Le président déchu Mohamad Morsi, mis au secret par l’armée depuis sa destitution le 3 juillet dernier, a été placé vendredi en détention préventive pour une durée de 15 jours, dans le cadre d’une procédure concernant son implication présumée, sous son prédécesseur Hosni Moubarak, dans des attaques contre la police imputées au Hamas, et son évasion de la prison de Wadi Al-Natroune.
Vendredi 26 juillet, le jour même de cette décision, une délégation d’activistes des droits de l’homme a été autorisée à visiter l’ex-président.
Membre de cette délégation, le directeur du Centre arabe pour l’indépendance de la justice, Nasser Amin, a affirmé dans un entretien téléphonique à Al-Ahram Hebdo que le président déchu avait refusé de les rencontrer protestant contre l’absence de Sélim Al-Awa, un juriste islamiste qui comptait parmi ses conseillers. « C’est l’ancien chef du cabinet de la présidence, Refaa Al-Tahtawi, qui nous a rencontrés et il nous a rassurés sur l’état de santé et le moral du président Morsi », ajoute Amin, précisant que Morsi est accompagné de deux de ses hommes, Tahtawi et l’ancien directeur de son bureau, Ahmad Chiha.
« Mais tout en affirmant qu’ils sont bien traités, Tahtawi s’est plaint contre le fait qu’ils sont interdits de recevoir ou d’appeler leurs proches ou de contacter leurs avocats », explique Amin. Il se dit incapable de préciser l’endroit où l’ex-président est détenu : « Nous nous y sommes rendus par un avion militaire, et on a refusé de nous donner des précisions sur son lieu de détention pour des raisons relatives à la sécurité de l’ex-président. Tout ce que je peux dire c’est que c’était une caserne militaire ».
Les membres de la délégation devront soumettre un rapport de leur visite au président intérimaire Adly Mansour et au premier ministre Hazem Al-Beblawi pour réclamer notamment le transfert de l’ex-président vers une installation dépendante du ministère de l’Intérieur et qu’il lui soit permis de contacter ses proches et ses avocats, toujours selon Amin.
Un tribunal égyptien avait statué le 23 juin que le Hamas, lié aux Frères musulmans, et le Hezbollah chiite libanais étaient impliqués dans l’évasion de prisonniers, dont Mohamad Morsi, pendant la révolte contre Hosni Moubarak début 2011. A l’époque, Morsi avait assuré que lui et les 33 autres membres de la confrérie islamiste emprisonnés ne s’étaient pas évadés, mais que « des habitants leur avaient ouvert les portes » de la prison.
Les Frères musulmans, l’organisation islamiste dont est issu le président destitué, ont qualifié ces accusations de « ridicules » et ont estimé qu’elles constituaient le signe d’un retour à l’ancien régime de Hosni Moubarak. De son côté, le Hamas multiplie les démentis d’informations de médias égyptiens sur son implication dans les troubles aux côtés des partisans du président renversé. Alors que la famille de Morsi a affirmé, lundi, qu’elle voulait porter plainte devant la justice égyptienne et internationale contre le chef de l’armée, le général Abdel-Fattah Al-Sissi, l’accusant d’avoir fait « enlever » l’ancien président.
Aucun écho
Le nouveau pouvoir n’a donné aucun écho aux demandes des Etats-Unis et de l’Union européenne de libérer Morsi, se bornant à assurer qu’il était bien traité.
Au niveau local, la détention de Morsi est critiquée par les défenseurs des droits de l’homme, mais justifiée par des politiciens qui y voient une « exception justifiable ». Ainsi, la porte-parole du parti de l’Alliance populaire socialiste, Mona Ezzat, estime, en référence à la confrérie des Frères musulmans, que « nous sommes face à une faction politique qui refuse de reconnaître la réalité et d’accepter le fait que des millions d’Egyptiens sont sortis dans la rue revendiquant le départ du président Morsi ».
Pour elle, la détention de ce dernier dans un lieu tenu secret « est destinée à éviter une escalade au cas où les Frères décideraient de le libérer par la force, ou même de l’assassiner, pour rendre l’armée responsable de son meurtre ». Elle justifie ses propos par « la tentative de prendre d’assaut le QG de la garde républicaine par les supporters de Morsi » le 8 juillet.
Mais pour Nasser Amin, ces hypothèses ne justifient pas le maintien du secret entourant la détention de l’ex-président. « Il est temps que son lieu de détention soit connu, et que son interrogation se poursuive conformément à la loi, et il suffit dans ce cas d’assurer le dispositif nécessaire pour sa protection », dit-il.
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