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La stratégie de la séparation des conflits

Dimanche, 28 octobre 2018

L’administration américaine et son président, Donald Trump, adoptent un parti pris évident au profit d’Israël dans le conflit israé­lo-arabe à tel point qu’il est devenu difficile de faire la différence entre l’intérêt des Etats-Unis et celui de l’Etat hébreu. Cependant, le prési­dent américain a laissé échapper des paroles inintentionnées. Il a parlé du « prix fort » que doit payer Israël en contrepartie de la reconnaissance de Jérusalem. Un lapsus qui a obligé le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, et l’ambas­sadeur américain auprès d’Israël, David Freedman, à intervenir pour réconforter les Israéliens et confir­mer que le président américain n’entendait pas qu’Israël doit payer le prix de la reconnaissance de Jérusalem. Mais c’est à peine que Bolton et Freedman eussent terminé leur mission, que Trump parlait au cours de sa rencontre avec le pre­mier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, du choix de « l’Etat binational » si le choix des deux Etats devenait impossible.

La stratégie de la séparation des conflits
(Photo:Reuters)

Cette fois-ci, les paroles de Trump ont eu l’effet d’un ouragan au sein de l’entité sioniste qui ne voit d’autre solution pour les Palestiniens que la création d’une confédération palestino-jordanienne refusant caté­goriquement la solution des deux Etats ou la solution d’un Etat bina­tional. Cette dernière solution signifie un Etat regroupant les deux peuples israélien et palestinien. C’est pour Israël un choix suici­daire qui n’a d’autre débouché que la liquidation du projet sioniste. En effet, Israël est convaincu que le peuple palestinien a un taux de croissance démographique supé­rieur à celui des Israéliens, ce qui signifie qu’Israël se transformerait en un Etat pour le peuple palesti­nien avec une minorité juive.

Convaincu du danger que repré­sente l’éventualité d’imposer le choix de l’Etat binational si Israël continue à tergiverser face au choix des deux Etats, conscient des nou­velles donnes internationales mais aussi de l’évolution du comporte­ment populaire palestinien qui a transformé « les marches du retour » en entrechocs avec les forces d’occupation, l’Institut des recherches de la sécurité nationale en Israël a présenté une nouvelle vision. Une vision qu’il estime audacieuse et allant au-delà de toutes les lignes rouges. Son objec­tif est de consacrer la présence d’Israël en tant qu’Etat puissant et stable et d’écarter entièrement le spectre de l’Etat binational. Il a alors présenté un projet qui vise à reformuler les conjonctures palesti­niennes dans l’objectif d’instaurer à l’avenir un Etat palestinien qui n’aurait ni l’objectif ni la capacité de menacer l’Etat israélien.

Cette vision se base sur deux hypo­thèses. La première est qu’un accord permanent entre Palestiniens et Israéliens est impossible dans les prochaines années. Chacune des par­ties se trouve incapable d’assumer le fardeau, les conséquences et les exi­gences de cette solution permanente qui doit trancher les sujets les plus épineux comme Jérusalem et l’Espla­nade des mosquées, le droit de retour et l’avenir des colonies. Par consé­quent, il devient indispensable d’éla­borer « une formule aux multiples voies » avec l’objectif de créer un Etat qui permette une séparation aussi bien au niveau politique qu’au niveau du sol.

La seconde hypothèse repose sur l’idée que le danger qui menace Israël n’est plus seulement un dan­ger palestinien, mais aussi un dan­ger régional. En effet, les Israéliens suivent avec inquiétude l’éventua­lité que l’Iran réussisse avec ses alliés à former un front puissant au nord d’Israël. Un front vraisembla­blement plus dangereux que le front du sud représenté par les fac­tions d’opposition à Gaza, surtout le Hamas. Le principal objectif stratégique d’Israël maintenant est d’empêcher une forte présence ira­nienne en Syrie et au Liban. Cette seconde hypothèse signifie qu’Is­raël doit assimiler le danger pales­tinien qu’il juge incomparable au nouveau danger qui se forme au nord, et auquel il doit accorder toute son attention pour pouvoir l’affronter via une alliance avec les pays arabes modérés. Cependant, cette alliance est impossible sans la résolution de la cause palesti­nienne.

Ces deux hypothèses sont le fon­dement de la vision élaborée par l’Institut israélien des recherches sur la sécurité nationale pour par­venir à un règlement sur plusieurs étapes pour l’instauration d’un Etat palestinien qui se plie à un ensemble de principes. Le plus important est certes d’assurer la sécurité et les intérêts politiques d’Israël de sorte que l’armée israé­lienne contrôle toutes les terres, tous les points de passages et les routes stratégiques, tout en mettant en place un plan économique dont l’objectif est d’améliorer rapide­ment les conditions de vie des Palestiniens. Cependant, ce plan vise seulement la Cisjordanie alors que la bande de Gaza demeure en dehors de tout plan.

En fait, ce projet adopte le choix de deux Etats selon des conditions israéliennes et selon un intervalle de temps garantissant à Israël ses intérêts sécuritaires et lui permet­tant de s’adonner à d’autres mis­sions. La principale mission consiste à empêcher la formation d’un front iranien au nord d’Israël en Syrie et au Liban et à former des coalitions régionales qui permet­tent une normalisation des rela­tions avec les voisins arabes d’Is­raël pour affronter les dangers communs. C’est là le principal objectif du plan : assimiler le dan­ger palestinien pour pouvoir affronter le danger iranien selon la stratégie de la séparation des conflits

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