Dr vivianne fouad,
directrice du programme des stratégies nationales pour la lutte contre la mutilation génitale féminine :
La première étude effectuée par le ministère de la Santé concernant le taux de femmes excisées en 1995 a enregistré 97%, aujourd’hui, ce chiffre ne dépasse pas les 60%. On est aujourd’hui en train de récolter le fruit des efforts déployés au cours des deux dernières décennies par la société civile en collaboration avec l’Etat pour sensibiliser la population. Marie Assaad peut être qualifiée de la marraine de ces efforts. C’est elle l’agitatrice qui a guidé ce mouvement contre l’excision après avoir fait des recherches importantes concernant cette pratique. Elle m’a appris de bien croire à ma cause. Les coutumes néfastes peuvent changer à condition de suivre des stratégies correctes, tout en persistant pour atteindre l’objectif. Elle croyait en ce qu’on appelle The Social Capital (le capital social).
Pour elle, c’est la vraie fortune qui pourrait être exploitée pour provoquer un changement social. Elle a toujours été talentueuse et savait choisir la bonne personne pour accomplir telle ou telle mission, mobiliser ses capacités et les investir pour rendre service à la cause. Et bien que ce soit elle qui a déployé les premiers efforts pour combattre la Mutilation Génitale Féminine (MGF), elle a insisté sur le fait de déposer ce dossier en l’an 2000 au Conseil national de la maternité et de l’enfance. Elle estimait que si l’Etat adoptait cette cause, cela pourrait lui donner un élan grâce aux médias et aux institutions religieuses qui pourraient devenir des partenaires dans cette bataille avec les ONG.
L’ambassadrice Mouchira Khattab, ex-secrétaire générale du Conseil national de la maternité et de l’enfance :
J’ai travaillé avec Marie Assaad entre 1999 et 2011. Je venais d’un milieu diplomatique, je n’avais pas d’expérience dans le travail de terrain. Avec Marie Assaad, j’ai sillonné les quatre coins de l’Egypte. Au cours de ce périple, j’ai pu observer de près son approche dans l’acte social: être proche des gens, les respecter et comprendre leurs mentalités afin de pouvoir leur expliquer la cause et leur rendre service. Avec son sourire naturel candide, ses cheveux grisonnants et son air paisible, elle était pour moi une source d’inspiration et d’optimisme. Sa sagesse et son calme ne passaient pas inaperçus. C’est un symbole qui a oeuvré durant de nombreuses années en silence.
Dr Magdi Helmy, directeur du programme de santé à Caritas d’Egypte :
En 1994, j’étais membre du taskforce, un groupe de travail qui a lutté contre la MGF. C’est Marie qui m’a incité à changer de parcours. Je travaillais dans l’acte social et c’est elle qui m’a aidé à investir mes connaissances médicales comme médecin pour rendre service à cette cause au niveau national. Une cause qui m’a passionné tout le reste de ma vie. J’ai appris de Marie les outils nécessaires pour travailler sur le terrain: comment communiquer avec le public, comment coordonner les efforts et comment créer un réseau de relations avec les personnes. Je peux dire que c’est bien grâce à Marie que j’ai tissé toutes mes relations au niveau local, régional et international avec des personnes intéressées par cette cause. J’ai été toujours fasciné par cette dame qui a refusé de faire des compromis en adoptant une attitude ferme, refusant catégoriquement cette pratique. Sa persévérance, sa détermination et sa profonde conviction ont été les mots-clés de sa particularité.
Marie Assaad avec Dr Vivianne Fouad directrice du programme des stratégies nationales pour la lutte contre la MGF
L’avocate Nihad Aboul-Qomsane, directrice du Centre national des droits de la femme :
Durant 25 ans de travail dans le cabinet d’avocat et des droits de la femme, la leçon la plus importante que j’ai apprise de Marie Assaad est de ne jamais adopter la politique de l’autruche, en enfonçant sa tête dans le sable. Il vaut mieux affronter le problème et essayer de le résoudre au lieu de l’éviter. Quand la chaîne CNN a diffusé le film sur l’excision au cours de la Conférence internationale pour la population et le développement en 1994, ce documentaire a soulevé une vague d’indignation. Pourtant, elle a estimé que cette colère était non justifiée car on effectuait tous les jours cette pratique et le taux des femmes excisées dépassait les 90%. Quand elle a fondé un groupe pour lutter contre la mutilation génitale féminine, elle m’a choisie comme coordinatrice juridique. Elle a accueilli dans sa maison des personnes de tous bords et nous a tous soutenus en tant que jeunes féministes.
Siham Abdel-Hady, médecin et experte en anthropologie :
Dans les ateliers où se tenaient les réunions pour lutter contre l’excision, Marie nous a transmis son savoir-faire et son expérience. Influencée par cette grande dame, j’ai élaboré une approche sociale intégrale. Quand j’ai commencé à m’adresser aux gens d’un point de vue médical, on n’a pas réussi à éradiquer l’excision. Il fallait donc étudier aussi les politiques sociales et ce, en écoutant les gens. On n’était pas d’accord sur la circoncision alors que je voyais qu’il fallait aussi lutter contre cette pratique, elle a estimé que cela allait nous faire perdre notre cause essentielle, celle de la mutilation génitale féminine.
Nicole Assaad, belle-fille de Marie Assaad, membre de l’APE :
Comme Marie allait chaque semaine à l’Association pour la Protection de l’Environnent (APE) au Moqattam, c’est elle qui m’a introduite à cette communauté, ce dont je lui suis redevable. Au départ, ne connaissant pas la langue arabe, c’est elle qui m’accompagnait. C’est en 1994 que je me suis décidée à rejoindre cette ONG et je m’y rends encore chaque semaine. Elle m’a initiée à comprendre d’où venaient les chiffonniers et à les connaître pour mieux communiquer avec eux. Ma fille aînée Christine, avant de commencer l’université, s’est jointe à moi en tant que bénévole pour une bonne partie de l’été 1994. Elle m’a facilité le contact avec les filles qui travaillaient dans l’association (surtout le projet du recyclage de papier). Je dois à Marie l’encouragement et le soutien continu pour mon travail de bénévolat. C’était grâce à Marie que je me suis initiée au Moqattam et cela a contribué énormément à mon intégration en Egypte et m’a aidé à parler l’arabe plus couramment.
J’ai beaucoup appris d’elle, surtout comment dialoguer pour arriver à un consensus. Marie a toujours eu (et continuera à avoir) une influence très profonde sur l’APE au Moqattam. La communauté des Zabbaline est redevable à Marie dans le domaine du recyclage, de l’éducation des femmes et du respect de cette communauté.
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