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Mohamed Marem : La menace que représentent les Houthis dépasse les frontières du Yémen

Osman Fekri, Mardi, 09 octobre 2018

Mohamed Marem, ambassadeur du Yémen en Egypte et ancien directeur du cabinet du président Abd-Rabbo Mansour Hadi, décrypte la situation au Yémen. Il estime qu’il n’y a pas de volonté de paix chez les Houthis et que la communauté internationale doit exercer sur eux et sur leurs alliés plus de pression.

La menace que représentent les Houthis dépasse les frontières du Yémen

Al-Ahram Hebdo : Les différentes tentatives de l’Onu pour reprendre les négociations entre les Houthis et le gouvernement, y compris la dernière il y a un mois, ont toutes échoué. Pourquoi ?

Mohamed Marem : Lors de la dernière tentative de réunir les protagonistes à Genève, le refus des Houthis de se rendre sur place n’était pas lié aux garanties qu’ils exigeaient de pouvoir rentrer au Yémen comme ils l’ont déclaré. Les préparatifs avaient commencé deux mois avant la date prévue par le bureau de l’émissaire onusien, et tout était clair, tous les détails étaient fixés. C’était donc une surprise pour tous, y compris pour l’émissaire onusien que les Houthis ne viennent pas et qu’ils mettent de nouvelles conditions. C’était un défi lancé à tous, un forcing que les Houthis tentaient.

— Sur le terrain, le contrôle de Hodeida est devenu une question de vie ou de mort. Où en est cette bataille ?

— Le port de Hodeida et la côte ouest sont devenus le poumon qui permet aux miliciens rebelles de respirer. C’est par ce port qu’ils reçoivent les armes et l’argent que l’Iran leur livre illégalement. Ils prennent le contrôle des aides humanitaires livrées au peuple yéménite et les vendent au marché noir. Les Houthis ont créé une économie de guerre à Hodeida. Pour toutes ces raisons, il est impératif pour les forces du gouvernement légitime et la coalition arabe de libérer Hodeida. C’est la clé d’une solution politique globale car c’est ce qui poussera les Houthis à se mettre à une table de négociations. En même temps, libérer Hodeida est primordial pour améliorer la situation humanitaire qui s’est nettement détériorée en raison de l’action des miliciens.

— En général, quelle est la situation sur le terrain sur le plan militaire ?

— L’armée nationale soutenue par la coalition arabe enregistre des succès sur tous les fronts, notamment sur la côte ouest où les forces conjointes sont aux portes de Hodeïda.Elles avancent aussi dans la province de Saada, bastion du chef des milices, Abdel-Malek Al-Houthi, où il ne leur reste que quelques kilomètres. Il en est de même dans les provinces de Baïdaa, Taez, et Al-Jouf. Il est donc évident que les forces gouvernementales ont le dessus militairement parlant. Elles suivent une stratégie militaire qui prend en considération la défense des civils que les Houthis utilisent comme boucliers humains.

— Cela fait des années que chacun des protagonistes campe sur sa position. N’est-il pas temps que des concessions soient faites de part et d’autre pour mettre fin à ce conflit ?

— Le gouvernement légitime est et a toujours été ouvert à la paix. Il a toujours été présent à tous les pourparlers lancés par l’Onu, de Genève I à la dernière tentative le mois dernier. Par ailleurs, le gouvernement a déjà présenté des concessions, et ce, pour l’intérêt du peuple yéménite. La preuve en est ce qui s’est passé au Koweït lors des pourparlers tenus en 2016 quand le gouvernement avait alors accepté la feuille de route de l’émissaire onusien de l’époque, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed. Mais tout règlement nécessite aussi une volonté de la part des Houthis, une conviction qu’on ne peut parvenir à une paix juste et durable qu’à travers le dialogue. Or, d’après notre expérience avec ces milices au cours de ces dernières années, la volonté de paix n’existe même pas, d’autant plus qu’elles ne sont pas maîtresses de leurs décisions, qui ne sont pas prises à Sanaa mais à Téhéran.

— Oui mais jusqu’à quand peut durer ce conflit ? Et est-ce les armes ou les négociations qui y mettront fin ?

La menace que représentent les Houthis dépasse les frontières du Yémen
La guerre au Yémen est l’une des plus grandes catastrophes humanitaires du XXIe siècle. (Photo : AFP)

— Pour le gouvernement légitime et pour la coalition arabe, la guerre est une option que les milices soutenues par l’Iran ont imposée après avoir rejeté toutes les options politiques pour la paix au cours de ces dernières années. Donc, pour nous, la guerre est un moyen pour parvenir à la paix. En même temps, nous avons la conviction que le dialogue est le seul moyen de parvenir à la paix. Ce sont les Houthis qui sont un obstacle. Aussi, nous sommes convaincus que toutes les factions du peuple yéménite ont droit à créer des formations politiques conformément à la Constitution et aux conclusions de la Conférence du dialogue national (ndlr : mars 2013) qui consacrent l’égalité citoyenne, mais qui refusent qu’une seule partie impose sa suprématie par la force. Les Houthis doivent, eux aussi, adopter les mêmes principes et laisser les armes, d’autant plus qu’ils avaient eux-mêmes participé à la rédaction du projet de la Constitution. Ils doivent remettre les institutions de l’Etat au gouvernement légitime et se retirer des villes, et ce, en accord avec la résolution 2 216 du Conseil de sécurité. Ensuite, ils pourront créer un parti politique en vertu de la Constitution.

— Et que doit faire la communauté internationale pour mettre fin à la guerre ?

— Plusieurs résolutions ont déjà été votées au Conseil de sécurité de l’Onu, la plus importante étant sans doute la 2 216. En outre, il y a unanimité internationale sur le fait que ce qui s’est passé au Yémen en septembre 2014 est un coup d’Etat mené par des milices armées contre un pouvoir légitime. Toutes les décisions internationales ont réclamé que ces milices remettent leurs armes au gouvernement et reviennent sur leur coup d’Etat. Elles appellent toutes à un processus politique sur la base de l’initiative des pays du Golfe parrainée par la communauté internationale. Donc, cette dernière doit oeuvrer à l’application des résolutions de l’Onu. Elle doit être plus ferme. Elle doit prendre conscience que le danger que représentent ces milices dépasse les frontières du Yémen et qu’il menace la totalité de la région. En même temps, la communauté internationale détient les outils pour faire pression sur les Houthis et sur leurs alliés.

— Selon vous, comment parvenir à une solution ?

— Il faut une vraie volonté de paix de la part des Houthis. Il faut qu’ils respectent les trois références qui font l’objet d’une convergence sur les plans national, régional et international, à savoir l’Initiative des pays du Golfe, les conclusions de la Conférence de dialogue national et la résolution 2 216.

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