Le livre audio a réalisé 500 % d’écoute en plus cette année, dit-on à propos de l’essor du livre audio en Egypte. La période de confinement a bien évidemment révélé de nouvelles habitudes et tendances. Depuis l’avènement du coronavirus, les individus et les familles sont branchés devant leurs ordinateurs et leurs smartphones pratiquant des activités diverses.
Mais loin des chiffres exagérés, les spécialistes affirment que le pourcentage d’écoute du livre audio est trois fois supérieur à celui d’avant le confinement. Ceci est intéressant pour un nouvel outil, introduit en Egypte il y a à peine cinq ans. « Au-delà du confinement, de la fermeture des librairies et les difficultés de fournir les livres à domicile, le succès du livre audio s’explique aussi par la présence de grandes boîtes internationales dans la région arabe », avance Mohamed Baaly, directeur de la maison Sefsafa pour la traduction et la publication. Il estime que la réussite de quelques titres en audio a certes encouragé les maisons d’édition égyptiennes à y adhérer (voir encadré sur les livres les plus écoutés, par Storytel). La clientèle du livre audible était, il y a peu de temps, limitée aux livres en anglais, cela dit à une certaine classe aisée, qui maîtrise la langue anglaise et qui écoute, en étant au volant de la voiture ou pendant un vol. En fait, l’histoire du livre audio en Egypte a commencé il y a 5 ans. Elle est plutôt liée à la naissance de start-up qui ont commencé à travailler sur les données arabes comme Iqraäli et KitabSawty.
La première se limitait à des articles audio ou des chapitres de livres, tandis que la seconde, KitabSawty, possède à son compte 2 000 titres et vient d’être vendue à Storytel. Cette dernière est une entreprise née en Suède en 2016, et qui a commencé « la conquête » du contenu arabe en 2018, visant 400 millions de personnes parlant cette langue. C’est la preuve que la tendance du livre audio commence à gagner du terrain. Aujourd’hui, le directeur de cette multinationale, Storytel, Ali Abdel-Moneim, est fier de compter 5 000 titres audio, formant ainsi la plus grande bibliothèque audio en arabe. C’est la seule multinationale qui travaille sur le contenu en arabe dans la région. « Le confinement a donné un nouvel élan à la consommation du livre audio », précise Ali Abdel-Moneim. Et d’ajouter : « Cela exige principalement un minimum de culture et une grande sensibilisation ». Il existe également trois autres sociétés arabes qui ont un profil régional, à savoir la Bahreinie Alrawy, la Qatari Rawy Al-Kotob et la Saoudienne Dhadh.
Que lit-on ?
La question qui se pose est surtout la suivante : qui se lance dans le voyage audio aujourd’hui? Et pour quel type de livre ? A l’encontre des clients classiquement connus de l’audio, notamment les handicapés et les enfants, le livre audible gagne aujourd’hui un nouveau lecteur-auditeur. « Le visiteur des plateformes audio est le plus souvent un non-lecteur, celui qui n’a pas l’habitude d’acheter des livres, ni de lire en général », affirme Abdel-Moneim. Quant aux domaines d’attraction ou les genres favoris de livres, d’après les sondages de Storytel, ce sont les ouvrages sur les ressources humaines, les biographies, le crime/thriller, le fantastique, la science-fiction et les romances.
Les spécialistes du livre partagent le même avis : le lecteur assidu ne sacrifie pas facilement l’activité de la lecture, tandis que les partisans de l’audio se penchent plutôt vers les livres légers, ceux de la terreur ou du romantisme.
On est donc encore au début du chemin. Pourtant, Mohamed Baaly donne des exemples de réussite de livres audio sans faire partie ni de la littérature, ni des livres à la mode, tels La Science des moeurs de Spinoza ou Le Livre de 1968 de Norbert Fray.
Livre audible/livre numérique
Comparer le livre numérique au livre audible est une tâche difficile. Sherif Bakr, directeur des éditions Al-Arabi, est l’un des fans des livres audio ; il pense que le numérique qui existe depuis 20 ans est l’outil le plus apprécié dans les bibliothèques académiques, là où étudiants et chercheurs se vantent de pouvoir se débarrasser des rangées de livres au détriment du numérique qui n’occupe presque pas d’espace.
« Les lecteurs vigoureux lisent via Kindle, tandis que les livres audio sont plus un trend qui se dirige vers les bestsellers, le crime, la terreur, le spirituel et le religieux, et non pas la littérature propre », indique Bakr.
Ce choix des genres, dans l’audio, limite la liberté des éditeurs qui se heurtent à un catalogue préétabli répondant à la seule offre-demande. Côté financier, le livre audio n’est pas encore rentable, « car cela exige une très haute consommation ou des écoutes très fréquentes », comme le souligne Sherif Bakr. Cependant, il suffit d’écouter une partie attrayante d’un livre pour tomber amoureux de ces plateformes et aller par la suite à la recherche de ce livre en format papier ou numérique. Bakr relève une particularité de l’audio, dans le monde arabe, qui est celle de résoudre les problèmes de la distribution et d’échapper à la censure.
Il suffit d’avoir un livre audio pour pouvoir dépasser les frontières et éviter la surveillance de la censure.Trois domaines semblent ainsi complémentaires : le livre en papier, le numérique et l’audio, comme si l’audio jouait le rôle publicitaire du livre, quelle que soit sa forme. Le résultat final est toujours en faveur du livre, de la connaissance et du bien-être.
Les titres les plus écoutés pendant le Covid-19, d’après une enquête de Storytel
Fourty d’Ahmed Shokeir (Méditation en 40 jours), le livre de 2020.
Game of Thrones
Hurry Poter
Nazariyate Al-Fosto Al-Aqel (Cybien)
Awlad Haretna (les fils de la Médina) de Naguib Mahfouz.
Lien court: