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Le Caire géant avale tout le reste

Lundi, 14 janvier 2019

L’architecte Akram Al-Magdoub tente de se projeter dans l’avenir, afin d’imaginer la nature de la relation entre Le Caire et la Nouvelle Capitale, mais aussi toutes les nouvelles cités répandues à la périphérie des deux villes rivales.

Le Caire géant avale tout le reste
Le Caire ne cesse d'étendre ses tentacules. (Photo:Reuters)

Avec le projet colossal de la Nouvelle Capitale égyptienne, l’avenir du Caire, la mégalopole historique, est souvent remis en question. La Nouvelle Capitale administrative sera sans doute le siège du pouvoir et le centre névralgique de l’économie. On ne manquera pas d’y tenir des activités culturelles, mais le poids du Caire restera inégalé, vu sa richesse urbaine cumulée à travers le temps. Il aura un rôle avec lequel il sera toujours difficile de rivaliser. Plus encore, il étendra ses tentacules pour englober la Nouvelle Capitale ainsi que les autres nouvelles cités qui l’entourent pour former en fin de compte une seule grande entité, soit une super méga-cité, unique en son genre.

Au fil du temps, le centre du pouvoir variait d’une époque à l’autre, mais il gravitait plus ou moins autour d’un même point. A un moment donné, l’Egypte avait décidé de virer vers le sud et d’installer sa capitale à Louqsor ou à Minya en Haute-Egypte. Parfois aussi on la déplaçait à l’est du Delta ou à Alexandrie, mais le plus souvent, les différents gouverneurs tournaient autour de ce que l’on s’accorde aujourd’hui à appeler Le Caire. De la Ire à la VIIIe dynastie des pharaons, la capitale se trouvait à Memphis (19 km au sud du Caire, dans le gouvernorat actuel de Guiza). Elle fut abandonnée pendant une lapse de temps, puis on y est retourné, même si les appellations furent diverses : Fostat, Al-Askar, Al-Qatae, Le Caire fatimide d’Al- Moez, etc.

Sous le khédive Ismaïl, on a décidé de se diriger un peu plus vers l’Ouest, en direction du Nil. Cette décision n’était pas en totale rupture avec le vieux Caire, car la ville khédiviale n’a pas tardé à étendre ses tentacules pour ne faire qu’un avec la vieille ville fatimide ou encore plus ancienne. Le pouvoir, l’argent et la culture étaient réunis dans la nouvelle capitale, l’ancienne ville a été un peu négligée, mais les deux n’étaient guère séparées. Le Caire s’est élargi en direction de l’ouest depuis le XIXe siècle, et n’a jamais arrêté de se développer à partir de cette époque. Il grandissait constamment. Les banlieues de toute part se joignaient au centre pour faire partie intégrante de la grande ville. C’est le cas de plusieurs quartiers comme Héliopolis, Zeitoun, Maadi, Madinet Nasr et Hélouan, qui ont commencé par être des banlieues, ensuite se sont transformées en des quartiers comme les autres, jouxtant ceux de Doqqi, Agouza ou Guiza, sur l’autre rive du Nil.

Au début, on considérait comme un voyage le fait de se déplacer à Hélouan (sud) ou à Zeitoun (nord), et puis au fur et à mesure, ces courts « voyages » sont devenus de simples trajets quotidiens. Ces banlieuesquartiers ont été planifiés, cas par cas, puis ils ont fini par faire bloc, échappant à toutes les règles de la planification urbaine. Ils se sont développés horizontalement, de manière spontanée, en fonction des besoins socioéconomiques et politiques. Ils se sont également développés verticalement, sous l’effet de la surpopulation et de l’exode rural de citoyens à la recherche de gagnepain.

Développement imprévisible

En l’absence d’une vision relativement globale, Le Caire a souffert de plusieurs problèmes, en lien avec la densité de la population et du manque d’organisation. Du coup, on a saboté les plans de base et Le Caire a acquis la réputation d’une ville en perpétuelle croissance, aux frontières fragiles et mouvantes. Il est même difficile de délimiter les contours de cette mégalopole gigantesque ou de deviner son avenir, sauf dans la mesure où l’on y arrête la construction pendant un certain temps. Et ce, pour remédier à ses maux et avoir des perspectives sur son devenir, au lieu de se trouver tout le temps face à des faits accomplis urbanistiques. Avant que l’Etat ne pense, comme il le fait à l’heure actuelle, à déplacer certaines catégories d’habitants, de les délocaliser ou les déposséder de leurs terres ou leurs maisons, il faut d’abord élaborer une vision globale de la ville, une stratégie à long terme capable d’imaginer la jonction du Caire et des cités qui l’entourent. Ce plan futur doit faire un usage intelligent des terres qui seront annexées à la ville, car situées à la périphérie de ces nouvelles cités. Il doit vraiment offrir une vue d’ensemble de la ville et de ses charnières, de quoi permettre d’avoir plus d’espaces verts et de surfaces en plein air. Ce plan doit également prendre en considération les besoins de la population et leurs potentiels et classer les zones et les quartiers en fonction de leurs atouts de manière à assurer une complémentarité entre les diverses parties de la ville.

De même, on doit prévoir l’existence d’un réseau de transport en commun, intégrant l’unité de la ville et des cités avoisinantes, tenant compte des points d’attrait et des activités envisagées. Il n’y aucune raison de se précipiter afin de mettre sur pied des projets immobiliers ou autres, dans les pourtours du Caire traditionnel. Car celui-ci va encore étendre ses tentacules pour « bouffer » son entourage. Vu la proximité géographique, nous devons essayer d’imaginer Le Caire, après l’achèvement de la Nouvelle Capitale et des autres cités voisines, d’imaginer le futur de cette super méga-cité que ces entités formeront ensemble. Cela étant, nous pouvons procéder différemment, en suivant une vision contemporaine. Avant d’imaginer un futur quelconque ou de chercher des solutions aux problèmes existants, admettons d’abord que Le Caire est une ville qui s’étend et s’étire constamment. C’est une condition sine qua non de toute éventuelle planification sérieuse. Au moins pour arrêter ce non-stop élargissement.

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