Soucieux d’en finir avec la plus grave crise qui secoue son pouvoir, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a fait une démonstration de force dimanche, en justifiant devant 100 000 de ses partisans à Istanbul les violents affrontements provoqués la veille pour évacuer le dernier bastion de manifestants sur la place Taksim. « Il était de mon devoir de nettoyer la place Taksim. Nous n’abandonnerons pas cette place aux terroristes », a lancé Erdogan à ses partisans, avec en ligne de mire les élections municipales de 2014. Samedi soir, la police avait délogé, à coups de gaz lacrymogène et de canons à eau, les contestataires du parc Gezi mais ces derniers ont promis de revenir dimanche sur la place — berceau du mouvement qui agite la rue turque depuis environ trois semaines. Mais d’importants effectifs de police interdisaient strictement dimanche matin l’accès à la place, arrêtant 600 personnes à Ankara et à Istanbul.
Ce n’est pas la première fois que la police agite le bâton : au début de la contestation le 31 mai, la police avait eu recours à la violence, procédant à un millier d’arrestations et faisant des centaines de blessés ainsi que 4 morts. En riposte à cette brutalité du pouvoir, deux principaux syndicats turcs ont appelé à la grève générale pour protester contre la répression brutale des manifestations. Un appel jugé « illégal » par le pouvoir qui a menacé de faire intervenir l'armée pour mettre fin à la contestation.
Avant de prendre le bâton, Erdogan avait utilisé la carotte pour tenter de déloger les manifestants, en faisant des concessions pour la première fois depuis le début de la crise. Vendredi, il a convoqué une réunion d’urgence avec une délégation d’artistes et de membres de la société civile — dont pour la première fois deux porte-parole de la contestation — quelques heures après leur avoir lancé un ultimatum pour vider la place Taksim. Lors de la réunion, le premier ministre a promis de suspendre son projet d’aménagement du parc Gezi jusqu’au verdict final de la justice et il a prié les manifestants de quitter la place. Un geste jugé « positif » par les manifestants qui ont pourtant refusé de quitter leur place. A Istanbul, à Ankara et dans plusieurs villes turques, le collectif « Solidarité Taksim », qui chapeaute les manifestants, a annoncé la poursuite du mouvement de contestation. « Ce n’est qu’un début, notre lutte se poursuivra », indique le collectif. Selon les manifestants, le parti au pouvoir (AKP) a perdu sa légitimité en essayant de diviser, d’intimider et de provoquer l’opposition. « Nous avons beaucoup souffert, il n’y a pas de retour en arrière possible », crient les manifestants. Entre un premier ministre attaché au pouvoir et qui rêve de briguer les présidentielles de 2014 et des manifestants décidés à l’évincer et pour vouloir islamiser la crise est loin d’être terminée.
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