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Y a-t-il un espoir au Moyen-Orient ?

Dimanche, 11 octobre 2020

Aux Etats-Unis comme en Occident on a vu apparaître au fil des années des vagues de déception vis-à-vis du Moyen-Orient. Pour être précis, ces vagues portaient surtout sur le monde arabe. Les racines de ces vagues remontent aux écrits de Bernard Louis sur le Moyen-Orient dans les années 1960 du siècle dernier. Puis, il y a eu les écrits de Fouad Agami dans les années 1970 sur la fin de l’arabisme. Il y avait une idée reçue selon laquelle l’arabisme et les Arabes sont « voués à disparaître ». Au début du millénaire, on a fait porter aux Arabes la responsabilité des vagues terroristes qui ont atteint les villes de New York et de Washington. L’idée « ingénieuse » du renversement des régimes arabes est alors apparue. Lorsque les Etats-Unis ont envahi l’Iraq, on entendait souvent dire que Bagdad n’était pas la cible, mais plutôt Le Caire et Riyad.

La guerre en Iraq a pris fin et un peu avant, celle d’Afghanistan, laissant des séquelles importantes sans que nous sachions quand et comment elles prendraient fin. Ensuite, ce fut le Printemps arabe qui était un moment de bonheur pour l’Occident, mais il n’a pas duré longtemps. Il a surtout donné lieu à des régimes, des mouvements et des organisations terroristes et à des guerres civiles qui ont mené à l’effritement et à la destruction de villes et nations.

Au milieu de la dernière décennie, une task force de chercheurs et d’experts a été formée à Washington, appelée Middle East Task Force (MEST) sous la supervision de Madeleine Albright, secrétaire d’Etat américaine à l’époque de Clinton, et de Stephen Hadley, conseiller à la sécurité nationale sous Georges Bush fils. Le rapport publié par cette task force affirmait que des raisons profondes étaient à l’origine de l’absence de traditions libérales et démocratiques dans la région du Moyen-Orient. Les démocrates et les républicains étaient unanimes sur cette question.

Le 5 septembre dernier, Steven Cook, membre du Conseil des affaires étrangères, a publié un article intitulé « Fin de l’espoir au Moyen-Orient, la région a toujours eu des problèmes mais elle a atteint le point de non-retour ». En réalité, cette vision n’était pas exclusivement celle de Cook. Ce qui est étonnant c’est que ces travaux ont pour référence le libéralisme qui n’est plus l’unique critère de progrès à l’échelle mondiale. En effet, l’expérience américaine actuelle suscite bien des interrogations concernant sa capacité à maintenir le progrès dans le contexte de la grande complexité résultant des nouveaux moyens de production et de l’apparition de l’Etat-nation en réaction à la mondialisation. La région a été exposée à une série d’épreuves considérables au cours des deux dernières décennies qui ont commencé avec l’avènement de l’extrémisme islamiste suivi par une vague de terrorisme qui a ciblé plus la région du Moyen-Orient que le monde. Ce terrorisme et le Printemps arabe ont donné lieu à des guerres civiles et à des formes inédites de chaos. Ce chaos n’était pas de nature à favoriser la démocratie ou la création d’un Etat-nation, tel que l’espéraient les Etats-Unis.

Ce que les groupes de recherche américains n’ont pas vu, c’est que malgré toutes ces tragédies, les pays arabes n’ont jamais dégringolé et n’ont jamais été en proie à la division et à l’effritement. L’Algérie est sortie de la décennie noire plus forte qu’avant et mieux armée pour étudier l’avenir politique du pays. Malgré l’invasion américaine et l’effondrement de l’Etat iraqien puis sa recomposition sur une base de quotas, l’Iraq a survécu et le référendum kurde n’a pas réussi à consacrer la séparation. En Syrie où le conflit est sanglant, il n’existe ni à l’intérieur du pays ni à l’étranger des tendances privilégiant son partage. Même chose pour le Liban et la Libye.

Plus important encore, la réaction arabe durant la première décennie du millénaire a pris la forme d’une série de réformes idéologiques qui se ont imposées sur l’arène politique et économique au cours de la seconde décennie en Arabie saoudite, en Egypte, aux Emirats arabes unis, en Jordanie, au Maroc, en Algérie, à Bahreïn, à Oman et en Tunisie. Mais ces réformes ont évolué sous le poids des mouvements islamistes comme celui du parti d’Ennahda en Tunisie. Le succès politique a donné lieu à un recul au niveau économique et au niveau de la citoyenneté. L’Egypte et l’Arabie saoudite ont présenté des modèles reconnus par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM), notamment sur le développement humain, la compétitivité et autres. Ces idées ne sont pas prises en considération par les chercheurs américains, car elles ne soutiennent pas leurs visions. Les politiques de réforme ne se limitent pas aux méga-projets économiques qui se multiplient chaque jour, mais abordent des problèmes aigus comme la santé, l’enseignement et le logement. Ajoutons à tout cela le renouvellement du discours religieux, l’autonomisation de la femme et le traitement positif de la question des minorités. Ces réformes sont accompagnées d’une renaissance sans précédent dans laquelle l’histoire est devenue une partie intégrante de la reconstruction de l’Etat-nation.

Jamais le monde arabe ne s’est résigné face à son difficile destin. Il a résisté à la dislocation et était prêt à la reconstruction, à l’instar des pays qui l’ont devancé. Il n’a pas pris pour exemple le modèle occidental qui a vu échouer plusieurs expériences menées sous la supervision de l’Oncle Sam. Et ce, malgré les pressions énormes exercées par les pays du voisinage comme l’Iran, la Turquie, l’Ethiopie et Israël, sans parler des formes d’intervention directe menées par la Russie et l’Otan. Les réactions arabes à ces pressions se sont manifestées à la lumière du leadership saoudien du G20 et sa tentative de résoudre le conflit yéménite sans diviser le Yémen. L’Egypte, quant à elle, a proposé le projet de coopération entre les pays de l’Est de la Méditerranée. Toutes ces tentatives sont porteuses d’espoir et dessinent le chemin d’un avenir prometteur, que M. Cook ne veut pas voir, selon toute vraisemblance.

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