Al-Ahram Hebdo : Comment expliquez-vous la fluctuation des cours du pétrole et l’instabilité du marché pétrolier dues aux sanctions américaines contre l’Iran, qui devront être appliquées le 4 novembre prochain ?
Ossama Kamal : La politique et l’économie sont les deux faces d’une même monnaie. Aujourd’hui, les pays occidentaux et les Etats-Unis pressent le pas pour assurer leurs besoins en énergie en misant sur deux axes principaux. Le premier est la rationalisation de la consommation de l’énergie traditionnelle — pétrole et gaz naturel — en les remplaçant par des sources d’énergie renouvelables. L’objectif est de préserver leurs réserves pour que le pétrole ne soit pas utilisé comme une arme en cas des tensions politiques. Le deuxième axe se base essentiellement sur le contrôle des ressources énergétiques. La région du Moyen-Orient détient 60 % des réserves de pétrole mondiales. C’est pourquoi les Etats-Unis imposent leur hégémonie à l’Iran, troisième producteur mondial d’or noir, à l’Iraq, à la Libye et aux pays d’Amérique latine au nom de la liberté, alors qu’ils entendent, en réalité, contrôler les réserves d’or noir dans ces pays. Ces deux axes sont les causes principales des guerres actuelles, entraînant un état d’instabilité, ainsi que la flambée du prix de l’or noir.
— Ne s’agit-il pas donc pas d’une question d’offre et de demande ?
— La question est politique plutôt qu’économique. Théoriquement, le prix d’un bien est déterminé selon l’équation de l’offre et de la demande. La production journalière de pétrole s’élève à 92 millions de barils, dont 40 millions représentent la production de l’Opep, tandis que le reste provient des pays non membres de l’Organisation internationale. Quant à la consommation, elle varie entre 88 et 89 millions de barils par jour. Il y a donc un surplus de 3 millions de barils par jour. Alors comment se fait-il que les prix montent avec un surplus d’offre ? Cela est dû notamment aux pays hors Opep, qui font varier leur production et les prix selon leurs intérêts.
— Prévoyez-vous une continuation de cet état d’instabilité ?
— Bien sûr. Et ce, pour deux raisons principales. La première est l’arrivée de la saison d’hiver pendant laquelle la demande de pétrole augmente dans les pays occidentaux pour les raisons de chauffage. La deuxième raison est les tensions politiques qui se poursuivent dans la région du Moyen-Orient. Je prévois une continuation de la hausse du prix du pétrole d’ici la fin de l’année pour des raisons politiques. Quant à l’aspect économique, je pense que la valeur réelle du baril de l’or noir doit tourner aux alentours des 60 dollars, vu son coût de production qui diffère d’une région à l’autre. Par exemple, il atteint 18 dollars dans certains puits d’Arabie saoudite, alors qu’il dépasse 45 dollars dans la mer du Nord.
— Comment évaluez-vous la situation de l’Egypte ?
— Pour l’Egypte, en tant qu’importateur net de pétrole, l’impact de la hausse des prix de l’or noir est significatif au niveau du budget. Le gouvernement, en préparant son exercice financier, prend en considération les facteurs économiques liés au volume de l’offre des produits pétroliers et aux contrats des sociétés d’exploration des sociétés pétrolières. Aujourd’hui, les cours mondiaux ont franchi le seuil des 80 dollars, alors que le gouvernement a fait ses calculs sur la base de 67 dollars le baril pour l’exercice financier 2018-2019. Il y a donc une différence de plus de 12 dollars pour chaque baril, ce qui entraîne une hausse des subventions à l’énergie de près de 40 milliards de L.E. Cela rend plus difficile pour le gouvernement la réalisation de son objectif de réduire le déficit budgétaire.
— Qu’est-ce que le gouvernement égyptien doit faire, à votre avis, pour sortir de cette impasse ?
— L’Egypte doit augmenter ses recettes budgétaires sans augmenter les impôts, qui représentent 82 % des revenus, et ce, en se basant sur deux axes. Le premier est de revoir le modèle des biens subventionnés pour les rationaliser, en les remplaçant par des alternatives moins chères. Par exemple, il faut encourager l’utilisation des véhicules électriques ou utiliser le gaz naturel au lieu du pétrole. Le deuxième axe consiste à augmenter les revenus du pays dans les secteurs-clés comme le tourisme, en laissant la question au secteur privé.
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