La tension est montée d’un cran cette semaine entre Berlin et Ankara, la Turquie rejetant les critiques allemandes sur la répression des manifestations contre le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, y voyant des menaces déguisées au processus d’adhésion à l’Union Européenne (UE). Furieux, le ministre turc des Affaires européennes, Egemen Bagis, a mis en garde la chancelière allemande, Angela Merkel, contre toute velléité de bloquer l’ouverture d’un nouveau chapitre des négociations d’adhésion d’Ankara à l’UE entamées en 2005. Il est même allé jusqu’à menacer Mme Merkel de « réactions » si elle ne revenait pas sur ses déclarations.
Dans une tentative de trouver une percée à la crise, les chefs de la diplomatie allemande et turque se sont rencontrés samedi à Doha pour évoquer les relations de l’UE avec la Turquie, en marge de la rencontre des Amis de la Syrie. A l’issue de leur réunion, le ministre allemand, Guido Westerwelle, a avoué qu’ « il restait encore du chemin à faire pour apaiser les tensions. Nous ne pouvons pas nier les tensions. Nous nous efforçons de les réduire », a souligné M. Westerwelle.
Berlin opposé à l’adhésion turque
La semaine dernière, la chancelière allemande avait mis le feu aux poudres en affirmant : « Il y a eu des images effrayantes de répression policière contre les manifestants. C’est beaucoup trop dur ». Ces propos ont été critiqués par M. Bagis, qui a accusé Mme Merkel d’utiliser la situation en Turquie à des fins de « politique intérieure », avec en tête les législatives allemandes du 22 septembre. « Mme Merkel doit savoir que ceux qui s’opposent à l’adhésion de la Turquie finissent mal. Regardez ce qui est arrivé à Nicolas Sarkozy », a ajouté M. Bagis, en rappelant la défaite à la présidentielle de 2012 de l’ex-chef de l’Etat français, hostile à l’entrée de la Turquie dans l’UE. Le porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Andreas Peschke, a affirmé pour sa part qu’il n’y avait « pas de lien direct » entre la répression et les discussions avec l’UE, mais il s’est empressé d’ajouter que « bien sûr, dans la vie, tout est lié ».
En effet, la chancelière, comme son parti conservateur, la CDU/CSU (Union chrétienne-démocrate, Union chrétienne-sociale), ont toujours affiché leur scepticisme au sujet des négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE, accordant leur préférence à un « partenariat privilégié ». Dimanche, le parti conservateur allemand de Mme Merkel a réaffirmé dans son programme électoral son opposition à l’adhésion de la Turquie à l’UE, au grand dam d’Ankara.
Malgré le risque de perdre son « rêve européen », Ankara a poursuivi de plus belle sa répression contre les manifestations cette semaine, en utilisant des canons à eau pour disperser des milliers de manifestants de retour sur la place Taksim à Istanbul, après plusieurs jours de calme succédant à trois semaines de manifestations. Cette brutalité du régime pourrait priver Ankara de son rêve européen.
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