Le pilote indien capturé et relâché par le Pakistan est devenu un héros national en Inde. (Photo : AFP)
La tension est montée d’un cran entre les deux voisins ennemis, l’Inde et le Pakistan, cette semaine. De violents échanges d’artillerie ont opposé samedi 2 mars les armées indienne et pakistanaise, faisant au moins 7 morts des deux côtés de la frontière du Cachemire. Cet échange d’artillerie a eu lieu malgré la libération d’un pilote indien auparavant capturé par le Pakistan, un incident qui a déclenché une guerre de propagande entre les deux puissances nucléaires.
En fait, cela fait plusieurs semaines que les tensions sont très vives entre l’Inde et le Pakistan. Tout a commencé après un attentat suicide au Cachemire indien qui a tué au moins 40 paramilitaires le 14 février, attaque la plus meurtrière depuis le début de l’insurrection séparatiste en 1989. Revendiquée par le groupe islamiste Jaish-e-Mohammed (JeM), basé au Pakistan, cette attaque a suscité une vague de colère en Inde. Le premier ministre indien, Narendra Modi, qui cultive une image d’homme fort et briguera au printemps un second mandat, s’est alors retrouvé sous la pression d’une opinion publique et de commentateurs réclamant vengeance. Répondant à cette attaque, Narendra Modi a promis de faire payer le prix fort aux responsables de l’attentat et exigé une action crédible du Pakistan. Pour se venger, des avions de l’armée de l’air indienne ont pénétré le 26 février dans l’espace aérien pakistanais et mené une frappe préventive contre ce que New Delhi a décrit comme un vaste camp d’entraînement du groupe JeM dans une zone limitrophe du Cachemire. Selon New Delhi, un très grand nombre de combattants ont été tués lors de ce raid, d’après qui le groupe préparait de nouveaux attentats. Le Pakistan a confirmé l’incursion aérienne des chasseurs indiens, mais ceux-ci n’auraient largué, selon lui, que des charges utiles dont la nature exacte n’a pas été précisée et qui n’auraient fait ni dégâts ni victimes. Et pour se défendre, Islamabad a aussitôt dénoncé une agression intempestive et promis d’y répondre à l’heure et à l’endroit de son choix. Ainsi, des chasseurs pakistanais ont à leur tour traversé la frontière de facto au Cachemire et mené des frappes en terrain ouvert. Dans les combats qui ont suivi, le Pakistan a affirmé avoir abattu deux avions indiens, dont l’un serait tombé au Cachemire indien et l’autre au Cachemire pakistanais, et capturé un pilote indien. Affirmant ces déclarations, l’Inde a de son côté déclaré avoir perdu un Mig-21 et son pilote, mais en même temps, l’Inde a annoncé avoir abattu un avion pakistanais, ce qu’a démenti Islamabad.
Au lendemain de cet incident, le Pakistan a annoncé la fermeture totale de son espace aérien provoquant de sérieuses perturbations pour des milliers de voyageurs à travers le monde.
Une escalade qui a inquiété la communauté internationale qui redoute un conflit ouvert et a multiplié les appels à la retenue.
Car entre les deux pays, la question du Cachemire n’a jamais cessé de provoquer des tensions. L’Inde et le Pakistan se sont en effet livré trois guerres par le passé, dont deux au sujet de cette région himalayenne en majorité peuplée de musulmans, partagée entre les deux pays et que tous deux revendiquent depuis leur indépendance en 1947. L’Inde compte environ 500 000 militaires déployés de son côté de la ligne de démarcation pour faire face à une violente insurrection séparatiste. L’Inde reproche au Pakistan de soutenir en sous-main des infiltrations d’insurgés et la rébellion armée. La frappe aérienne menée par l’Inde au Pakistan est la première de ce type depuis la guerre qu’ils s’étaient livrée en 1971 autour du Pakistan oriental (aujourd’hui Bangladesh), avant que tous deux ne deviennent des puissances nucléaires.
Appels à la désescalade
Pour apaiser et satisfaire la communauté internationale, le premier ministre pakistanais, Imran Khan, et la ministre indienne des Affaires étrangères, Sushma Swaraj, ont tous deux signalé qu’ils ne souhaitaient pas de nouvelle escalade. Du côté de la communauté internationale, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni veulent imposer des sanctions contre Masood Azhar, dirigeant du groupe islamiste Jaish-e-Mohammed (JeM), en souhaitant de le mettre sur la liste noire onusienne du terrorisme, ce qui entraînerait un gel de ses avoirs et une interdiction mondiale de déplacement. Le groupe en lui-même a déjà été ajouté à cette liste noire en 2001.
Essayant d’apaiser les tensions, le Pakistan a annoncé la libération du pilote indien et la réouverture partielle de son espace aérien. Mais le Pakistan a diffusé des vidéos du pilote prisonnier, devenu instantanément le visage humain de cette crise au Cachemire, assurant l’avoir bien traité. Cette vidéo du pilote indien relâché, dans la laquelle il remerciait les autorités pakistanaises, a suscité samedi 2 mars une vive colère en Inde, sur fond de guerre de propagande après qu’Islamabad eut présenté cette libération comme un geste de paix dans cette nouvelle crise autour du Cachemire. Les médias indiens ont qualifié, pour leur part, ce document de détestable, violant les normes internationales sur les prisonniers de guerre.
Les réseaux sociaux en Inde fustigeaient également la vidéo. Le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi, a assuré que son pays n’avait été motivé que par la prudence en libérant le pilote. « Aucune contrainte ou pression n’ont été exercées sur le pays. Nous ne voulons que la paix », a insisté Shah Mehmood Qureshi.
Entre les deux voisins rivaux depuis leur indépendance en 1947, l’étincelle est encore une fois partie de la région poudrière du Cachemire, pomme de discorde du sous-continent. L’Inde et le Pakistan revendiquent tous deux cette zone montagneuse à majorité musulmane. New Delhi accuse de longue date son voisin de soutenir les infiltrations et la lutte armée dans la partie du Cachemire sous contrôle indien.
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