tout faire pour tendre le climat, entraver la réconciliation et empêcher les élections. Israël peut déclencher une opération militaire, procéder à des détentions ou encore interdire la tenue des élections dans certaines régions.
— Comment voyez-vous le rôle de l’Administration Biden dans la cause palestinienne ?
— L’Administration Biden a annoncé qu’elle réinstaurerait les relations avec les Palestiniens, qu’elle croit à la solution des 2 Etats et qu’elle refuse les projets de colonisation et d’annexion. L’Administration a aussi annoncé son intention de rétablir le financement de l’Unrwa et la réouverture du bureau de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à Washington, ainsi que le consulat américain à Jérusalem, en plus de sa volonté d’oeuvrer en faveur de la paix. Je pense que nous avons besoin d’une coopération internationale à travers le Quartet. Il ne faut pas se contenter du parrainage exclusif de l’Administration américaine.
— Quels sont les scénarios attendus après le dialogue du Caire ?
— Il s’agit premièrement de tenir les élections législatives en garantissant l’acceptation des résultats quel qu’ils soient. La prochaine réunion au Caire prévue en mars dévoilera les étapes ultérieures dans le dossier de la réconciliation. Les différentes factions n’auront, à mon avis, aucune possibilité ni de rejeter ce qui a été convenu, ni de s'en détourner, étant donné que la réconciliation est devenue essentielle. Celui qui la rejettera sera considéré comme un étranger à la cause et au peuple palestiniens.
Toutes les factions palestiniennes comprennent bien les changements profonds survenus dans le monde et plus particulièrement au Moyen-Orient surtout avec la nouvelle Administration américaine, ce qui donne au dialogue interpalestinien une grande importance. C’est pourquoi il est absolument nécessaire d’unifier les positions et de faire prévaloir l’intérêt national. Le dialogue du Caire montrera à quel point les différentes factions palestiniennes sont sérieuses dans leur quête d’organiser des élections équitables .
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