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Un secteur en quête d’impulsion

Amani Gamal El Din, Mardi, 24 juillet 2018

Les ventes du marché automobile ont connu une hausse de 37,9 % au premier semestre 2018. Un fait certes positif, mais les experts appellent à une réforme structurelle de ce secteur. Analyse.

Un secteur en quête d’impulsion
Les chiffres de ventes automobiles en Egypte sont le signe d’un début de reprise.

Un maigre optimisme règne sur le secteur égyptien de l’automobile. Malgré les chiffres de vente qui ont connu une hausse remarquable de 37,9 % au cours des 5 premiers mois de 2018, le marché souffre de maux latents.

« Le volume total du marché égyptien de l’automobile, bus et camions inclus, a enregistré une hausse au cours de l’année passée, passant de 46 371 unités vendues au premier semestre 2017 à 63 948 unités au premier semestre 2018. Le volume des ventes des voitures destinées aux particuliers a réalisé à lui seul une hausse de 38 %, passant de 33 134 unités à 45 837 unités vendues », annonce le rapport Amic, spécialisé dans les études du marché égyptien de l’automobile.

Mohamad Magdi Mohamad, analyste financier auprès de Sigma Capital, estime que ces chiffres sont le signe d’un début de reprise. Ils montrent que le marché est en train de se corriger, mais les ventes sont toujours à niveau bas comparées à celles de la période pré-flottement en 2016.

« Il serait incorrect de comparer les chiffres de 2018 à ceux de 2017 qui avait connu des ventes de loin insatisfaisantes, soit 83 000 unités vendues toutes catégories confondues, contre 137 000 en 2016 », affirme-t-il. Avis corroboré par Islam Howeila, expert du marché de l’automobile et analyste de ce secteur sur le site Al-Bawaba. Magdi analyse la situation globale du marché en affirmant que les chiffres restent modestes si l’on fait la comparaison avec les chiffres de vente sur les marchés arabes ou européens.

« Je ne pourrais parler d’amélioration que lorsque les chiffres des ventes seront aux alentours de 300 000 », affirme Khaled Saad, secrétaire général de la Chambre de l’industrie automobile.

La demande sur les automobiles avait nettement baissé à cause de la conjoncture économique, notamment le flottement de la livre égyptienne en novembre 2016 qui avait provoqué le doublement des prix initiaux.

Le prix d’un véhicule était déjà exorbitant en raison de l’effet cumulé des taxes comme la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et la taxe sur les biens de luxe.

A cela sont venus s’ajouter d’autres facteurs, comme la hausse des intérêts bancaires, qui empêchaient les particuliers de recourir aux prêts, avant que la Banque Centrale ne les baisse graduellement. Il y a enfin la 3e phase de la levée des subventions sur les carburants initiée par le gouvernement, afin d’obtenir un prêt de la Banque mondiale sur 3 ans. Sans oublier les prix de renouvellement des licences qui ont augmenté.

A titre d’exemple, le prix d’une nouvelle licence atteint 1 % du prix initial des véhicules de plus de 1 300 CC.

Un maigre optimisme

Malgré la situation difficile du marché, les lectures prévisionnelles apportent un brin d’optimisme. « L’on s’attend à une amélioration au 4e trimestre de 2018 et en 2019 grâce à la stabilité économique relative, la stabilité des taux de change et l’augmentation des salaires », déclare Magdi, de la maison de courtage Sigma Capital.

L’assouplissement des politiques monétaires et la baisse progressive des taux d’intérêt sur les crédits et les dépôts bancaires (ndlr : le taux d’intérêt actuel est passé cette année de 19,75 à 15,75 %) dynamiseront le marché et permettront aux particuliers et aux entreprises d’acheter toutes sortes de véhicules, surtout avec les nouveaux projets d’infrastructure et d’agglomérations urbaines.

Iman Negm, analyste économiste à la maison de courtage Sigma Capital, assure que les taux d’intérêt bancaires seront maintenus à ce stade ou bien baisseront de 1 % additionnel au 4e trimestre 2018.

D’autres alternatives ont été récemment proposées, comme le crédit-bail (financial leasing). « Jusqu’à l’année dernière, sur les 300 compagnies spécialisées dans ce genre de financement, 8 seulement étaient opérationnelles.

Alors qu’en 2018, ce chiffre a augmenté. Ce genre de financement est plus courant au niveau des entreprises, mais ces pratiques se sont étendues aux particuliers. Pas seulement pour l’achat de véhicules, mais des iPad, des portables, etc. », analyse Magdi.

Et de préciser que de grands noms ont recouru à cette méthode, comme GB Lease (Ghabbour Auto) et EFG-Hermes. Mais le problème dans ce genre de contrat est les intérêts élevés qui frôlent parfois les 20 %.

Le créditbail est un mécanisme contractuel conclu entre une entreprise qui s’approprie des biens immobiliers ou mobiliers, en vue de les donner en location à un client pour une durée déterminée et en contrepartie d’un loyer. A la fin du contrat, l’entreprise bénéficiaire doit choisir entre 3 options : restituer le bien, l’acquérir ou renouveler le contrat.

Des réformes structurelles

Répartition du marché local de l’automobile par unité

Malgré l’optimisme qui règne sur le marché automobile, Khaled Saad, secrétaire général de la Chambre de l’industrie automobile, lance un cri d’alarme. Il appelle à introduire des réformes macro-structurelles à long terme.

L’autre alternative est la réforme du cadre juridique pour tenter de booster le marché. Celle-ci peut radicalement le changer si elle est correctement appliquée. La loi sur l’industrie automobile, qui peine à voir le jour au parlement depuis l’année dernière, détermine la part locale des composants automobiles.

Dans une tentative de rendre la loi plus applicable et plus raisonnable, un nouveau projet a été présenté par le nouveau ministre du Commerce et de l’Industrie, Amr Nassar, comprenant des amendements et des incitations pour l’industrie. « Le ministre a changé le taux de la part locale qui était de 18 % à 30 %, pour permettre à de nouveaux concurrents locaux d’entrer sur le marché », indique Saad.

Magdi, de Sigma Capital, estime, pour sa part, que la nouvelle loi avec les incitations qu’elle comprend peut transformer l’Egypte en un hub industriel pour l’assemblage, et plus tard l’exportation des véhicules.

D’autant que l’Egypte se distingue par sa position géographique idéale et sa main-d’oeuvre bon marché. « Ajoutons à cela que plusieurs marques, comme la chinoise Gelly et la coréenne Hyundai ainsi que Mercedes attendent la sortie de la loi pour investir en Egypte. On parle d’une volonté de la part de Mercedes d’assembler ses véhicules dans la région industrielle du Canal de Suez », explique-t-il.

Selon Saad, il faut que la vision soit plus claire. « Lorsqu’on parle d’assemblage et d’un marché tourné vers l’exportation, je dois parler de la qualité. Le problème est que non seulement il y a un manque d’infrastructures pour ces industries de masse, mais en plus, nous n’avons pas d’organisme de standardisation qui veille sur les critères spécifiques destinés à l’exportation. Il y a entre 45 et 130 critères de standardisation dans le monde, mais seulement 10 sont appliqués en Egypte », affirme Saad.

Avec un marché qui est proche de la saturation, la seule solution est de modeler des stratégies d’exportation vers d’autres marchés en collaboration avec l’Etat. Et ce, si l’on veut voir des jours meilleurs pour l’industrie automobile.

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