Al-Ahram Hebdo : Pourquoi la crise de la formation du gouvernement libanais perdure-telle depuis plus de six mois ? Les raisons sont-elles différentes de celles des crises précédentes ?
Mohamed Badr El-Din Zayed : C’est à cause de la nature du système politique libanais basé sur la répartition confessionnelle que la formation du gouvernement libanais est toujours un processus compliqué, car elle doit prendre en considération de nombreux équilibres. Cette foisci, la crise perdure, car le Hezbollah insiste sur le fait que les six députés sunnites qui ont rejoint les blocs politiques fidèles au Hezbollah soient représentés dans le gouvernement.
Cette insistance du Hezbollah va à l’encontre des traditions historiques libanaises avant et après l’accord de Taëf, car traditionnellement, c’est le premier ministre, sunnite, qui représente les sunnites.
— Quels sont les motifs internes ou régionaux qui poussent le Hezbollah à insister sur le fait que les sunnites indépendants rejoignent le gouvernement ?
— Les motivations du Hezbollah sont claires. Il veut affirmer une autre fois ses engagements envers ses alliés. Il veut confirmer, en outre, sa domination et sa suprématie sur la scène libanaise et rappeler qu’il dispose d’un bloc parlementaire et de forces alliées qui dominent le parlement et la vie politique du pays.
— Oui, mais le Hezbollah n’estil pas affecté par un éventuel affaiblissement de l’Iran ? Dans quelle mesure les sanctions américaines contre Téhéran aurontelles un impact sur le mouvement, que ce soit au niveau financier, militaire ou politique ?
— L’influence des sanctions américaines contre l’Iran sur le Hezbollah ne s’est pas encore cristallisée. Ses dimensions ne se sont pas encore révélées. Le Hezbollah affronte depuis des années des sanctions occidentales, américaines et arabes. Mais il a réussi grâce à sa domination militaire au Liban et à ses relations avec la Syrie à développer de nombreux procédés pour briser le blocus et les sanctions. Sans oublier que le réseau de ses alliances internes avec les forces et les partis chrétiens et sunnite pourra lui fournir les moyens de briser le blocus et les sanctions. Cependant, nous devons attendre pour que l’image soit plus claire dans un proche avenir.
— Quels sont les scénarios prévisibles pour ce qui est de la formation du gouvernement ?
— L’avenir du Liban ne peut être dissocié de la scène régionale complexe, aux conflits et aux alliances avec ou contre l’Iran. D’une façon générale, il apparaît que l’expansion de l’Iran dans la région ne connaîtra pas de recul à court terme et il est également difficile d’imaginer que le Hezbollah revienne sur son insistance à la lumière de ses calculs intérieurs.
Il est donc tout à fait prévisible que la crise perdure. La seule issue possible est que le président Aoun et son bloc chrétien exercent des pressions sur le Hezbollah pour que ces députés se retirent dans le cadre d’un certain accord. Sinon, ni les calculs libanais internes ni ceux régionaux du Liban ne prédisent une quelconque avancée.
— Et quelles sont les répercussions de la crise politique libanaise sur la région ?
— L’instabilité du Liban renforce sans doute la complexité de la scène régionale. Avec la crise syrienne qui se complique de jour en jour et l’instabilité au Yémen, en Libye et en Iraq, l’incapacité de former le gouvernement libanais, ajoutée à la fragilité de la situation interne au Liban, accentue la précarité de la scène régionale et renforce le climat de sectarisme haineux qui est devenu une caractéristique des conflits de la région.
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