Depuis sa tendre enfance, Linda Bitar était prédestinée à devenir chanteuse. A 5 ans, cette jeune bout de femme à la voix bien mûre chantait déjà juste, non sans épater son entourage. Son premier public. A cet âge, elle répétait, chez elle, chez ses proches ou dans des soirées, des chansons libanaises, syriennes et égyptiennes qui exigent une bonne dose de talent et de savoir-faire. Des chansons signées Fayrouz, Oum Kalsoum et Mayada Al-Hénnawi, entre autres. Sélective, c’est le moindre que l’on puisse dire d’elle.

Passées les premières années marquées par la détermination et l’ambition, place aux récompenses. Linda Bitar devient la championne des meilleures distinctions à Damas, à Beyrouth, comme un peu partout ailleurs. Quelques années plus tard, d’autres chanteurs et groupes musicaux daignent mêler leurs voix à la sienne dans le cadre de plusieurs duos. Des reprises, en passant par les chansons fraîchement composées par des « militants indépendantistes » de l’avant-révolution, Linda Bitar répondait souvent par l’affirmative pour joindre sa voix à d’autres. Sa chanson Fassad bel bélad (le pays est en décadence) témoigne le mieux de sa hardiesse hors norme.

Mis à part le pouvoir séducteur de sa voix, son engagement dans les causes humaines l’a démarquée de la masse et l’a propulsée sur le devant de la scène. Celles des sopranos, des chanteuses de grand calibre. Celles qui s’adressent à un public plutôt averti et élitiste. C’est en effet dans cette sphère que les messages humanitaires laissent leur empreinte le mieux au monde. « Nul besoin est de préciser que l’art est un porteur de message. Il faut, surtout, souligner qu’un artiste qui ne défend aucune cause humaine passe à côté de l’essentiel. Car il possède un pouvoir que d’autres n’ont même pas, à savoir celui d’être entendu par les masses, non sans plaisir », entrevoit-elle.

Qui parle de Linda Bitar, parle aussi de cette lauréate de la plus prestigieuse école musicale syrienne. Avant même de finir ses études supérieures, elle se produit, à plusieurs reprises, avec les chanteurs Ziad Rahbani et Marcel Khalifa. Elle a également prêté sa voix à divers génériques de séries télévisées diffusées dans son pays et ailleurs. Sa voix est reconnaissable par son timbre à la fois fort et doux. Ses compatriotes, eux, la placent en haut de l’échelle. Quelque part entre Fairouz et Asmahan. Celle qui a toujours refusé de se fier au chant commercial et à l’industrie des albums « plus commerciaux qu’artistiques », pour emprunter son expression, a fait de l’Opéra sa principale demeure. L’Opéra du Caire se souvient encore de ses multiples concerts, sans parler des festivals de musique classique dans les autres pays arabes qui l’ont toujours honorée.

Lorsque vous lui demandez de vous parler de la situation actuelle en Egypte, elle ne lésine pas sur les qualificatifs pour décrire son espoir. Elle souhaite, selon ses mots, « que les forces politiques du pays finissent par savoir que le peuple égyptien n’est pas leur ennemi ».

Quant à la situation en Syrie. Elle met à l’index les faux panachages médiatiques qui n’aident pas le citoyen arabe à faire le distinguo entre le vrai et le faux. « Le régime d'Assad n’est certainement pas sans failles. Toutefois, les casseurs de baraques qui défilent en boucle sur les chaînes satellitaires ne sont pas tous pro-armée libre. La révolution sera plus propre et plus civilisée sans sang, sans barbarie et sans mensonges politico-médiatiques. L’art engagé prend si bien la relève et arrive à se faire entendre au-delà des frontières ensanglantées », conclut-elle.