La loi 35 de l’année 1976 régissant la formation des syndicats ouvriers a toujours été qualifiée de restrictive. Elle impose la mise sous tutelle de l’activité des syndicats par le gouvernement et oblige les travailleurs à avoir l’approbation de l’Etat pour former des syndicats. Elle établit une structure unilatérale, hiérarchique qui renforce l’uniformité des syndicats et les oblige à faire partie de la Fédération des Syndicats Egyptiens (FSE) dépendant de l’Etat. Ce qui a accordé une autorité suprême à cette dernière, qui comptait entre 3 et 4 millions de membres.
La FSE est ainsi devenue l’outil du président déchu Hosni Moubarak pour contrôler les travailleurs. Cette loi empêche la formation de plus d’un syndicat au sein d’une entreprise et impose des mesures strictes sur les grèves. Elle oblige les grévistes à ne pas dépasser l’enceinte de l’entreprise et à tenir leurs grèves en dehors des horaires de travail, et après l’approbation de l’employeur.
En mars 2011, le ministre de la Main-d’oeuvre, Ahmad Hassan Al-Boreï, avait annoncé le droit à la pluralité des syndicats ouvriers, conformément aux normes internationales. Il garantit la protection des syndicalistes et des salariés contre la menace de licenciements, la lutte contre les violations du droit du travail et l’établissement d’une échelle de salaires équitable, basée sur un salaire minimum et maximum. Une action saluée par l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Al-Boreï a aussi présenté un projet de loi sur les libertés syndicales qui a été approuvé ensuite par le gouvernement de Essam Charaf. Une législation qui autorisait, pour la première fois depuis les années 1950, le pluralisme syndical et donnait la possibilité aux ouvriers de former leurs propres associations et syndicats dans toute entreprise renfermant au moins 250 travailleurs. Il interdit également le licenciement de tout travailleur membre syndical sans verdict juridique. Pourtant, ce projet de loi a été suspendu par le Conseil militaire qui a géré le pays après la révolution, préférant attendre l’élection d’un Parlement.
Une fois élu, le Parti Liberté et justice, bras politique des Frères musulmans, a présenté en 2012 à l’Assemblée du peuple un projet de loi sur les syndicats ouvriers qui a ignoré toutes les libertés proposées dans la loi suspendue d’Al-Boreï. La nouvelle loi facilite une mainmise du régime en place sur les syndicats. Ainsi, cette législation ne change pas radicalement la loi 35. Elle interdit le pluralisme syndical dans les institutions et rend obligatoire l’approbation de l’Etat pour la formation du syndicat. Elle impose que leur financement soit sous contrôle de l’Organisme central des comptes et les considère comme fonds public. Auparavant, les Frères se sont toujours battus pour le contrôle des syndicats et des associations professionnelles. Pourtant, ils n’ont jamais eu de très bonnes relations avec la classe ouvrière. Ce n’est donc pas dans leur intérêt de changer radicalement cette loi. La dissolution du Parlement a suspendu la promulgation d’un tel projet.
Une fois le pouvoir législatif transféré au président de la République, Morsi a décrété la mise en application de la loi 98/2012 qui vise à injecter du sang nouveau dans les milieux syndicaux. Elle stipule que la retraite des dirigeants des syndicats doit être fixée à l’âge de 60 ans et accorde au ministre de la main-d’oeuvre le droit de nommer leurs successeurs. Ce qui est considéré comme une ingérence flagrante dans les affaires de l’Union générale des ouvriers, notamment après la nomination de membres issus des Frères musulmans.
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