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Les mercenaires, l’arme abjecte d’Ankara

Amira Samir, Mercredi, 01 juillet 2020

Quelque 15 000 Syriens, envoyés par la Turquie, seraient actuellement en territoire libyen. Un afflux de mercenaires qui aggrave davantage le conflit.

Les mercenaires, l’arme abjecte d’Ankara
Selon l'OSDH, Ankara a envoyé en Libye plus de 15 000 mercenaires syriens depuis le début de son intervention en Libye.

« L’acheminement de milliers de mercenaires syriens par la Turquie vers la Libye a pour but de faire pencher la balance du conflit en faveur d’un camp contre l’autre. Si la situation se détériore en Libye, des centaines de milliers de personnes qui y vivent et travaillent pourraient bouger vers l’Europe », a mis en garde, la semaine dernière, Josep Borrell, haut représentant de l’Union Européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH), Ankara a envoyé en Libye plus de 14 700 Syriens, depuis le début de son intervention dans le conflit actuel.

Ces mercenaires, avant de rejoindre les rangs des forces du Gouvernement d’union nationale (GNA), opposées à l’Armée Nationale Libyenne (ANL), ont suivi des formations en Turquie. La majorité de ces Syriens sont issus de différents groupes de djihadistes et de milices pro-turques arabes et turkmènes, dont la Division Sultan Mourad et la Brigade Suleiman Shah, division Al-Moatassim, Al-Hamzat et le Front du Levant. Un grand nombre d’entre eux a été engagé dans des combats contre les milices kurdes en 2019 et a été rendu coupable de graves crimes de guerre. Au moins 417 mercenaires syriens sont morts en Libye, selon l’OSDH, lors d’affrontements sur les lignes de front de plusieurs zones, citons celles de Salaheddine dans le sud de Tripoli, Misrata, d’Al-Ramlah, près de l’aéroport de Tripoli, et d’Al- Hadabah.

Enfants soldats

L’OSDH a également documenté l’exploitation des enfants dans les combats. Environ 200 enfants âgés de 14 à 18 ans ont été recrutés pour combattre en Libye, la majorité d’entre eux appartenant à la Division Sultan Mourad. « Les enfants syriens recrutés par la Turquie ont été utilisés comme combattants, mais aussi exerçant d’autres rôles de soutien pour leurs compatriotes », précise-ton. 30 enfants de moins de 18 ans ont ainsi trouvé la mort dans les combats, selon la même source.

Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux et différents témoignages concordent sur l’engagement de ces mercenaires sur la base d’un contrat renouvelable d’un montant variant entre 2 000 et 3 000 dollars par mois. Un salaire au moins 20 fois supérieur à celui reçu en Syrie. Dans l’une de ces vidéos, un homme s’exprimant en dialecte syrien sans apparaître à l’image montre sa carte d’identité turque. En arrière-plan apparaît le logo de la ville turque Ghaziantep, où on rassemble les candidats syriens au départ vers la Libye. Il explique comment les 2 000 dollars qu’il percevra de la Turquie en coordination avec le GNA devaient changer sa boussole, passant de la lutte contre l’armée du régime syrien à un guerrier contre l’ANL.

En échange de leur contribution aux combats, les mercenaires syriens auront aussi la nationalité turque. Les chefs de « l’armée syrienne libre » reçoivent leurs cartes d’identité turque avant d’être transférés en Libye. Les simples soldats l’obtiennent d’emblée. Interrogée par RFI, Elizabeth Tsurkov, chercheuse au Foreign Policy Research Institute, explique que le sort des simples soldats est plus compliqué. « Ils doivent attendre leur transfert en Libye et combattre pendant 6 mois pour obtenir leur nationalité turque. S’ils meurent avant d’accomplir la durée déterminée, leur famille percevra 30 000 dollars en guise de compensation ». La Turquie s’est aussi engagée à payer les frais médicaux des blessés et à rapatrier, en Syrie, les corps des défunts. « Il y a suffisamment d’armes en Libye. Ils n’ont pas besoin d’armes supplémentaires. Il y a suffis amment de mercenaires en Libye, alors arrêtez d’envoyer des mercenaires ... Tout accord de cessez-le-feu ne réussira jamais en Libye s’il n’est pas accompagné du départ des mercenaires et des combattants étrangers », a dénoncé l’envoyé spécial de l’Onu en Libye, Ghassane Salamé, dans son dernier rapport périodique, en mars dernier, avant de démissionner.

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