Tradition épique de la geste hilalienne Mawal de Hassan et Naïma et poèmes de grands mystiques tels Ibn Farid, Ibn Arabi, Al-Halaj, Ibrahim El-Dessouki, ou encore Al-Hassan Al-Basri. C’est dans ce folklore égyptien et le répertoire sacré de la Haute-Egypte que cheikh Zain Mahmoud puise son art. Un cheikh qui ne tarde pas intelligemment à mêler le traditionnel au contemporain.
Né à Mallawi en Haute-Egypte et résidant à Marseille en France, cheikh Zain est l’une des plus grandes voix ayant réussi à redonner vie, dans son pays natal comme à l’étranger, à un répertoire qui tombait dans l’oubli. A savoir : des chants de tradition orale, issue du répertoire soufi sacré et de l’héritage oral.
Issu d’une famille soufie, cheikh Zain a été formé à l’âge de 6 ans au chant sacré à l’école d’Al-Azhar de Minya en Haute-Egypte, précisément à Bani Mazar. Il apprend toutes les formes de récitations sacrées et devient connu dans sa région, pour le miracle de sa belle voix à l’âge de 13 ans.
Succès après succès, sa renommée dépasse largement les frontières des villages et s’étend vers un champ beaucoup plus large, à savoir la ville. A l’âge de 24 ans, en 1992, Zain part vivre au Caire où il travaille avec la troupe théâtrale Al-Warcha de Hassan Al-Grétli. « C’est vrai que je venais de temps à autre au Caire, sur invitation, pour chanter dans les mouleds (commémoration d’un saint) d’Al-Hussein ou d’Al-Sayéda Zeinab. Néanmoins, pour un simple villageois, la ville m’était encore inexplorée », déclare Zain dont le rêve dépassait les séances de zikr où l’on rappelle le nom de Dieu. Il s’intéresse aux chants arabes et populaires, les contes inclus. Etant un mounchid soufi, il n’était pas censé interpréter d’autres genres à Minya, sa ville natale. Néanmoins, c’est Hassan Al-Grétli, fondateur de la compagnie Al-Warcha, qui a redécouvert Zain chantant à Bani Mazar, dans Taghribet Abdel-Razeq, une pièce sur l’exode des villageois. Il lui demande alors de collaborer avec Al-Warcha. Et c’est à ce moment-là que Zain devient disciple du maître de la geste hilalienne, Sayed Al-Dawi. Il reprend ce patrimoine épique ainsi que des extraits d’un emblématique et véridique récit de l’Egypte contemporaine dont le Mawal de Hassan et Naïma (deux héros de la passion qui incarnent un amour impossible et tragique). « J’ai innové avec la chanson Hassan et Naïma de Mohamad Taha écrite pour les mouleds, en lui accordant un rythme beaucoup plus théâtral, incrusté de chants et de contes », évoque Zain.
Innover, travailler sur la mise en scène et la chorégraphie des spectacles. C’est ce qui caractérise les créations du cheikh Zain, aux parfums de grandes fêtes populaires et de chants rythmés d’intermèdes dansés.
Entre l’Egypte et la France
« Malheureusement, actuellement en Egypte, le chant populaire est à la portée d’amateurs qui le considèrent comme une mode, bien qu’il existe en Haute-Egypte de vrais artistes populaires qui ne trouvent pas de travail », souligne Zain, vivant entre l’Egypte et la France.
D’ailleurs, en collaboration avec son épouse marseillaise Virginie Recolin-Ghanem, qu’il a rencontrée en 1998 lors de ses recherches sur l’histoire des arts populaires en Egypte, Zain lance à Paris un premier CD intitulé Mén Saïd Misr (de la Haute-Egypte). Et à Marseille, Zain forme en 2009 son premier groupe musical La fabrique du Temps. Suivi d’une école d’arts populaires égyptiens ou La Maison de la culture égyptienne, spécialisée dans le chant populaire, les contes, la danse du ventre et la derbouka. En 2011, Zain forme également la Chorale d’Al-Cheikh Zain al-masri (Zain l’Egyptien). Une chorale de chant soufi, formée de six françaises, danseuses de tannoura, d’un contrebassiste, d’un joueur de luth, de mandoline, de derbouka et de rebab. Le tout accompagné de chants soufis et de contes populaires. « Mes spectacles aux motifs populaires mettent l’accent sur les trajectoires croisées franco-arabes, Orient/Occident », affirme Zain, lequel donnera les 7 et 8 août des ateliers de chants soufis, à Al-Warcha, au centre-ville cairote. Et du 14 au 17 août, au Centre culturel Jésuite d’Alexandrie.
Le lieu où la musique s'exprime
Makane signifie littéralement endroit. C’est le centre qui a accueilli tout au long du Ramadan les soirées de chant du cheikh Zain. Depuis sa fondation en 2002, ce centre réservé à l’art et à la culture populaire égyptienne (zar, chant soufi, musique populaire, etc.) se veut fidèle à son nom, en étant l’endroit par excellence où l’on peut trouver des informations nécessaires sur ces thèmes et assister à des spectacles. Son propriétaire Ahmad Al-Maghrabi tente d’effectuer un travail d’ethnomusicologie, multipliant les enregistrements, les vidéos et les documents pour archiver notamment un folklore qui risque de disparaître. Makane est situé au 1, rue Saad Zaghloul, Mounira. Ses murs et son décor revêtent un côté sobre, vétuste, offrant un cadre spécial à une musique très spéciale.
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