Rania AL-Laboudy, lauréate du prix Khaïri Chalabi.
En septembre dernier, la famille du grand romancier défunt Khaïri Chalabi a annoncé la lauréate du prix qui porte son nom : Rania Al-Laboudy. Il s’agit d’un prix pour le roman lancé indépendamment par la famille de l’auteur (né le 31 janvier 1938 et mort le 9 septembre 2011). Son oeuvre éclectique comporte plus de 60 livres (romans, recueils de nouvelles, pièces de théâtre, critique littéraire, essais), ainsi que des textes pour la radio et la télévision. « Depuis la mort de mon père nous, les membres de ma famille et moi, nous cherchons à faire quelque chose pour lui. Chaque année, nous y réfléchissons un peu sans agir. Cette année, nous avons annoncé l’appel à candidature à son anniversaire en janvier, avant la crise du Covid-19 et le confinement. C’était un grand défi de poursuivre les différentes étapes de la compétition dans les circonstances d’isolation imposée depuis fin mars jusqu’à fin juillet. Mais on a voulu continuer », explique Imane Khaïri, fille de l’auteur défunt.
La compétition s’adresse aux jeunes moins de 40 et est consacrée à l’écriture du premier roman sans un thème précis. Une vingtaine de jeunes romanciers de différents gouvernorats égyptiens ont envoyé leurs textes en ligne au courriel du prix. Et après le tri, le jury, composé des romanciers et écrivains Mahmoud Al-Wardani, Ibrahim Abdel-Méguid et le jeune Tarek Imam, a annoncé que le texte Al-Saa Baad Al-Sefr (il est après zéro) de Rania Al-Laboudy, originaire de Béheira, a gagné. Le prix constitue à imprimer le roman chez la maison d’édition Dar Batana. « Le jury et la maison d’édition ont contribué volontairement à la compétition. Cela a facilité le processus. Mais en fait, j’espère que nous pourrons prochainement développer la compétition et offrir plus de prix aux jeunes. J’étais très heureuse de trouver un bon nombre de candidats venus des provinces égyptiennes. La publication du roman résume aux jeunes débutants un long processus pour faire sortir leur premier ouvrage : chercher une maison d’édition convenable, contacter les éditeurs et les convaincre de leurs textes, payer les frais d’impression, etc. », souligne Imane Khaïri. Le prix a été décerné lors d’une cérémonie tenue à la maison d’édition Dar Batana pour la publication et la distribution au Caire. Al-Laboudy a reçu aussi un trophée sur lequel figure l’image du grand auteur Khaïri Chalabi.
Quelques jours après, et en suivant les traces et les mêmes démarches de la famille Khaïri, Asmaa Yéhia Al-Taher Abdallah annonça une autre compétition consacrée aux premiers recueils de nouvelles des jeunes écrivains et qui porte le nom de son père : Yéhia Al-Taher Abdallah (1938-1981). Son oeuvre, peu abondante, mais de très grande qualité, est faite essentiellement de nouvelles poétiques et de courts romans très originaux. « J’étais très émue par la réussite de la compétition de Khaïri Chalabi et par l’idée du prix qui porte son nom lancée par sa famille. Cela m’a beaucoup encouragée à lancer celui au nom de mon père. Je ne savais pas quoi faire et j’ai même contacté Imane Khaïri et son époux Hatem Hafez pour comprendre d’eux quelles sont les procédures nécessaires », explique Asmaa Al-Taher.
L’appel à candidature se déroule jusqu’à la fin de l’année. Une liste restreinte sera annoncée le 9 avril 2021, à l’occasion de l’anniversaire de Yéhia Al-Taher Abdallah. Et le prix sera déclaré le 20 avril 2021, à l’anniversaire de sa mort.
Un dialogue continu
Ces initiatives indépendantes visent à mémoriser les auteurs défunts et permettent de revivifier leurs noms pour toujours. « Il ne faut pas attendre qu’une initiative pareille soit lancée par l’Etat ou les organismes culturels officiels. Je crois que l’Etat est en cours de rétablissement. De plus, ma famille et moi, nous sommes engagés dans la vie culturelle. C’est notre devoir de lancer le prix », déclare Imane Khaïri. Un avis partagé aussi par Al-Taher qui précise : « Al-Taher Abdallah est mort dans les années 1980. Tout au long de ces années aucun organisme n’a adopté l’idée d’un concours littéraire qui porte son nom. Le temps passe rapidement. C’est très important pour nous, les membres de ma famille et moi, de créer un certain lien entre Al-Taher et les jeunes générations. Cela incite les jeunes à le redécouvrir et à lire ses oeuvres. De plus, la maison d’édition qui contribue volontiers à la publication du recueil de nouvelles investit le nom de mon père dans ses éditions, ce qui garantit une certaine diffusion. Le jury qui contribue volontairement à la compétition sera composé de ses disciples et amis. Ces compétitions littéraires donnent un élan à la vie culturelle en Egypte ».
Les prix présentés permettent alors une communication entre les différentes générations et entre les morts et les vivants. « Je crois qu’il n’y a pas de nombreux prix littéraires qui portent les noms d'auteurs. C’est pourquoi les familles des auteurs défunts cherchent à le faire. De plus, ce va-et-vient entre ces auteurs et les jeunes générations est une sorte de communication assez fructueuse et permet un dialogue culturel et littéraire continu », explique Mervat Al-Jessri, femme de Sayed Hégab (1940- 2017) et qui vient de lancer une compétition pour la poésie dialectale au nom de son mari, maître de ce genre en Egypte et parolier dont les chansons continuent à nous fasciner. « Sayed Hégab n’a besoin ni d’hommage ni de commémoration. L’ensemble de son oeuvre témoigne de son parcours et de son art. Il était souvent soucieux de soutenir les jeunes et de les guider. Souvent, des jeunes venaient jusqu’à la maison pour juste lui montrer leurs poèmes et demander son avis. Il était soucieux d’enregistrer leurs numéros de téléphone et de les contacter. Il s’intéressait à les aider. Je crois que le prix va poursuivre d’une certaine manière son rôle de soutien et d’encouragement » lance-t-elle. Jusqu’à la fin de l’année, la compétition ouvre ses portes pour accueillir les différents poèmes des concurrents.
Autre compétition littéraire annoncée, le prix Yéhia Haqqi pour les jeunes écrivains arabes. Haqqi, né le 17 janvier 1905 et mort le 9 décembre 1992, a été le grand précurseur de plusieurs générations d’écrivains égyptiens et arabes.
Les critères, les conditions et la structure de ce prix sont différents, mais ils gardent aussi son indépendance. En fait, la compétition est organisée par l’Union des égyptiens résidant aux Etats-Unis et au Canada en coopération avec l’association Al-Nahda, des Jésuites du Caire. Cette union est une ONG située aux Etats-Unis et qui vise à créer une certaine liaison avec la vie culturelle dans la terre d’origine à savoir l’Egypte. « L’union a choisi de consacrer une compétition au nom de Yéhia Haqqi parce qu’il est un fils prodige de la littérature égyptienne moderne. La fille du grand romancier, Noha Haqqi, a donné son accord à l’union de lancer le prix et a promis aussi comme son père d’encourager toujours les jeunes », lance Mohamad Abou Al-Ghar, PDG de la compétition, dans la presse.
La compétition a reçu tout au long du mois d’octobre des textes publiés entre 2017 et 2020 pour des jeunes écrivains moins de 40 ans. L’union va offrir bientôt le palmarès suivant : 150 000 L.E. pour le premier prix et 70 000 L.E. pour le deuxième prix. Le jury qui cherche à primer des auteurs arabes professionnels va bientôt débuter son travail.
Les prix indépendants aux noms des auteurs égyptiens se multiplient et permettent de ressusciter les anciens créateurs défunts et découvrir les jeunes talentueux vivants.
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