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Renseignements : L’Egypte au coeur de l’action arabe

Mardi, 09 février 2021

Le siège permanent du Forum arabe des renseignements a été inauguré cette semaine au Caire. Le choix de l’Egypte comme lieu d’accueil de ce forum reflète sa grande expérience dans ce domaine.

Renseignements : L’Egypte au coeur de l’action arabe
Le président Sissi avec les chefs des services de renseignements qui ont participé au Forum arabe des renseignements au Caire.

Ahmed Eleiba*

Le siège du Forum arabe des services de renseignement a été inauguré cette semaine au Caire en présence des chefs de renseignements arabes et du secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Aboul-Gheit. Les participants y ont tenu une conférence. Celle-ci a commencé par un discours du président Abdel-Fattah Al-Sissi qui a mis l’accent sur l’importance d’activer le forum en tant que « mécanisme de renforcement de la coopération entre les pays arabes dans le domaine des renseignements » et « un moyen de se doter d’un système intégral de lutte contre le terrorisme basé sur l’échange des informations et des expériences ».

La transformation du forum en une organisation dont le siège est au Caire vise à développer l’action arabe commune au niveau sécuritaire. L’idée de sa création a été proposée par l’Egypte dans le cadre de la Ligue arabe. Selon des sources informées sur ce dossier au Caire, l’action arabe au niveau des renseignements a connu un élan considérable ces dernières années à la lumière des menaces auxquelles sont confrontés les pays arabes au Proche-Orient et en Afrique du Nord.

Le général Mohamad Ibrahim, ex-premier secrétaire du service égyptien des renseignements et vice-président du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS), se réfère au discours du président Sissi à l’inauguration du forum pour souligner « l’importance de l’action arabe commune pour rétablir la stabilité dans tous les pays de la région, notamment ceux où les organisations terroristes tentent de proliférer, soutenues par des forces extérieures régionales et internationales ». Le forum a trois principaux objectifs, explique le général Ibrahim. Il s’agit de combler le fossé qui existe au niveau sécuritaire entre les appareils de renseignements, de lutter contre le terrorisme et de faire face à l’ingérence des puissances non-arabes dans les affaires arabes internes. Ces trois dossiers sont prioritaires dans une région arabe frappée par les crises et les conflits, affirme le général Ibrahim. « Des Etats se sont effondrés et des armées ont été brisées, alors que des organisations terroristes cherchent à s’activer après une période d’accalmie relative ces deux dernières années. Les milices et les mercenaires sont présents dans la région et l’espace entre les dossiers sécuritaires et militaires est devenu marginal. Tous ces facteurs rendent la création d’un système de sécurité arabe commun une priorité pour agir collectivement contre les menaces, sachant que les actions unilatérales ne peuvent aboutir aux mêmes résultats que ceux réalisés dans le cadre d’un mécanisme collectif », estime le général. L’action arabe commune au niveau militaire et sécuritaire ne s’est concrétisée qu’à de rares occasions. Par exemple, la Charte de la Ligue arabe de la défense arabe commune n’a été activée qu’une seule fois lors de la Guerre d’Octobre 1973. Après la sortie de l’armée iraqienne de l’équation arabe, à l’issue de l’invasion américaine en avril 2003, et la domination des milices soutenues par l’Iran, certains phénomènes ont commencé à apparaître dans la région comme les organisations terroristes et les milices transfrontalières. Ce changement a eu lieu durant la période post-attaques du 11 septembre et l’expansion des organisations terroristes mondiales, en particulier Al-Qaëda. La plupart du temps, l’échange des informations et la coordination en matière de renseignements dans le monde arabe se faisaient uniquement avec les Etats-Unis. Au niveau arabe, ils étaient extrêmement restreints, se limitant à des échanges techniques. Quant aux rencontres collectives, elles étaient plutôt protocolaires.

Les impératifs du travail sécuritaire collectif

Les projets relatifs à la sécurité collective arabe n’ont été abordés qu’à l’issue du Printemps arabe, après l’effondrement de quatre pays et le renforcement du rôle politique et sécuritaire des milices qui ont remplacé les régimes et les armées et qui étaient souvent des agents de forces étrangères. C’est ainsi que Le Caire a proposé, il y a près de 5 ans, le projet de « la force arabe conjointe », en tant que mécanisme collectif pour affronter les menaces et les dangers dans le monde arabe. Malgré l’enthousiasme des pays arabes pour ce projet et les discussions élargies à la Ligue arabe, celui-ci est resté lettre morte pour soi-disant des raisons relatives à la structure de commandement. On ne peut ignorer non plus l’ampleur des divergences interarabes et le fait que les points de vue arabes sur les conflits de la région ne sont pas identiques. Face au recul des mécanismes diplomatiques, les renseignements étaient le seul mécanisme vital effectif.

Par ailleurs, les services de renseignements arabes ont connu un développement global alors qu’ils étaient auparavant considérés comme des « services de l’ombre ». Les noms de leur président n’étaient pas rendus publics jusqu’aux années 1980. Mais les défis de la dernière décennie ont fait que le rôle de ces agences soit devenu public, ces dernières étant considérées comme des composantes essentielles de « l’appareil immunitaire de l’Etat ». D’ailleurs, l’enchevêtrement entre ce qui est militaire et sécuritaire, pour faire face aux nouveaux phénomènes dans la région, a mené à la création de groupes spécifiques travaillant sous l’ombrelle de ces services comme les forces GIS en Egypte qui sont apparues lors du rapatriement du terroriste Hicham Al-Achmawy de Libye au Caire.

Le renforcement du rôle des services de renseignements a créé une nouvelle donne en plus de celle de l’échange des expertises, de la formation et de l’entraînement. Cette donne nécessite une base institutionnelle. D’autant plus qu’aujourd’hui, les pays arabes sont plus que jamais convaincus de l’importance de la coordination, de l’échange des informations et des visions et que les connaissances sécuritaires ont acquis une grande importance dans la guerre contre le terrorisme. L’expérience a prouvé donc que les renseignements étaient l’arme principale dans cette guerre et que l’évolution du phénomène du terrorisme et sa complexité imposent aux pays arabes d’aller au-delà des frontières politiques, car la coordination et l’échange de renseignements ne sont plus une question secondaire mais une nécessité qui peut limiter le terrorisme et contrer ses répercussions.

Quant au choix du Caire comme siège du Forum arabe de renseignements, il a une portée symbolique dans la mesure où le service de renseignements égyptien est considéré au niveau arabe et international comme l’un des services les plus compétents. Mais au-delà de cette portée symbolique, Le Caire possède de larges connaissances dans les dossiers qui seront abordés par le forum et une grande expérience dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, en plus de son expérience institutionnelle. Le Caire a déjà créé un mécanisme similaire dans le cadre du groupe africain du Sahel et du Sahara. Tous ces facteurs expliquent l’importance du choix du Caire comme siège à ce forum.

*Expert au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques.

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