Al-Ahram Hebdo : C’est quoi les antibiotiques et quand est-ce qu’ils sont prescrits par le médecin ?
Professeure Maha El-Touny : Les antibiotiques sont des médicaments qui peuvent tuer certaines bactéries. Le médecin les prescrit pour les patients qui souffrent d’une infection bactériale. Il existe deux catégories d’antibiotiques : ceux utilisés contre un type spécifique de bactéries identifié par le médecin et ceux dits à large spectre qui s’attaquent à un vaste éventail de bactéries. Le médecin a recours à cette deuxième catégorie dans les cas où le type de bactérie n’est pas reconnu, mais surtout pour les patients à faible immunité et qui sont par conséquent plus à risque d’infection de tout type. Dans tous les cas, le patient doit s’en tenir à la prescription et respecter les horaires de prise et le dosage.
— Souvent, dès que la personne a un peu de fièvre, elle a recours aux antibiotiques …
— Si le patient est en bonne santé, si sa respiration et son pouls sont réguliers, et s’il ne souffre ni d’infection pulmonaire ni d’accumulation de pus à l’arrière de la gorge, là, il s’agit d’une simple grippe et les antibiotiques n’ont aucun effet contre une maladie virale comme la grippe. Dans ce cas, le patient peut compter sur son système immunitaire et, même avec une forte fièvre, il peut se rétablir tout seul.
— Si les antibiotiques n’offrent aucune protection contre les virus, pourquoi figurent-ils dans les protocoles de traitement du Covid-19 ?
— Il a été prouvé que certains antibiotiques peuvent stimuler le système immunitaire pour mieux résister contre le virus. Ceci est valable pour les cas légers de Covid-19. Pour les cas plus graves, on administre des antibiotiques pour protéger les patients contre les infections bactériennes, notamment les infections nosocomiales s’ils sont hospitalisés.
— Comment et quand les antibiotiques deviennent-ils dangereux ?
— Les antibiotiques ne deviennent pas dangereux, le problème c’est l’apparition de bactéries résistantes aux antibiotiques. L’Organisation mondiale de la santé prévoit que d’ici 2050, environ 10 millions de personnes seraient mortes tous les ans à cause de ce genre de bactéries. Celles-ci, ayant évolué pour résister à l’effet des antibiotiques, deviennent une menace pour la santé publique. Notons aussi que les firmes pharmaceutiques n’ont pas produit de nouveaux antibiotiques depuis 1987, ce qui signifie qu’aujourd’hui il n’existe pas d’antibiotiques contre ces « super-bactéries ». De ce fait, le traitement des maladies infectieuses courantes comme les inflammations pulmonaires et des maladies d’origine alimentaire devient de plus en plus difficile parce que les antibiotiques perdent de leur efficacité. Plus grave encore, l’émergence de la résistance bactérienne, qu’on appelle antibiorésistance, met en danger les patients qui subissent une greffe, une chimiothérapie ou une chirurgie quelconque et qui ont besoin d’antibiotiques pour les protéger d’une éventuelle infection.
— A votre avis, l’abus des antibiotiques est-il attribuable au patient ou au médecin ?
— Aux deux, malheureusement. D’un côté, en Egypte, le patient peut aller à la pharmacie et se procurer l’antibiotique qu’il veut sans prescription médicale. Et d’un autre côté, les médecins ont tendance à prescrire des antibiotiques sans un réel besoin.
— Et la solution ?
— La solution à mon avis serait que le ministère de la Santé en régularise l’utilisation à travers des protocoles de traitement par antibiotique qui serviraient de guide aux médecins et en interdisant la vente des antibiotiques sans prescription médicale.
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