Les deux Corées se sont enfin rendues à l’idée de renouer le dialogue. Dimanche 9, des responsables des deux Corées se sont entretenus pendant 18 heures dans la petite ville frontalière de Panmunjom à l’occasion des premiers pourparlers destinés à préparer le terrain aux négociations ministérielles qui doivent démarrer ces jours-ci.
Les discussions de dimanche étaient organisées à l’endroit où fut signé l’armistice mettant fin à la Guerre de Corée. Elle a eu lieu au lendemain de la fin du sommet entre le président américain Barack Obama et son homologue chinois Xi Jinping en Californie. « L’atmosphère générale a été calme et la discussion s’est menée sans anicroches », a déclaré Séoul.
Lundi 10, les délégués des deux côtés ont affirmé que cette réunion se tiendrait à Séoul, tout en déterminant l’ordre du jour et le calendrier pour de futurs contacts à haut niveau.
Main tendue
Cette ouverture fait suite à la main tendue par Pyongyang à son voisin du Sud. Pour la première fois, le régime stalinien a proposé la semaine dernière à Séoul des pourparlers officiels sur les sujets de contentieux commerciaux et humanitaires. Une étape inattendue qui a été largement applaudie par Séoul, par la communauté internationale et surtout par Washington.
« Cette ouverture nord-coréenne est principalement due aux difficultés économiques qui ruinent ce pays suite à la fermeture du site industriel inter-coréen de Kaesong, source des devises étrangères pour le régime communiste et employant plus de 50 000 Nord-Coréens réduits au chômage depuis sa fermeture. Economiquement, Pyongyang ne peut pas tenir sans le soutien de Séoul », analyse l’expert politique Mohamed Fayez Farahat.
A la veille des négociations, le régime stalinien a prouvé sa bonne volonté en rouvrant la ligne téléphonique d’urgence entre le Nord et le Sud. Le Nord avait suspendu au printemps cette ligne rouge, dernier lien direct entre les deux voisins, alors que les tensions étaient au plus haut.
Saisissant cette chance, Séoul a très vite accepté l’offre du dialogue. « Des contacts de travail sont nécessaires au regard de la situation actuelle : les relations bilatérales sont au point mort », a affirmé le ministère sud-coréen de l’Unification, chargé des relations entre les deux Corées.
Réouverture de Kaesong
Les négociations tenues en ce moment, les premières de haut niveau depuis 2007, portent entre autres sur la restauration des liens commerciaux, la coopération économique et la réouverture du site industriel inter-coréen de Kaesong, à 10 km de la frontière, côté nord, fermé par Pyongyang en avril. Ce site était né dans le sillage de « la diplomatie du rayon de soleil », menée par Séoul de 1998 à 2008, afin d’encourager les contacts. Les deux frères ennemis restent techniquement en guerre, la Guerre de Corée s’est terminée par un armistice et non par un traité de paix.
La Corée du Nord se dit disposée à négocier la reprise des visites touristiques au mont Kumgang, l’un des plus beaux sites naturels de Corée du Nord. Tout comme Kaesong, ce site rapportait des millions de dollars à la Corée du Nord, pays ruiné économiquement par ses ambitions militaires qui lui ont valu de multiples sanctions internationales.
« Les questions humanitaires comme la réunion des familles séparées à la fin de la guerre peuvent être également débattues dans ces discussions », indique Pyongyang. Selon Farahat, les deux Corées utilisent, à chaque rencontre, le dossier humanitaire pour tenter de calmer leurs relations perturbées. Les dernières rencontres de ce type ont été organisées en 2010.
Tous les contacts officiels sont gelés depuis le naufrage d’une corvette torpillée, selon Séoul, par un sous-marin de poche nord-coréen, causant la mort de 46 marins sud-coréens. Cette reprise du dialogue semble à même d’ouvrir une nouvelle page entre les deux frères ennemis. Mais certains experts restent sceptiques quant au rétablissement d’une confiance quasi inexistante entre les deux Corées, soulignant que ces négociations allaient comprendre des points de désaccord « insurmontables » .
Pas de compromis sur le nucléaire
Le réchauffement des relations entre les deux Corées intervient alors que le ton est récemment monté entre les pays occidentaux et le régime nord-coréen à la suite d’un troisième essai nucléaire en février dernier, suivi de menaces d’attaque sur les Etats-Unis par Pyongyang. Il ne faut pas s’attendre à ce que le réchauffement des relations entre les deux Corées ait un effet positif sur la crise nucléaire nord-coréenne.
« Le régime stalinien essaie de distinguer deux choses : le réchauffement de ses relations avec Séoul et ses droits nucléaires inaliénables. La poursuite des pourparlers avec le Sud ne signifie pas que Pyongyang renoncera au nucléaire », estime l’expert politique Mohamed Fayez Farahat.
En dépit des difficultés économiques, la Corée du Nord est décidée à s’afficher comme puissance nucléaire pour se défendre contre toute attaque américaine. Pyongyang a toujours senti qu’il serait la troisième cible des Américains après l’Iraq et l’Afghanistan, et se dépêche donc d’achever son programme nucléaire. Preuve de cet entêtement nord-coréen : l’Institut américano-coréen de l’université John Hopkins a affirmé il y a quelques jours que Pyongyang pourrait redémarrer un des réacteurs nucléaires de la centrale de Yongbyon d’ici un ou deux mois, ce qui devrait permettre au régime d’accélérer son programme d’armement. Une fois opérationnel, ce réacteur pourra produire environ 6 kilos de plutonium par an, qui pourront être utilisés pour fabriquer des armes nucléaires .
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