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Les cinq défis de Morsi restent inachevés

Dossier réalisé par Chaïmaa Abdel-Hamid, Héba Nasreddine et May Al-Maghrabi, Mardi, 02 octobre 2012

Sécurité, carburant, pain, propreté et circulation : Morsi avait promis de régler ces cinq dossiers épineux dans les 100 premiers jours de son mandat. L’Hebdo a interrogé des experts pour évaluer la mise en œuvre de ses engagements.

Securite

1 La sécurité

« Cette période de 100 jours est très courte pour la réalisation des demandes, surtout en ce qui concerne le dossier de la sécurité. Mais il faut aussi avouer qu’il existe depuis quelques jours une amélioration et une présence sécuritaire importante. Un bon nombre de grands criminels ont été arrêtés. Nous pouvons donc envisager qu’il existe, en effet, un plan d’action et des ordres qui sont en train d’être réalisés. Bien sûr il y a toujours quelques incidents, mais dans l’ensemble, on parle d’amélioration. Le président Morsi ignorait l’ampleur de ces problèmes, mais nous ne devons pas lui en vouloir, puisqu’il a commencé à réaliser quelques-unes de ses promesses. Il ne faut pas croire à tout ce qui est dit autour de nous, personne ne peut dire si une ou plusieurs de ses promesses ont été réalisées. Tout ce que nous devons demander à Morsi, c’est de présenter à la fin de la période des 100 jours un rapport officiel et détaillé, à travers lequel il expliquerait ce qu’il a pu réaliser jusque-là, et pourquoi il y a du retard dans les autres promesses. Ce serait très respectable de sa part », le général Mohamad Qadri Saïd, expert en affaires militaires au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

17 promesses dans le secteur de la sécurité, dont les plus importantes :

Des récompenses et des promotions accordées aux agents de police qui modifient « la manière d’assurer la sécurité dans leurs zones de travail ».
Rétablir la confiance et la coopération entre le citoyen et la police via une vaste campagne médiatique.
Garantir une assurance globale contre les risques pour les policiers.
Une réadaptation psychologique pour réintégrer les délinquants, l’augmentation du nombre de commissariats en proportion avec la démographie de chaque région.
La formation de comités populaires qui travaillent en coopération avec la police pour suivre les irrégularités dans les rues.
L’installation de caméras de surveillance dans les lieux très fréquentés.
L’utilisation d’hélicoptères de la police sur les autoroutes.
Décentraliser les services publics.

La seule promesse réalisée concerne la promotion et l’octroi de primes et récompenses aux policiers, en fonction de leur succès à rétablir la sécurité dans les régions où ils exercent .

2 Le carburant

Le carburant
(Photo: Reuters)
« L’essence, c’est un désastre. Mohamad Morsi s’est mis dans l’impasse en affirmant la résolution de la pénurie d’essence et de bonbonnes de butane lors des 100 premiers jours de son mandat. Il a aggravé le problème en injectant des quantités supplémentaires d’essence dans les stations-services, touchant ainsi les réserves en devises du pays. L’offre ne répond plus à la demande. La chute des réserves en devises pèse également sur l’importation d’une partie des carburants alors que le déficit budgétaire menace le régime des subventions des carburants. L’affaire a atteint son apogée en parlant d’une annulation des subventions qui s’élèvent à 114 milliards de L.E. par an, en réponse aux conditions posées du Fonds monétaire international. Il pourrait se contenter d’annuler la subvention de l’essence octane 95 évaluée à 40 millions de L.E., alors que sa consommation ne dépasse pas le 1 %. Morsi a multiplié les campagnes de contrôle pour lutter contre la vente de carburants au marché noir (de 15 à 20 % des produits pétroliers) sans se préoccuper de dresser une nouvelle politique organisant la distribution et la vente, ni chercher à encourager les investissements dans le secteur pétrolier », Samer Atallah, professeur d’économie à l’Université américaine.

Les 5 promesses sur les carburants sont les suivantes :

Livrer des bonbonnes de butane à domicile en coordination avec les ONG.
Contrôler l’acheminement de l’essence aux stations-services.
Faire appel aux ONG pour surveiller les quantités d’essence fournies et vendues.
Accorder des primes aux stations-services de qualité et aux inspecteurs compétents.
Appliquer de sévères sanctions contre les trafiquants d’essence et leurs complices.

Deux des cinq promesses ont été appliquées, à savoir la livraison des bonbonnes de butane à domicile en coordination avec les ONG ainsi que l’application de sanctions sévères contre les trafiquants d’essence et leurs complices l

3 Le pain

Le pain
« Le président n’a toujours pas réglé le problème du pain subventionné, un problème chronique qui a débuté en 2008. Comment Morsi espère-t-il y remédier, s’il se contente de faire multiplier les opérations de contrôle dans les boulangeries et les entrepôts de farine ? Il cherche à lutter contre le marché noir mais ne s’intéresse pas aux bases de la crise. Il faut concevoir une nouvelle politique en vue d’un règlement définitif du problème.

Le Parti Liberté et justice s’est décidé fin août à intervenir pour aider Monsieur le président à tenir ses promesses. Or, Morsi propose de lancer un nouveau pain subventionné à 10 piastres. Ce sera un nouveau fardeau sur les épaules des classes modestes. Morsi n’a saisi ni l’ampleur de la crise, ni les moyens financiers qu’il faudrait mettre en œuvre pour la régler. De nouvelles émeutes de faim ne sont pas à exclure », prévient Samer Atallah, expert en économie.

Les 10 principales mesures annoncées par Morsi :

Augmenter la qualité du pain.
Remplacer l’utilisation de fioul par du gaz naturel pour les fours.
Subventionner la modernisation des boulangeries.
Séparer la production de la distribution en réactivant le rôle des ONG qui distribuent le pain à domicile.
Renforcer les contrôles pour lutter contre la vente de la farine subventionnée au marché noir.
Augmenter les primes aux boulangers.
Attribuer des récompenses aux boulangeries et aux contrôleurs compétents.
Durcir les sanctions en cas de transgression des règles.
Augmenter la productivité sur la matière première.
Augmenter les horaires de travail des fours pour répondre aux besoins des citoyens.

Seule la première de ces promesses a été tenue alors que, selon le site morsimeter.com, six autres sont en train d’être mises en place. Devant les boulangeries, les files d’attente sont interminables, et les querelles se font de plus en plus nombreuses l

4 La propreté

La proprete
« Nous voici au terme des 100 jours et les Egyptiens se plaignent toujours des ordures entassées partout dans les rues. La situation reste inchangée. Et c’est un résultat logique, puisqu’aucun système efficace pour la collecte des ordures ménagères n’a été adopté en dépit des discussions avec les collecteurs et les instances concernées. Le fiasco qui a marqué les promesses des 100 jours du président sur le dossier de la propreté remet en question la fiabilité de tout son programme de réformes envisagé. Morsi ne dispose pas d’un plan ad hoc pour remédier aux défaillances du système de collecte et de recyclage des déchets et les mesures adoptées ne se distinguent finalement guère de celles de son prédécesseur. Une oisiveté des municipalités qui s’abstiennent d’accomplir leur rôle, quand le simple citoyen continue, lui, de payer les frais de propreté joints à la facture d’électricité. Les campagnes de sensibilisation médiatique et religieuse sur la propreté des rues et la collecte des ordures sont le seul but atteint à la fin de ces 100 premiers jours. Rien n’a été accompli pour l’amélioration des salaires et des conditions de travail des ouvriers de la propreté. L’engagement pris par l’Organisme de la propreté d’enlever les tonnes d’ordures dispersées dans les rues est resté lettre morte », estime Gamal Zahran, politologue et ex-député libéral.

7 promesses liées à la propreté et la collecte d’ordures :

Améliorer les salaires et les conditions de travail des ouvriers de la propreté.
Accorder des primes et des promotions aux ouvriers en foncion de l’évalutation des citoyens.
Mener une campagne de sensibilisation médiatique et religieuse.
Appliquer des sanctions contre les contrevenants et l’abandon de déchets solides dans la rue.
Créer des comités populaires travaillant en coordination avec les municipalités pour recenser les contrevenants.
Obliger les organismes de propreté d’enlever les ordures des rues.
Collecter l’ordrure à la source.

Sur les 7 engagements, un seul a été mené à bien, les autres sont en discussions et attendent la construction d’une usine de recyclage promise par Morsi après son élection.

5 La circulation

La circulation
« Nous commençons à faire les premiers pas de l’amélioration routière. Ce secteur a besoin de 100 ans pour être résolu et non pas seulement de 100 jours. Il faut pourtant avouer qu’il existe ces derniers jours une modeste amélioration en matière de circulation. La simple présence de barrages routiers et de policiers dans les rues est un indice concret du retour d’un intérêt aux problèmes de la circulation.

Déjà, éliminer l'occupation illégale de la chaussée est l’un des plus grands problèmes dont souffre la circulation en Egypte. Rejeter toute la responsabilité sur le président et les policiers n’est pas équitable. Leur rôle est peut-être de mettre en place des lois strictes pour organiser la circulation, mais en même temps, il faudrait que les gens eux-mêmes apprennent à respecter la loi. Il ne faut pas s’en prendre au président de la République et le juger point par point. Beaucoup de solutions qu’il a proposées dans son plan sur la circulation peuvent être appliquées en une nuit. Mais il est clair qu’il a voulu commencer par le plus dur et le plus important », le général Adel Soliman, directeur du Centre international pour les études stratégiques.

18 promesses sur la circulation, dont les plus importantes :

Assurer une fluidité du trafic routier au Caire et dans tous les gouvernorats.
Construire de grands parcs à proximité des stations de métro pour encourager les conducteurs à utiliser ce moyen de transport public.
Restreindre la circulation des camions sur les routes principales des villes et limiter les travaux de réaménagement des ponts entre minuit et 6h du matin.
Modifier les horaires de travail des employés du secteur public pour éviter un chevauchement avec les horaires scolaires et universitaires.
Consacrer un numéro spécial et des chaînes radio à la circulation, afin d’orienter les automobilistes vers les routes les moins encombrées.

Sur les 18 promesses, seule une a été réalisée, celle de l'occupation illégale de la voie publique selon le moteur de supervision des 100 jours, morsimeter.com

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