Vendredi 30 juin. Dès 16 heures, des milliers de manifestants commencent à affluer vers le palais présidentiel Al-Ittihadiya, à Héliopolis.
Des familles entières, de jeunes hommes et femmes, des personnes âgées, brandissaient tous le carton rouge à l’intention du président Mohamad Morsi. Dans cette ambiance festive et bon enfant, les hululements des vuvuzelas répondent aux feux d’artifice : « Dégage » est le mot d’ordre scandé par les manifestants avec certitude. « On va le faire chuter comme Moubarak, oui, je suis très optimiste », assure Noha Yousry, étudiante en médecine, venue accompagnée de sa mère et sa jeune soeur.
Depuis le podium installé en face du club sportif tout près, Mahmoud Badr, un dirigeant de la campagne Tamorrod (rébellion), remercie les manifestants qui ont répondu à l’appel, estimant que leurs nombres avaient « dépassé toutes les attentes ». Outre les jeunes de Tamorrod, un nombre de militants, de journalistes et de comédiens ont également défilé sur le podium. Celui-ci n’était pas le seul centre d’attraction de cette soirée festive. Quelques dizaines de mètres plus loin, on voyait défiler le « cadavre » du président porté dans son linceul dans une marche funéraire, ou, encore plus loin, des manifestants transportant des moutons en peluche, incarnation sarcastique de la « mentalité des Frères ».
« Je n’ai pas peur de la violence des islamistes, je ne suis pas ici pour faire chuter l’islam comme ils le prétendent », dit Amr Hassan, 28 ans, au chômage, tout en brandissant le portait du président Morsi barré d’une croix rouge.
Et alors que les chansons patriotiques s’élèvent jusqu’au ciel, un haut-parleur installé sur le balcon d’un immeuble, un peu loin du palais, interpelle les passants, les appelant à rallier les masses. Un appel relayé par les nombreuses voitures arborant des autocollants « Enzel » (descends).
Mona Abdallah, la cinquantaine, n’est pas moins enthousiaste que les plus jeunes. Elle s’emploie à distribuer des bouteilles d’eau qu’elle a amenées pour ceux qui ont soif. C’est elle qui relance les slogans toutes les fois qu’une ébauche de silence commence à s’installer. « Je suis venue participer à ces manifestations pour mettre fin au régime des Frères dans lequel je n’ai aucune confiance. Ce sont des imposteurs qui veulent changer, par leurs idées extrémistes, le tempérament centriste et modéré de notre société », lance-t-elle. « Je ne quitterai pas ces lieux avant qu’ils nous rendent notre pays », ajoute-t-elle.
Mais Maher Al-Sayed, 60 ans, tempère l’optimisme ambiant. « Ils ne partiront pas sans effusion de sang », lâche-t-il. « Ils ne croient pas à la démocratie qui les a amenés au pouvoir. Morsi a beau dire qu’il était président de tous les Egyptiens, mais ce qui l’intéresse en fait ce sont les intérêts de sa confrérie », accuse Al-Sayed.
Et alors que les manifestants saluent un hélicoptère qui survole les lieux, Ayat, 15 ans, se montre plus rassurante. « Je n’ai pas peur des Frères car l’armée est présente et nous protégera » .
Des manifestations anti-Morsi ont aussi lieu à Alexandrie, à Ménoufiya et Mahalla, dans le Delta du Nil, ainsi qu'à Port-Saïd et Suez, ou encore dans la ville natale du président Morsi, Zagazig, au nord-est du Caire.
Globalement pacifiques, les manifestations de dimanche ont fait au moins 16 morts, dont la plupart dans des heurts entre partisans et adversaires du président Mohamad Morsi, d’après le ministère de la Santé.
Lundi, le QG des Frères musulmans dans le quartier du Moqattam au Caire a été envahi et mis à sac par des assaillants, après avoir été en partie incendié suite à une nuit d’affrontements dans son enceinte, qui ont fait 8 morts et des dizaines de blessés.
Six autres personnes ont été tuées dans les provinces de Béni-Souef, Assiout, Kafr Al-Cheikh et Fayoum, tandis qu'un manifestant est mort asphyxié devant le palais présidentiel au Caire et un autre à la suite de ses blessures à Alexandrie, a-t-on précisé de même source .
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