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Coupures de presse : Les calculs d’après-30 juin

Najet Belhatem, Mardi, 16 juillet 2013

Qui gouverne réellement actuellement ? Une réconciliation nationale est-elle possible ? Les reliquats du régime Moubarak vont-ils revenir en force ? Les courants islamistes sont-ils sur la même longueur d’onde ?

« Ce qui s’est passé le 30 juin a les caractères d’une révolution populaire, mais a aussi les airs d’un coup d’Etat militaire », analyse Galal Amin, l’écrivain et professeur d’économie à l’Université américaine du Caire et auteur notamment de Les Etats-Unis et les Arabes avant et après le 11 septembre. Il ajoute sur les colonnes du quotidien Al-Shorouk : « Il y a eu une révolution qui a affaibli le régime, mais les manifestations pacifiques ne pouvaient pas le faire tomber sans l’intervention de l’armée ». Selon lui, l’hésitation américaine face à ce qui s’est passé en Egypte est due non pas à la confusion, mais à « deux objectifs contradictoires : soutenir l’armée face au président déchu (pour des raisons qui ne me sont pas très claires, vu le soutien de l’administration américaine au régime des Frères musulmans jusqu’au dernier moment), et en même temps maintenir le rôle de la confrérie, peut-être pour ce qu’elle peut offrir aux Etats-Unis dans l’avenir ». Pour l’auteur, il n’y a pas lieu de se perdre en conjectures sur le 30 juin. « Il faut avouer qu’il y a des contours de révolution et des contours de coup d’Etat ». Mais cela, selon ses dires, ne règle pas le problème pour autant : « la révolution n’est pas toujours un bienfait et le coup d’Etat n’est pas toujours un méfait ».

Une transition drapée de flou

Galal Amin explique, en donnant des exemples tels que l’action de Mohamad Ali au début du XIXe siècle qui a commencé comme un coup d’Etat et qui a donné lieu à des actes immoraux, comme le carnage des Mamelouks, mais « nous continuons jusqu’à présent à faire les louanges de la Renaissance lancée par Mohamad Ali en Egypte. Il en est de même pour le mouvement de l’armée en 1952 qui a commencé comme un coup d’Etat, mais qui s’est transformé en révolution ayant instauré de merveilleux objectifs nationaux sur une période de 15 ans. Au contraire, ce qui s’est passé le 25 janvier 2011 a été une vraie révolution populaire mais, après avoir renversé un régime corrompu, elle s’est transformée peu à peu en une sorte de coup d’Etat, car le pouvoir en place a été très mou avec l’ancien régime et n’a ni récupéré les fonds volés, ni empêché les feloul de participer au pouvoir politique. Quant aux élections populaires de 2012, elles ont permis la venue d’un président qui a usé de moyens dictatoriaux en faveur de sa confrérie. Donc, espérons que le soutien de l’armée à la population le 30 juin ne se transformera pas en quelque chose d’autre ».

Le politologue Hassan Nafea avance dans le quotidien Al-Masry Al-Youm : « La période de transition actuelle est différente de la première, celle-ci était gérée par l’armée seule, et la deuxième gérée par la confrérie des Frères musulmans seule. Elle est entourée de flou et de cafouillage, car on ne sait pas qui est exactement aux commandes ». Il fait référence à la déclaration constitutionnelle promulguée par le président intérimaire « et on ne sait pas avec qui il a discuté avant de la promulguer, alors qu’elle renferme plusieurs problèmes. Sans compter le flou qui a entouré le choix du premier ministre, je crains que cela ne mène à l’échec de cette période de transition et que nous nous retrouvions devant ces choix : un retour de l’ancien régime dans une nouvelle tenue ou le retour de la confrérie et avec cette fois-ci un agenda islamiste. Ou encore le retour du régime militaire selon une formule proche de celle des Officiers libres qui ont conduit les étapes de la Révolution de Juillet 1952 ».

Des islamistes refont leurs comptes

Du côté des islamistes, on réalise que le courant a essuyé un sérieux revers et les Frères musulmans n’ont pas l’appui de tous. Al-Watan a annoncé sur ses colonnes que le cheikh salafiste de renom, Mohamad Saïd Raslane, directeur de l’institut Al-Forqane, a promulgué une fatwa selon laquelle « l’armée égyptienne a le droit et la responsabilité de combattre les takfiris parmi les Frères musulmans et les autres courants islamistes (les takfiris considèrent les musulmans ne partageant pas leur point de vue comme étant des apostats, et donc des cibles légitimes pour leurs attaques), parce qu’ils oeuvrent pour le bien des ennemis de l’islam ». Quant à Nagueh Ibrahim, l’un des chefs de la Gamaa islamiya, il a affirmé, selon des propos rapportés par la presse, que « le mouvement islamiste a perdu le pouvoir en Egypte, mais il ne doit pas perdre sa place dans la société en entrant dans une bataille avec l’opposition, l’armée et la police. S’il perd la société, il ne pourra plus jamais reprendre le pouvoir ». Il a également averti contre un affrontement avec l’armée et a appelé les Frères musulmans à bannir la violence.

Dans un long article paru dans le quotidien Al-Shorouk, Ibrahim Al-Hodeibi, dissident de la confrérie des Frères musulmans, petit-fils de Maamoun Al-Hodeibi, ex-guide suprême, écrit que la position actuelle des Frères musulmans favorise le retour à l’Etat autoritaire, voire le pouvoir militaire. Elle permet aux reliquats du régime de Moubarak de reprendre du souffle et du pouvoir. L’attitude actuelle des Frères leur est nuisible, mais elle nuit également à toutes les catégories sociales et politiques qui refusent l’Etat autoritaire et répressif. C’est pour cela qu’ils doivent réorienter leur boussole pour que leur bataille ne soit pas pour Morsi, mais pour défendre les espaces de liberté politique et sociale acquis durant ces deux dernières années.

Sur les colonnes du quotidien de tendance islamiste, Al-Masriyoune, le docteur Khaled Fawzi Abdel-Hamid Hamza, figure connue parmi les cheikhs de la mouvance islamiste, avance : « Les Frères ont encore une chance de participer au gouvernement Beblawi et peuvent accepter la réconciliation, mais comme personne ne peut contredire le bureau de guidance de la confrérie dont les membres sont poursuivis, il n’y aura donc pas de réconciliation. C’est là une impasse dangereuse avec l’effusion de beaucoup de sang. Le rassemblement à Rabea Al-Adawiya peut constituer une gêne pour le nouveau gouvernement, mais il est facile de le disperser. Les Frères musulmans doivent opter pour une trêve et négocier. Cela évitera de limiter les mauvaises actions des libéraux et des laïcs au pouvoir et dans la rédaction de la Constitution ».

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