Al-Ahram Hebdo : Quel est le statut du Golan dans le droit international ?
Dr Ayman Salama : Les hauteurs du Golan sont des territoires syriens occupés conformément aux principes de l’article II de la Charte des Nations-Unies, qui stipule que « les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations-Unies ». D’ailleurs, l’Organisation des Nations-Unies a toujours condamné les annexions israéliennes illégitimes, que ce soit en Cisjordanie, à Gaza, à Jérusalem-Est ou encore l’annexion du Golan syrien. Trois jours seulement après la ratification, le 14 décembre 1981, par la Knesset de la loi du plateau du Golan qui le place sous les lois, la juridiction et l’administration israéliennes, le Conseil de sécurité a promulgué, à l’unanimité de ses membres, la résolution 497 qui déclare la loi « nulle et non avenue et sans effet juridique sur le plan international ».
— Quelle est donc la valeur juridique du décret promulgué par Donald Trump, qui reconnaît la souveraineté d’Israël sur les hauteurs du Golan ?
— En fait, il s’agit d’un simple décret présidentiel et non d’un ordre exécutif contraignant. Ce décret n’a aucune valeur juridique jusqu’à ce que le Congrès promulgue une législation à cet effet, sinon, ce document demeure sans aucune valeur constitutionnelle. Les Etats-Unis sont considérés comme une tierce partie dans le conflit israélo-syrien. Par conséquent, il n’est pas de leur droit d’agir comme si le Golan leur appartenait. Le président américain n’est pas le président du monde, et le gouvernement syrien ne l’a pas mandaté de jouer le rôle de courtier avec l’entité sioniste. Par ailleurs, toute législation interne, tout jugement et tout décret présidentiel émis en contradiction avec les règles du droit international ne sont que de simples papiers sans aucune valeur juridique dans le droit international. Ils ne changent rien dans les fondements juridiques stables. Partant, ce décret est considéré comme nul et non avenu, et les hauteurs du Golan demeurent des territoires syriens occupés par la force. La construction des colonies et le transfert de milliers de colons israéliens dans le Golan ne peuvent être considérés comme des tentatives légitimes qui confèrent à Israël un quelconque droit juridique sur ces terres qui peut être consolidé par le décret du président américain. Ces actes sont considérés comme illégaux, car ils représentent une violation de tous les principes du droit international.
— Les Etats-Unis ont déclaré leur intention d’actualiser leurs cartes géographiques pour inclure le Golan parmi les territoires israéliens. Cette mesure peut-elle renforcer la position juridique du décret américain ?
— Non, pas du tout. Une carte en elle-même ne représente pas une preuve de la souveraineté d’un pays sur une région, une île ou un archipel. Seules les cartes incluses dans les accords et conventions internationaux de délimitation des frontières représentent des preuves, car elles tirent leur valeur juridique du document international où elles figurent, et possèdent donc la même valeur juridique. Les Etats-Unis ont le droit de soumettre les cartes de leurs territoires au secrétariat général des Nations-Unies, mais pas les cartes d’un pays étranger, surtout si celles-ci représentent une violation des résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.
— La reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur le plateau a suscité une vague de protestations dans le monde. Comment les réactions officielles peuvent-elles changer la donne ?
— Les condamnations internationales et les protestations officielles sont d’une grande importance. Dès la signature du décret américain, l’Angleterre, l’Union européenne, la Ligue arabe, l’Onu ainsi que de nombreux autres pays et organisations internationales ont exprimé le refus de ce décret en rappelant leur attachement et leur respect de la résolution 497 du Conseil de sécurité. De telles protestations officielles coupent court à la légitimité de ce décret et sont à même d’isoler l’Administration américaine dans cette position. En effet, le silence de la Syrie, des Arabes et de la communauté internationale aurait conféré une légitimité à ce décret américain. Dans le droit international, toute condamnation internationale ou protestation officielle, verbale ou écrite est l’expression de la volonté des pays et des organisations internationales qui, dans ce cas, réfutent la légitimité du décret de Donald Trump.
— Quel recours juridique la Syrie peut-elle entreprendre ?
— Non seulement le gouvernement syrien, mais aussi tous les pays arabes, l’Organisation de la conférence islamique ainsi que toutes les organisations de la défense des droits de l’homme et toutes les organisations de la société civile peuvent intenter un procès devant les tribunaux fédéraux américains contre ce décret qui viole la Constitution américaine en premier lieu ainsi que les engagements internationaux des Etats-Unis, du fait que les engagements internationaux des Etats-Unis sont supérieurs à toute loi, à tout règlement ou à toute législation interne ou à tout décret présidentiel. De plus, la Constitution américaine stipule que le droit international est la loi des Etats-Unis. Ce qui signifie que les Etats-Unis placent le droit international ainsi que les accords et conventions internationaux au-dessus des législations américaines. D’ailleurs, la Cour suprême américaine a déjà, à plusieurs reprises, annulé des verdicts émis par des tribunaux américains de première instance contraires au droit international.
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