Al-Ahram Hebdo : Après avoir participé intensément pendant plus de quatre ans à la coalition de soutien à la légitimité menée par l’Arabie saoudite au Yémen, les Emirats arabes unis ont commencé début juillet à réduire leur présence militaire. Est-ce un vrai retrait ? Et que signifie-t-il ?
Saleh Al-Nakheï : Il s’agit en fait d’un redéploiement. Les forces émiraties se retirent des régions nord et ouest où siègent leurs homologues saoudiennes. En revanche, la présence émiratie se renforce davantage dans le sud. Il n’est pas logique que les Emirats arabes unis se retirent après avoir enregistré d’importantes victoires sur le terrain, notamment la libération de certaines régions et le soutien financier et logistique à la résistance populaire, laquelle, à son tour, a réussi à libérer certaines régions qui étaient occupées par les Houthis. Les Emirats se chargent aussi de l’entraînement de quelque 90 000 soldats de l’armée légitime yéménite. Ce n’est donc pas un retrait mais un redéploiement.
— Outre cette annonce, y a-t-il des changements au sein de la coalition menée par l’Arabie saoudite ?
— Les Emirats ont été et sont toujours un membre fort et influent au sein de cette coalition. Et toute décision d’Abu-Dhabi est prise en concertation avec l’Arabie saoudite et les autres pays arabes membres de la coalition. Cette coalition, et bien évidemment les Emirats, ont pour objectif de restaurer la paix au Yémen.
— Sur le terrain, y a-t-il eu de changements dans les positions des Houthis et comment ces derniers ont-ils réagi à l’annonce émiratie ?
— Ce que font les milices houthies constitue un danger sur le processus politique et risque d’entraver l’application de l’accord de Stockholm. Cibler des positions en Arabie saoudite, les milices houties soutenues par l’Iran représentent un danger réel sur le processus de paix au Yémen. Et de tels agissements se poursuivent, il sera nécessaire que les Nations-Unies et la communauté internationale agissent pour les stopper.
— Au-delà de l’aspect militaire, le redéploiement émirati peut-il avoir des incidences politiques ?
— La décision stratégique émiratie est certainement un fait marquant dans la guerre au Yémen, qui aura des répercussions militaires et politiques. Des répercussions qui peuvent tout à fait être positives. Ce redéploiement peut créer un terrain fertile pour la reprise des efforts de paix et la fin de la guerre. Cette décision, si elle est bien comprise par les Houthis et par Téhéran, peut avoir un véritable effet sur la baisse des tensions régionales, qui ont atteint leur paroxysme ces derniers mois. La balle est désormais dans le camp des Houthis et de Téhéran. Ils doivent répondre au pas entrepris par Abu-Dhabi par un pas encore plus important.
— Pensez-vous donc qu’une solution politique soit aujourd’hui envisageable alors que le conflit est dans sa cinquième année ?
— Il incombe à toutes les parties d’oeuvrer pour la paix, de doubler leurs efforts pour créer un climat favorable afin de briser la glace et aider l’émissaire onusien dans sa démarche.
— Justement, à propos des efforts onusiens, il y a déjà eu l’accord de Stockholm. Est-ce une base suffisamment forte pour relancer la paix ?
— Il ne reste presque rien de l’accord de Stockholm. On ne peut pas dire qu’il est mort, mais plutôt qu’il est aux soins intensifs, et ce, malgré les efforts entrepris ici et là pour le mettre à exécution. Malheureusement, à Hodeida, le cessez-le-feu mis en place en vertu de l’accord de Stockholm a donné l’occasion aux Houthis d’imposer leur domination dans plusieurs sites. Et les civils en paient le prix. C’est l’un des revers de l’accord de Stockholm. Nous savons tous que personne ne voulait d’une guerre au Yémen. Ce n’était pas l’objectif des Emiratis ou des Saoudiens d’entrer en guerre. Mais la décision s’est imposée pour la défense de la sécurité nationale arabe, en réponse à la demande des autorités légitimes yéménites après que les Houthis se sont retournés contre le processus politique.
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