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La peur comme réponse

Mona Chédid, Lundi, 04 février 2019

L’état des sociétés européennes secouées par la peur des migrants venus du monde arabe, tel est le sujet au coeur du film Sons of Denmark (les fils du Danemark), du réalisateur iraqo-danois Ulaa Salim.

La peur comme réponse
La violence comme langage commun.

La peur est un sentiment instinctif qui s’empare des êtres humains, face au danger, menaçant leur vie ou celle dessiens. Ce sentiment peut pousserles gens à faire des choses inimaginables, à recourir parfois à la violence et à commettre uncrime.

Avec l’augmentation des fluxmigratoires arabes en Europe, notamment sous l’effet des guerres qui ont explosédans le monde arabe, en Iraq ou en Syrie, des voix se sont élevées, afin de dénoncer cette présence. Cette crainte s’est progressivement intensifiée en raison d’attentats terroristes. C’est l’idée qu’acaptée le réalisateur iraqo-danois Ulaa Salim, dans son premier long métrage Sons of Denmark (les fils du Danemark), projeté en compétition officielle, au Festival international du film de Rotterdam qui a pris fin la semaine dernière. Salim se projette en 2024, imaginant quelle sera alors la situation en Europe, face à une instrumentalisation accrue de la part des politiciens, et d’une plus grande rancoeur entre Européens et migrants venus d’Orient.

Le long métrage s’ouvre sur une histoire banale qui fait croire au spectateur que toute la fiction est centrée autour d’un attentat-suicide commis par un jeune arabe qui a rejoint un groupe extrémiste violent, pour contrer le racisme européenface aux migrants. L’attentat à la bombe survient donc à Copenhagueen 2024, faisant 23 morts. Un an après cet attentat, un groupe racist eappelé «Les fils du Danemark » émerge et menace les migrants, les obligeant à faire un choix : quitte rle Danemark ou mourir.

Zakariya, 19 ans — incarné par Mohamad Ismaïl Mohamad — a peur pour sa mère, son petit frère et lui-même. Ils ont tous fui l’Iraq à cause de la guerre. Résolu à venir à bout de cette peur, il décide de rejoindre un groupe arabe commandé par Hassan — interprété par Emad Aboul-Foul — qui réagitface aux «Fils du Danemark », adoptant la violence. Entre-temps, un politicien extrémiste, Martin Nordell, fondateur du nouveau parti «le mouvement politique » ayant pour devise «le Danemarkpour les Danois », fait sonascension. Nordell appelle àl’expulsion des migrants, mêmeceux naturalisés. Même s’il n’ajamais cautionnéexpressémentle mouvement «Les fils du Danemark », Nordell, par ses propos, soutient leurs actes. Inquiet de voir Nordell, désigné comme premier ministre, Hassan charge Zakariya de l’assassiner. La peur de ce dernier le pousse à accepter cette mission pour protéger sa famille. Ce pendant, après avoir été entraîné pour commettre l’assassinat, Zakariya ne se sent pas en mesure de tuer quelqu’un. Hassan l’oblige, quand même.

Coup de théâtre

D’un coup, le film bascule dansun tout autre sens. La police arrête Zakariya, après avoir trouvé son revolver sans balles. Là, le réalisateur focalise sur un autre personnage que l’on avait cru marginal, celui de Malek, le principal protagoniste de cette deuxième partie du film. C’est en fait l’ami de Zakariya et son partenaire de crime qui devait exécuter l’assassinat avec lui. Il est aussi un agent des services de renseignements, introduit dans les rangs du groupe de Hassan. Après l’accomplissement de samission, Malek vit le drame desagents secrets, déjà dépeint dans des films similaires, à savoir leconflit intérieur entre sa véritéet son faux caractère. Il éprouve également de l’affection envers Zakariya et sa famille et se soucie du devenir de la société danoise où il vit. La crise de Malek —d’origine égyptienne — est donc plus compliquée que celle vécue par les agents secrets, en général. La peur de Malek dégénère en une furie aveuglante qui le pousse à tuer Nordell, devenu premier ministre, lors de son premier discours officiel. Ulaa Salim a communiqué au spectateur les sentiments de désespoir et de peur des protagonistes à travers une narration habile et la performance des comédiens qui représentent une nouvelle génération d’Arabes nés, éduqués en Occidentet tout à fait intégrés dans les sociétés européennes. Cependant, ils sentent quand même que d’aucuns les perçoivent comme une véritable menace, vu la différence de leurs origines et de leurs religions ,

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