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Syrie : Idleb en sursis

Maha Salem avec agences, Mardi, 18 septembre 2018

Poutine et Erdogan sont parvenus à un accord sur la création d’une zone démilitarisée à Idleb permettant d’éviter une offensive contre cette province, dernier bastion rebelle en Syrie qui est dans le viseur du régime.

Syrie : Idleb en sursis
Pour éviter l’offensive sur Idleb, un accord entre la Russie et la Turquie a été signé. (Photo : AP)

Après des discussions acharnées, le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, ont enfin surmonté leurs divisions lors du sommet tenu lundi 17 septembre dans la station balnéaire de Sotchi, sur la mer Noire. Acteurs-clés du conflit syrien, ils se sont mis d’accord pour éviter l’offensive voulue par le régime syrien sur Idleb, en créant une zone démilitarisée sous contrôle russo-turc dans le dernier bastion rebelle de Syrie. Selon cet accord, une zone démilitarisée de 15-20 kilomètres de large sera créée tout au long de la ligne de contact à partir du 15 octobre 2018. Cette zone sera contrôlée par les forces turques ainsi que par la police militaire russe.

De même, l’accord prévoit le retrait de tous les combattants radicaux dont la présence est dénoncée par Moscou comme justifiant un assaut, tandis que toutes les armes lourdes devront en avoir été retirées d’ici le 10 octobre. « Je suis convaincu qu’avec cet accord, nous avons évité qu’une grande crise humanitaire ne se produise à Idleb », a pour sa part déclaré Erdogan lors de la conférence de presse ayant suivi la rencontre entre les deux chefs d’Etat, en ajoutant que « la Russie va prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune attaque contre la zone de désescalade d’Idleb ne se produise ».

Cet accord met fin aux divergences apparues au grand jour entre les deux chefs d’Etat au sommet de Téhéran avec le président iranien, Hassan Rohani, il y a dix jours. « Ankara et Moscou sont parvenus à cet accord grâce à plusieurs facteurs. Tout d’abord, les fortes menaces et pressions exercées par la communauté internationale sur deux pays et sur Damas. Ces trois derniers ont déjà de vrais problèmes et des relations tendues avec les Etats-Unis et l’Union européenne sur d’autres sujets, et bien sûr, ils veulent éviter une grosse escalade. Quant à la Russie et la Syrie, elles craignent des affrontements et bombardements directs menés par l’Occident sur les territoires syriens après l’offensive », explique Dr Mona Solimane, professeure à la faculté d’économie et des sciences politiques de l’Université du Caire. « Déjà, l’Onu, les Américains et les Européens ont dénoncé d’avance l’offensive sur Idleb qui causera, selon eux, la pire catastrophe humanitaire du siècle. Il s’agit de 3,5 millions de civils en plus de 40 000 combattants armés. Ces derniers sont considérés comme des terroristes par la Russie et la Syrie, tandis qu’ils sont considérés comme des groupes rebelles armés et non pas des terroristes par la Turquie. Mais les trois pays sont d’accord sur le fait que ces combattants sont devenus un danger et qu’ils doivent trouver une issue à leur présence dans cette région. Car, il est injustifiable et inexcusable de détruire les 3,5 millions de civils pour tuer 40 000 combattants », explique Dr Mona Solimane.

Selon la politologue, il y a aussi d’autres raisons : « L’offensive sur Idleb est très coûteuse au niveau militaire et financier tant pour la Turquie que pour la Russie. La première soutient les rebelles et doit les protéger et la deuxième soutient le régime syrien. Autre raison, la Turquie craint un nouvel afflux de civils et de combattants ». En fait, l’enjeu est multiple pour Ankara. Outre les deux précédentes raisons, la Turquie s’inquiète du sort de centaines de soldats turcs déployés dans douze postes d’observation établis à Idleb pour veiller au respect de la désescalade mise en place par le processus d’Astana, entamé en janvier 2017. Dimanche 16 septembre, la Turquie a envoyé des renforts militaires, composés essentiellement de chars et d’autres équipements militaires, vers l’un de ses postes d’observation dans la province d’Idleb.

Diminution d’intensité des frappes

L’analyste explique en outre que l’accord donnera l’occasion à la Turquie de désarmer ces combattants, qui, grâce à leurs armes lourdes, sont parvenus à viser des positions de forces syriennes à Homs et Hama. Et sans ces armes, les combattants perdront de leur force et tenteront de s’intégrer comme des civils dans cette région, ajoute-t-elle.

« L’accord a insisté sur l’annulation de l’offensive de grande envergure et non pas l’arrêt de tous les combats ; autrement dit, les forces syriennes peuvent mener des attaques terrestres et des frappes aériennes sur les positions de ces groupes rebelles connues selon les informations données par les services de renseignements russes », affirme Dr Mona Solimane. En effet, cet avis explique la diminution d’intensité cette semaine des frappes menées sur Idleb par le régime de Damas et l’aviation russe qui avaient multiplié leurs bombardements depuis le début de septembre.

Après cet accord, les différentes parties doivent désormais penser à une stratégie permettant de parvenir à neutraliser Hayat Tahrir Al-Cham, qui contrôle 60 % de la province, sans lancer une vaste offensive.

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