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L’Iraq face à une décision décisive

Mardi, 19 juin 2018

Depuis 2003 l’Iraq vit dans un cercle infernal de violence, de conflits et de destruction. Comme si c’était le destin des Iraqiens de vivre au coeur des problèmes et des défis et de considérer la stabilité comme un rêve lointain. Le problème de l’Iraq remonte à l’invasion américaine et réside dans le système de quota confessionnel qui en a résulté. C’est ce système qui a disloqué le pays et divisé ses composantes. Le nouveau défi qui a émergé après le retrait des troupes américaines, à savoir l’émergence de Daech, avait été une suite logique du système de quota.

Daech avait répandu la terreur et la destruction dans la plupart des villes iraqiennes sous son contrôle, notamment à Mossoul. Lorsqu’en 2017 les forces iraqiennes sont enfin parvenues à acculer l’organisation, le problème du référendum kurde n’a pas tardé à émerger, accentuant la division du pays. Après l’apaisement de ces velléités séparatistes, les regards se sont tournés vers les élections législatives. Les électeurs en ont profité pour manifester leur mécontentement du système politique basé sur le quota confessionnel et qui a consacré la corruption dans tous les rouages de l’Etat. En effet, l’Iraq figure parmi les derniers pays (169e) sur l’indice de perception de la corruption.

Le taux de participation à ces élections n’avait donc pas dépassé les 44 %, contre 60 % en 2009. Dans le nouvel échiquier politique né des élections, la coalition Sairoun (en marche) menée par le dirigeant chiite Moqtada Al-Sadr a été propulsée sur le devant de la scène. Celui-ci avait fait campagne sur les thèmes de la réforme, la lutte contre la corruption et la souveraineté dans la prise de décision. Malheureusement, les élites traditionnelles qui monopolisent le pouvoir depuis des années ont utilisé le processus politique pour servir leurs intérêts étroits aux dépens des intérêts supérieurs de l’Iraq. Ces élites se sont opposées au changement et ont remis en question les résultats du vote de sorte à contrecarrer le processus politique. Les négociations pour la formation du nouveau gouvernement iraqien se sont compliquées et le pays s’est retrouvé face à une série de choix difficiles.

Maintenir l’équation politique basée sur le quota confessionnel et l’hégémonie des élites traditionnelles reviendrait à perpétuer l’instabilité et risquer la guerre civile, tout en laissant le champ libre à l’Iran pour contrôler le processus politique et tracer le destin de l’Iraq à travers ses alliés chiites. Inutile de souligner que le soutien iranien à une tranche de la population iraqienne aide au déchirement de l’Iraq, tout comme le rôle opposé que jouent les Etats-Unis lesquels sont à l’origine de la montée du confessionnalisme dans ce pays. En fait, la rivalité entre Téhéran et Washington en Iraq se joue aux dépens du peuple iraqien et aux dépens du développement, de la reconstruction et de la stabilité politique et sécuritaire de ce pays.

L’alternative serait pour les élites iraqiennes de réaliser l’importance des défis qu’affronte leur pays, d’apprendre les leçons du passé et d’assumer leurs responsabilités. Celles-ci consistent à privilégier la réconciliation nationale, à faire en sorte de rassembler sur une base patriotique tous les Iraqiens, sunnites et chiites, arabes et kurdes. Se défaire du système de quota confessionnel au profit de la citoyenneté, des institutions et de l’Etat de droit est susceptible de rectifier le processus politique et d’assurer l’égalité des droits et des devoirs de tous les Iraqiens quelle que soit leur religion, leur ethnie ou leur langue.

Tous les Iraqiens devront coopérer pour redresser leur pays et arrêter l’effusion de sang et le pillage des ressources pour qu’ils puissent vivre tous dans le cadre d’un Iraq uni et prospère, un Iraq pour tous ses citoyens. Les Iraqiens devront travailler pour que leur pays retrouve sa souveraineté et son arabité, pour qu’il se soit débarrassé de l’hégémonie iranienne, sa vraie plaie. Les élites iraqiennes devraient reconsidérer leurs relations troubles avec Téhéran, ce qui impliquerait un changement de l’échiquier politique et la création d’une nouvelle équation politique à travers un gouvernement d’union nationale englobant la totalité du spectre iraqien.

Ce choix se heurtera certes à une importante résistance, d’abord de la part des leaders qui défendront becs et ongles leurs postes et leurs privilèges actuels, ensuite de la part de Washington et de Téhéran qui souhaitent chacun maintenir l’Iraq dans son orbite, et enfin de la part des dizaines de milices qui refuseront de rendre leurs armes. Rappelons là l’importance du désarmement des milices et de la reconstruction de la police et de l’armée.

A l’échelle politique, s’imposent une réforme constitutionnelle et l’amendement de la loi électorale qui favorise les grands blocs politiques. Enfin, l’appartenance patriotique devra primer sur toute autre affiliation ou orientation. A ce sujet, les pays arabes ont un rôle important à jouer pour sortir l’Iraq de ses crises et le ramener au bercail de l’arabité. Mais le choix reste celui des élites iraqiennes, ce sont elles qui traceront l’avenir de leur pays .

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