J’ignore comment le nouveau gouvernement réussira à suivre les directives du président de la République en ce qui concerne les domaines de la culture, de la santé et de l’enseignement, alors même que ce gouvernement a décidé de réduire le budget du ministère de la Culture, et qu’il ne semble pas se soucier des clauses de la Constitution relatives aux dépenses minimales qui devraient être allouées à l’enseignement et à la santé.
Dans son discours à l’occasion de la prestation de serment pour un deuxième mandat, le président a souligné que le citoyen était le vrai trésor de notre nation et que le développement humain serait à la tête des priorités pour ce second mandat présidentiel. « Le développement de l’enseignement, de la santé et de la culture sera les priorités du gouvernement dans la prochaine période », a insisté le président.
J’ai imaginé que ce serait l’occasion de mettre en application l’article 48 de la Constitution et qui stipule que la culture est un droit pour chaque citoyen, un droit garanti par l’Etat sans discriminations fondées sur la capacité financière, la situation géographique ou autres. Ce qui signifie que l’Etat doit soutenir les productions culturelles et en garantir l’accès à tous les citoyens, de telle sorte que le prix du livre, par exemple, ne représente pas un obstacle pour les lecteurs démunis. Ce qui signifie aussi que l’Etat doit étendre à tous les gouvernorats les services culturels et artistiques disponibles au Caire, du Sinaï jusqu’aux Oasis, et de Rachid jusqu’en Haute-Egypte, pour réaliser cette égalité culturelle qui nous fait toujours défaut. Or, certains députés m’ont affirmé, en passant, que le budget de la Bibliothèque de la famille a été sensiblement réduit. Cette nouvelle m’a trop inquiété, étant donné que ce projet représente une arme efficace dans la lutte contre le fléau du terrorisme et de l’extrémisme religieux. En fait, si la production culturelle et artistique dont bénéficiaient les Cairotes était disponible au Sinaï et à Marsa Matrouh, les cellules terroristes contre lesquelles nous sommes aujourd’hui en guerre dans ces gouvernorats n’auraient pas existé. Que ce budget soit réduit au moment où le président parle de la culture en tant que priorité, cela représente une contradiction que le gouvernement est prié d’élucider.
Quant à la santé et à l’enseignement, rappelons que l’article 18 de la Constitution stipule que tout citoyen a droit à la santé et à des soins de santé complets, et a souligné que « l’Etat veille au maintien et au développement des établissements publics de santé (…) et travaille à améliorer leur efficacité et leur répartition géographique équitable ». D’après le même article, « l’Etat s’engage à allouer un pourcentage des dépenses publiques qui ne soit pas inférieur à 3 % du Produit Intérieur Brut (PIB) à la santé. Le pourcentage augmentera progressivement pour atteindre les pourcentages mondiaux ». Alors que l’article 19 stipule que « l’enseignement est un droit pour chaque citoyen, et son but est de forger la personnalité égyptienne, de maintenir l’identité nationale, d’inculquer les bases de la méthode scientifique, de développer les talents, de promouvoir l’innovation et d’inculquer les valeurs civilisatrices et spirituelles et les concepts de citoyenneté, de tolérance et de non-discrimination ». Relativement aux allocations budgétaires, la Constitution exige un pourcentage des dépenses publiques qui ne soit pas inférieur à 4 % du PIB pour l’éducation, à 2 % pour l’enseignement universitaire et à 1 % pour la recherche scientifique. Ces chiffres devront progressivement augmenter pour atteindre les pourcentages mondiaux, selon la Constitution.
Ce qui revient à dire que le gouvernement est constitutionnellement tenu d’allouer au moins 10 % du PIB aux secteurs de la culture, de la santé et de l’enseignement. Notons qu’il s’agit bien du produit national brut, non du revenu national brut.
Je me rappelle le jour où j’avais annoncé ces chiffres dans une conférence de presse, en ma qualité de porte-parole de l’assemblée constituante, alors que la Constitution était en cours d’élaboration. Hazem Al-Beblawi, alors premier ministre, avait immédiatement appelé le président de l’assemblée, Amr Moussa, pour lui demander d’annuler ces chiffres, impossibles à respecter d’après lui, et susceptibles de mettre tout futur gouvernement en porte-à-faux avec la Constitution. La requête fut débattue lors d’une séance ultérieure et aucun des 50 membres de l’assemblée n’a accepté de réduire les pourcentages décidés et qui restent de loin inférieurs aux normes internationales. J’avais dit alors qu’aller en deçà des proportions décidées équivaudrait à l’élimination de toute possibilité de développement de ces secteurs.
A l’occasion de l’annonce du programme gouvernemental que les parlementaires semblent prêts à approuver, il serait bien de savoir si le gouvernement a respecté les allocations mentionnées dans la Constitution, ou s’il entend les ignorer comme l’ont fait les gouvernements précédents, et remettre en question, sans s’en rendre compte, sa propre légitimité.
Et qu’en est-il du budget de la culture ? Je ne parle pas là du budget du ministère de la Culture dont la majeure partie est bouffée par les édifices et les salaires des fonctionnaires, je parle des sommes allouées aux activités culturelles, dont la Bibliothèque de la famille qui englobait plusieurs ministères. Notre combat actuel contre le terrorisme et l’extrémisme devrait plutôt nous amener à augmenter le budget de la culture, même si la Constitution n’y a pas fixé de seuil, à l’instar de la santé et de l’enseignement.
Les députés devront bien réfléchir avant d’approuver automatiquement le programme du nouveau gouvernement. Sinon, ils seraient en contradiction avec les déclarations du président et avec la Constitution.
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