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L’Egypte au fil du Nil, plus qu’un voyage

Dina Kabil, Mardi, 30 avril 2019

Visiter les sites touristiques de Louqsor et d’Assouan en croisière sur le Nil, et en compagnie d’un guide, donne au séjour une ampleur artistique et philosophique presque magique, qui dépasse le simple voyage.

L’Egypte au fil du Nil, plus qu’un voyage

Faire une croisière sur le Nil transmet tout de suite le sentiment qu’on est dorloté ! Qu’y a-t-il de plus beau que d’être installé sur le pont d’un bateau pour admirer l’un des plus beaux paysages naturels ou la route Louqsor-Assouan ? Se détendre en face de la piscine, profitant du soleil et bronzer un peu et avoir en même temps à sa disposition un guide qui vous fait visiter à chaque escale du bateau les différents sites de l’Egypte ancienne, c’est l’un des plus beaux voyages que l’on puisse faire. Un séjour qui donne une connaissance plus approfondie des monuments, de leur histoire, des anecdotes et de la sagesse que procure chaque visite. Parce que ce séjour au rythme du Nil, c’est autant une fascination grandissante chaque jour pour l’art pharaonique qu’un voyage intérieur.

1er jour : Le complexe de Karnak et le temple de Louqsor

« Vous ne devriez pas visiter les deux temples en un seul jour », recommande un habitant de Louqsor croisé près du bateau lorsqu’on venait d’arriver, après un long voyage de 14 heures par train couchettes.

Pourtant, l’option de « faire les touristes » était plus forte que nous. Visiter le maximum de monuments dans la ville, appelée musée à ciel ouvert, pour dédier le lendemain à la visite la Vallée des rois et des reines.

Mis à part la fatigue, les deux visites des temples de Karnak et de Louqsor à la suite ont un côté positif : se baigner intensément dans la magie des lieux. Karnak et Louqsor sont tous les deux dédiés au dieu Amon-Rê. Le disque solaire qui apparaît sur de nombreux temples et peintures murales est son symbole. Le mot Amon signifie « le caché » ou « le caractère caché de la divinité », tandis que Rê signifie « le soleil » ou la divinité que manifeste la puissance du soleil. Il est représenté avec la tête d’un faucon, surmontée du disque solaire lorsqu’il traverse le ciel, et avec une tête de bélier lorsqu’il accomplit son voyage nocturne dans le monde inférieur. Ce dieu local s’est élevé au rang de dieu national, ce qui entraîna la construction de temples solaires dans tout le pays. Et à partir de la IVe dynastie, les pharaons commencèrent à se considérer comme des incarnations de ce dieu.

Karnak est le plus grand site religieux jamais construit, comprenant plusieurs temples, chapelles, pylônes et obélisques. On apprend par le guide que sa construction « est semblable à de nombreuses autres constructions de l’époque, où le lieu de culte est entouré de villages où vivent les prêtres ».

Son nom Karnak serait, pour certains, celui de l’un de ces villages qui signifie la ville fortifiée. Le temple représente la maison du dieu Amon sur terre, tandis que le pharaon est son serviteur. Chaque jour, de nombreuses offrandes lui étaient faites, et ce n’est pas moins de 8 000 prêtres qui s’affairaient à la tâche.

Devant l’obélisque de Hatshepsout, qu’elle a construite pour le dieu Amon à l’entrée du temple de Karnak, on est à chaque fois fasciné par le règne de cette femme hors du commun. Parmi les anecdotes amusantes, le guide relate que « Hatshepsout, épouse et soeur de Thoutmosis II, avait usurpé le pouvoir à la mort de ce dernier. Elle portait les attributs d’un pharaon, une barbe postiche, afin de se faire passer pour un homme, puisqu’une femme ne pouvait pas accéder au titre de pharaon, mais cette femme puissante va réussir quand même plus tard à régner pendant des années ».

Quant à la fameuse allée des sphinx, qui relie le complexe de Karnak au temple de Louqsor, on apprend que cette allée de 2,7 km bordée de 700 lions à têtes de bélier est le témoin du voyage de l’Opet. Il s’agit d’une célébration qui regroupe les statues du trio sacré : du dieu Amon, de sa femme Mout et de leur fils Khonsou (dieu de la lune). C’est par cette allée que l’on quittait le complexe de Karnak dans des barques sacrées pour rejoindre le temple de Louqsor. L’union entre les deux temples permettait de célébrer la fertilité.

Arrivé au temple de Louqsor, on est impressionné par les piliers imposants construits par différents pharaons à travers les époques qui font la renommée de ce temple. En plus du voyage de l’Opet, on découvre la salle de célébration du mariage d’Amon-Rê et de sa femme Mout. Pendant 23 jours, l’anniversaire du mariage du couple divin avait l’habitude d’être célébré.

Deuxième jour : La rive ouest, la Vallée des rois et Médinet Habou

Il faut se lever tôt sur le bateau pour se diriger, juste après le petit-déjeuner, vers la rive gauche de Louqsor et découvrir la splendide nécropole thébaine. La Vallée des rois, le site phare de tout le patrimoine pharaonique, abrite les tombes des pharaons du Nouvel Empire, tels Ramsès II, Séthi I, Toutankhamon et bien d’autres.

Au programme de cette journée : la recherche de l’originalité, ou la visite des endroits moins connus. Alors au lieu de revisiter le temple Hatshepsout, au style architectural très épuré, notre petit groupe a opté pour la visite des tombes de la Vallée des rois et du temple de Habou, celui de Ramsès III. Que ce soit devant la tombe de Ramsès I, celle de Ramsès V et VI, de Thoutmosis ou de Ramsès IX, chaque visiteur doit prendre place dans une longue queue, pour atteindre l’intérieur de la tombe. Car, une fois le seuil de la tombe franchi, on ne sait plus où regarder, à droite, à gauche ou bien au plafond. Les murs sont chargés d’inscriptions hiéroglyphes et de dessins parfaitement colorés présentant le pharaon avec le dieu Amon, ou dans son quotidien lorsqu’il sera réincarné dans la vie de l’au-delà.

Dans la chambre funéraire, les parois sont ornées du Livre des morts. Quant au plafond, il est magnifiquement peint d’un bleu nuit très spécial mélangé avec un ocre jaune lumineux qui laisse rêver les artistes qui ne cessent d’admirer, jusqu’à aujourd’hui, le matériau du coloris de l’ancien Egypte, mais aussi la peinture figurative riche de symboles. Dans la tombe de Ramsès VI, par exemple, le plafond astronomique représente Nout sous un double aspect de jour et de nuit, reproduisant ainsi le cycle perpétuel de la renaissance du soleil. Dans le Livre des morts est raconté le voyage du soleil à l’intérieur du ventre de Nout, connue sous le nom de dame du ciel et des étoiles, mère du soleil. Chaque soir, la divinité avale l’astre qui traverse son corps pour renaître au petit matin.

Tout près de la vallée, dans la partie sud de Thèbes ouest, se dresse, imposant, le temple de Habou sur le plateau de Gorna. Construit par Ramsès III, le dernier des grands pharaons (1184-1153), il est l’emblème de la puissance royale, inoubliable pour ses jeux de lumière au soleil couchant.

L’Egypte au fil du Nil, plus qu’un voyage
Le temple Edfu consacré au dieu Horus. (Photo : Dina Kabil)

Sa façade extérieure est spéciale, différente des autres temples, avec deux pylônes forts et deux rangées d’ouvertures encore bien conservées. Cela s’explique par l’époque où l’Egypte était menacée par une double vague d’envahisseurs, les Hittites et les peuples de la Mer, venus du Nord. On trouve sur la façade du temple les dessins représentant Ramsès III, héros de guerre, qui vainc les adversaires, et sur les murs, le culte d’Osiris ou les reliefs des dieux primordiaux, quatre couples de grenouilles et de serpents. Il fallait cette force-là incarnée dans la pierre pour atteindre la sérénité recherchée.

Le soir, au retour sur l’autre rive du Nil, une visite improvisée s’est imposée : celle de l’hôtel situé en face de notre bateau, le fameux Winter Palace, ouvert en 1907. Un hôtel chic, où la forte influence britannique est encore aujourd’hui évidente, connu pour son restaurant de cuisine française. C’est là qu’Agatha Christie a séjourné pour écrire son roman Mort sur le Nil, de même que Lord George Herbert qui a financé l’égyptologue Howard Carter dans sa découverte de la tombe de Toutankhamon, en 1922.

Il se fait déjà tard, et le navire se dirige de nuit vers Edfu.

Troisième jour : Edfu et Kom Ombo

A Chaque fois que l’on est tenté de renoncer à l’une des visites des temples, pour rester se relaxer sur le pont du bateau et contempler le paysage du Nil, le guide nous incite à ne pas rater l’excursion. Pour lui, chaque temple est différent. Même si leur structure est la même, composée de Pylônes, d’une Cour vestibule, d’une grande salle hypostyle, d’une salle des offrandes, entre autres, chaque temple a une spécificité. Et il a raison. Comme à Edfu, lors de la visite du temple portant le même nom, consacré au dieu faucon, Horus. Celui-ci, le plus grand de la dynastie des Ptolémées, est parmi les temples les mieux préservés d’Egypte.

Mais avant même le début de la visite, rien que le trajet en charrette pour s’y rendre. C’est déjà un voyage dans le temps. Et sur la route du retour, c’est le chaos des charrettes. Chacune porte un numéro que le conducteur hèle à tue tête pour rameuter ses clients en français, anglais, japonais ou italien.

La croisière prend la route vers Kom Ombo, à 80 km au sud d’Edfu. Situé sur une colline dominant le Nil, le temple Kom Ombo est lui aussi original. Car en plus de la beauté des colonnes et fresques sous les couleurs du coucher du soleil en fin d’après-midi, il est, chose inhabituelle, dédié au culte de deux divinités vénérées sur un pied d’égalité : Horus, le dieu à tête d’épervier et Sobek, le dieu crocodile. Comme les autres sites entre Louqsor et Assouan, le temple de Kom Ombo date de la dynastie ptolémaïque et sa construction s’est achevée sous le règne des Romains.

L’Egypte au fil du Nil, plus qu’un voyage
L'Allée des sphinx qui relie les temples de Karnak et Louqsor. (Photo : Dina Kabil)

Sur le même site, une jolie découverte pour les visiteurs est le musée du dieu crocodile, Sobek, où l’on s’amuse à regarder la momie d’un crocodile, des outils de chirurgie, des vestiges de la Nubie, le tout bien exposé. Ce soir-là, l’équipe du navire organise une soirée nubienne que quelques clients jugent trop touristique. Ils préfèrent admirer les étoiles depuis le pont supérieur du bateau.

Quatrième jour : Assouan

La navigation vers Assouan, où le paysage du Nil est constitué de palmiers et de voiles des felouques, reste une séquence inoubliable. On commence par une très courte visite du Haut-Barrage et du Lac Nasser. Puis on prend une barque pour se rendre sur une île fascinante où se dresse le temple de Philae, sauvé de la montée des eaux lors de la construction du barrage d’Assouan. Comme le temple d’Abou-Simbel, Philae aurait été complètement immergé si on ne l’avait pas déplacé et remonté à l’identique en 1974.

Consacrés à la déesse Isis, les édifices et les colonnes du temple sont recouverts de magnifiques peintures colorées, racontant l’histoire d’amour d’Isis et d’Osiris. Ce complexe fut l’un des derniers endroits où l’ancienne religion survécut après l’arrivée du christianisme en Egypte, lorsque l’empereur Justinien acheva l’évangélisation de la Nubie et interdit le culte d’Isis dans le temple. Le soir, c’est la fameuse nuit Djellaba sur la croisière : apprentissage de danse orientale et beaucoup de rigolades.

Cinquième jour : départ d’Assouan

Journée libre à Assouan. Il fallait attendre jusqu’à 19h pour prendre le train du retour. Certains passagers ont profité de l’occasion pour se réveiller à l’aube, vers 4h30, et aller visiter le majestueux temple Abou-Simbel construit par Ramsès II. Cette visite n’était pas inclue dans le programme, mais l’agence de voyage a tout fait pour faciliter les désirs de ses clients, et garantir une voiture pour faire l’aller-retour de 520 km au total. D’autres clients ont préféré visiter les villages nubiens ou se balader dans le souk, acheter de petits souvenirs, comme le scarabée ou la clé de la vie. Quant à notre petit groupe, habitué à être choyé pendant ces cinq jours, il a préféré passer un agréable moment dans les jardins de l’hôtel Old Cataracte. Et même si les intrus de l’hôtel, comme nous, n’ont pas de chambres et n’ont qu’un accès limité aux terrasses de l’établissement, ça valait le coup de profiter une dernière fois de l’une des plus belles vues sur le Nil. Inoubliable.

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