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Alep : A la recherche de la prospérité d'antan

Amira Samir, Samedi, 29 février 2020

La vie tente de reprendre ses droits à Alep, deuxième ville de Syrie et ancien bastion industriel du nord-ouest. Le redressement économique nécessite toutefois un gros effort.

Alep : A la recherche de la prospérité d

Après des années de guerre, les canons se sont tus à Alep, et la vie commence timidement à reprendre un cours normal dans cette ancienne capitale industrielle de la Syrie. L’aéroport inter­national d’Alep, le deuxième plus grand termi­nal du pays, a redémarré ses vols commerciaux cette semaine pour la première fois depuis sa fermeture en 2012. Cette réouverture intervient peu après que l’armée syrienne avait repris toute la zone autour d’Alep ainsi que la route straté­gique reliant Damas à Alep, avec ses centres industriels (voir fiche). Damas, Le Caire, Dubaï, Beyrouth, Khartoum et Moscou : de nombreux vols internationaux sont d’ores et déjà program­més à destination d’Alep. Le premier vol Damas-Alep a atterri le 19 février, transportant une délégation ministérielle accompagnée d'hommes d’affaires syriens. Objectif : redresser plus rapidement le secteur industriel de la deu­xième ville du pays. Selon l’agence Sanaa, une délégation ministérielle s’est réunie pour la pre­mière fois au siège du gouvernorat d’Alep avec des personnalités économiques syriennes pour examiner l’état des installations industrielles et touristiques endommagées dans les zones libé­rées du terrorisme dans la banlieue ouest et sud-ouest de cette ville. Un plan économique pour le gouvernorat d’un montant de 145 milliards de dollars a été approuvé dans les différents domaines. « Alep est non seulement la capitale industrielle de la Syrie, mais aussi la capitale commerciale par excellence, puisqu’elle pos­sède la plus grande et l’une des plus anciennes chambres de commerce de la région qui fonc­tionne sans interruption depuis 1885 », a déclaré le ministre syrien de l’Economie et du Commerce extérieur, Mohamad Samer Al-Khalil.

Pour relancer plusieurs secteurs-clés de l’éco­nomie syrienne et attirer les investisseurs, ce dernier a déclaré que le gouvernement supporte­rait une partie des taux d’intérêt des prêts ban­caires pour réduire les coûts de financement et d’emprunt afin de faciliter le processus de lance­ment du processus de production de nouveau à Alep. En effet, le régime syrien mise aujourd’hui sur le retour des hommes d’affaires pour la reconstruction.

Reprendre à zéro

Mais Alep peut-elle redevenir l’ancien pou­mon économique qu’elle fut avant que la guerre syrienne n’éclate en 2011 ? La ville est dévastée par huit ans de guerre, et doit entamer un diffi­cile processus de reconstruction. Et, selon des experts, la reprise de l’activité économique comme elle existait à Alep avant 2011 va prendre des années, puisque les infrastructures de la ville sont énormément endommagées. Les photos aériennes actuelles de la ville rappellent des déstructurations causées par la Seconde Guerre mondiale. Les routes sont bordées de décombres, les immeubles désaffectés sur les deux côtés. La chaussée est aussi creusée dans plusieurs endroits par des cratères d’obus.

Dans une visite organisée par Damas, certains d’entre eux sont venus découvrir leurs anciens biens. « Je suis allé inspecter mon usine de cho­colat, ma boutique et ma ferme », explique Alaa Samani, rencontré par l’AFP, dont l’usine était la plus grande fabrique de chocolat de toute la Syrie, fondée en 1923. « Ce qui est le plus important, c’est que nous nous sommes débar­rassés des obus et que nous allons vivre en sécurité. Je suis certaine qu’Alep va retrouver sa place de capitale industrielle de la Syrie. L’Etat va aider dans une certaine mesure les industriels et les hommes d’affaires à reconstruire leurs usines », estime l’épouse de Alaa.

Le Caire, première destination depuis Alep

Les commerçants et hommes d’affaires syriens vivant en Egypte sont eux aussi dans l’expecta­tive. « Malheureusement, plusieurs de mes amis ou de mes collègues qui sont rentrés, soit à Alep soit dans d’autres villes de Syrie, n’ont retrouvé que des ruines. Rien ne restait de leurs biens. Ils disent que tout avait été détruit », affirme Rafif Al-Zouhor, une Syrienne originaire d’Alep et propriétaire d’un magasin de fruits secs à Madinaty. « Les hommes d’affaires syriens attendent avec impatience d’obtenir le soutien du gouvernement et les conditions nécessaires pour accélérer le retour. Nous voulons qu’Alep redevienne la capitale de l’économie et de l’in­dustrie », espère Rafif Al-Zouhor.

Un retour qui peut être facilité par la reprise des vols directs entre Le Caire et Alep. « Le premier vol international à destination du Caire, qui abrite une grande communauté syrienne, aura lieu le 1er mars », a déclaré Bassem Mansour, chef de l’administration des aéroports syriens, annonçant que « Le Caire sera la première destination internationale des vols syriens ». Sur la page Facebook du « Rassemblement des hommes d’affaires syriens en Egypte », la reconquête totale de la ville a été chaleureusement saluée. Talal Attar, investisseur syrien (originaire d’Alep) résidant en Egypte, a annoncé l’initiative d’organiser un « voyage d’affaires » du Caire à Alep pour célébrer la victoire. « Tout investisseur, indus­triel ou commerçant d’Alep attend avec impa­tience le retour de la ville sur la carte écono­mique pour pouvoir y revenir. La réouverture de l’aéroport d’Alep ainsi que le réaménage­ment des liaisons terrestres internationales reliant Alep au reste de la Syrie et au monde sont non seulement une victoire stratégique, mais aussi commerciale et économique qui contribueront grandement à stimuler les expor­tations », conclut Talal.

Alep, ancien poumon économique

Carrefour commercial stratégique, Alep possède une longue tradition de production manufactu­rière. Avant 2011, la ville était la plus peuplée et la plus riche de la Syrie. Elle comptait environ 3 millions d’habitants en 2011, avec 40 % de personnes âgées de moins de 15 ans. Sa situation géographique lui a donné une place particulière parmi les autres villes syriennes. Alep était à la fois la deuxième ville de Syrie, la capitale économique, le bastion industriel et un joyau historique. Mais, elle était surtout l’une des grandes villes industrielles de la région et le centre de la vie commerciale et économique de la Syrie, vers lequel sont destinés les investissements et les cir­cuits bancaires. A l’époque, la ville comptait environ 100 000 entreprises qui comptabilisaient plus du tiers des emplois manufacturiers nationaux, le tiers de la production industrielle et le quart des exportations de toute la Syrie. Elle était réputée notamment par ses industries textiles et ses industries agro-alimentaires dont les minoteries, les huileries et les boissons. Elle est réputée aussi pour des industries de métallurgie et de constructions mécaniques.

Alep était aussi réputée pour ses nombreux souks. Le vieux souk d’Alep, le plus long marché couvert au monde, d’une longueur de 17 km, a été très largement ravagé par les combats et des incendies lors desquels près de 700 échoppes en bois étaient brûlées. Dans les années 2000, le vieux souk d’Alep est devenu un modèle traditionnel, partiellement concurrencé par les premiers centres commerciaux à l’occidentale.

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