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Ramy Karam Aziz : Les vaccins à ARN sont préférables pour les personnes souffrant de maladies auto-immunes, ceux à virus inactivé pour celles souffrant de déficit immunitaire

Chérif Albert, Dimanche, 31 janvier 2021

La campagne de vaccination se poursuit en Egypte, ciblant 207000 professionnels de la santé. Les citoyens âgés et souffrant de maladies chroniques attendent leur tour. Pour répondre aux interrogations et craintes autour du vaccin, Pr Ramy Karam Aziz, professeur de microbiologie et d’immunologie à la faculté de pharmacie de l’Université du Caire, nous a accordé cet entretien.

Ramy Karam Aziz

Al-Ahram Hebdo : Le développement d’un vaccin est un processus qui prend en temps normal 10 ans de travail ou plus. Comment se fait-il que ce temps ait été ainsi raccourci sans compromettre la sûreté du vaccin ?

Ramy Karam Aziz: Les premiers vaccins ont été inventés suite à une simple observation, ensuite le processus a été réglementé pour assurer plus de sécurité. Aujourd’hui, certains régulateurs exigent un certain nombre d’années pour donner leur feu vert, mais dans l’absolu, on ne peut pas parler d’une durée minimum pour développer un vaccin. Cela dit, l’ampleur du danger que représente le coronavirus, les investissements à hauteur de milliards de dollars dans la recherche dans de nombreux pays, ainsi que le nombre sans précédent de personnes qui ont participé aux essais cliniques par dizaines de milliers sont autant de facteurs qui expliquent la rapidité de la mise au point de plusieurs vaccins contre le coronavirus en ce temps record sans remettre en question leur sécurité et leur efficacité.

— Les scientifiques reconnaissent ignorer les éventuels effets indésirables à long terme des vaccins autorisés. Est-ce rassurant ?

— Les effets secondaires à long terme sont inconnus pour tout nouveau médicament, et c’est justement pour cela que les vaccins ont été autorisés dans un contexte d’urgence et seront administrés dans un premier temps aux personnes les plus à risque de faire des formes graves de Covid-19.

— Qu’en est-il des effets secondaires à court terme ?

— D’après ce que l’on a constaté chez les personnes qui ont reçu le vaccin, les effets secondaires se limitent aux courbatures pendant deux à trois jours, à la fièvre et à des douleurs à l’endroit de l’injection. Ces symptômes sont plutôt un indice que le vaccin fonctionne bien et a réussi à stimuler le système immunitaire. Pour les réactions allergiques graves, qui sont des cas rarissimes, il faudra disposer des compétences nécessaires sur le site de vaccination pour les prendre en charge et les soigner.

— Certains médecins ont exprimé des doutes sur les vaccins basés sur l’ARN messager, laissant craindre le risque de modifications génétiques incontrôlables. Qu’en pensez-vous ?

Ramy Karam Aziz

— Toutes les craintes propagées autour des vaccins à ARN sont dues à un manque de connaissance. Malheureusement, certains spécialistes autoproclamés ont aidé à la propagation de fausses informations. Les molécules d’ARN restent dans le cytoplasme et ne peuvent pas atteindre le noyau de nos cellules, où se trouve notre ADN. Celui-ci n’est donc pas modifié ou endommagé. Et s’il est vrai que cette technologie est utilisée pour la première fois dans un vaccin, il ne faut pas oublier qu’elle est testée depuis des années dans le traitement de plusieurs maladies dont le cancer.

— Parmi les vaccins qui ont été développés jusqu’ici, lequel vous conseillez ?

— En règle générale, le bon vaccin est celui qu’on a à disposition. Cela dit, quelques réserves s’imposent : à part les mineurs qui ne seront pas vaccinés et les personnes allergiques auxquelles la vaccination n’est pas recommandée, les vaccins à ARN (comme ceux de Moderna et Pfizer) sont préférables pour les personnes souffrant de maladies auto-immunes dans la mesure où ces vaccins déclenchent une réponse immunitaire ciblée, alors que les autres types de vaccins déclenchent une réponse aléatoire, de quoi exacerber leur condition. En revanche, les personnes souffrant de déficit immunitaire ont intérêt à opter pour les vaccins à virus inactivé (comme le vaccin chinois) parce que chez les immunodéprimés, même un vaccin à virus atténué présente plus de risque d’effets indésirables.

— Quelle est la durée d’immunité que confère le vaccin ?

— Après une infection, les anticorps disparaissent normalement au bout de deux ou trois mois. Mais les vaccins reposent plutôt sur les « cellules immunitaires mémoires » qui seront efficacement réactivés en cas de nouvelle infection. Les dernières études suggèrent une durée d’immunité vaccinale de deux ans, mais pour être en mesure de répondre à cette question, les chercheurs devront quantifier ces cellules mémoires chez les personnes vaccinées au cours des mois qui suivent la vaccination.

— Une personne vaccinée peut-elle transmettre le virus ?

— En fait, certains des vaccins développés limitent la contagiosité, mais aucun ne peut prétendre la supprimer. La réponse est donc oui.

— Les chercheurs ont affirmé que le variant britannique du coronavirus n’est pas résistant au vaccin. Or, ils sont moins affirmatifs quant à celui de l’Afrique du Sud …

— En effet, le variant sud-africain est plus résistant au vaccin, mais il est peu probable qu’il rende celui-ci inutilisable. Comme tout autre virus, le Sars-CoV-2, responsable du Covid-19, est sujet à des modifications lorsqu’il se réplique. Le seul moyen de stopper sa mutation est d’en briser la chaîne de transmission, ce qui nécessite la vaccination d’environ 70% de la population .

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