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En attendant la reconstruction

Amira Samir, Mardi, 22 mai 2018

Les Iraqiens ont élu, la semaine dernière, leur nouveau parlement, dont la mission principale sera de superviser la reconstruction du pays après trois ans de guerre contre Daech.

En attendant la reconstruction
Selon des estimations, il faudra 100 millions de dollars pour reconstruire l’Iraq après 3 ans de guerre contre Daech. (Photo : AFP)

Les Iraqiens, qui ont élu la semaine dernière leur nouveau parlement, nourrissent de grands espoirs en ce dernier pour ce qui est de la reconstruction du pays et de la lutte contre la corruption. Interrogés par l’AFP, des Iraqiens expliquent qu’ils ont voté « pour que la sécurité et l’économie se stabilisent », « pour empêcher ceux qui contrôlent le pays depuis 2003 de rester au pouvoir et sauver le pays du confessionnalisme et de la corruption », « pour changer les visages de ceux qui ont conduit à la destruction du pays » et « pour vaincre le fléau du chômage des jeunes, qui touche un Iraqien de moins de 30 ans sur cinq ».

Ces trois dernières années, l’Iraq était en guerre contre les djihadistes de Daech, qui contrôlait, depuis 2014, plus d’un tiers du pays. Même avant Daech, l’Iraq n’était pas un paradis. En effet, le pays est ravagé depuis les années 1980 par des guerres à répétition. Il a aussi souffert des longues années d’embargo imposé par la communauté internationale, notamment les Etats-Unis, après l’invasion iraqienne du Koweït en 1990.

La majorité des villes iraqiennes sont en ruine. A Mossoul, Tikrit, Salaheddine ou Diyala, la situation est presque la même : les Iraqiens vivent dans un décor de guerre. En plus, le pays souffre énormément du manque de services, qui ont tous été réduits en poussière : les hôpitaux, les habitations, les ponts, les écoles, les banques et les marchés. Pas de chemins de fer, à l’exception de la liaison entre Bagdad et Samarra, qui a été rouverte cette année. Selon des estimations récentes du premier ministre iraqien Haider Al-Abadi, la reconstruction de l’Iraq coûtera 100 milliards de dollars. « Bagdad ne peut pas gérer la reconstruction avec son seul budget, grevé par la baisse des cours du brut et les efforts de guerre », a annoncé le premier ministre fin janvier 2018 au Forum économique de Davos. Le 12 février dernier, une conférence a été organisée au Koweït pour la reconstruction de l’Iraq. Les responsables iraqiens y ont présenté 157 projets sollicitant du financement.

Ces projets comprennent, entre autres, la reconstruction de plus de 26 000 habitations, deux lignes de chemin de fer — Bagdad- Bassorah et Bagdad-Mossoul —, un métro pour la capitale ainsi que plusieurs projets d’investissement dans le domaine des industries pétrolières et pétrochimiques, de l’infrastructure et de l’agriculture. Durant la conférence, Bagdad a obtenu 30 milliards de dollars d’engagements pour remettre sur pied les infrastructures déficientes. Les responsables iraqiens espéraient récolter 90 milliards de dollars. Or, la situation politique, sécuritaire et économique n’est pas encore stabilisée. Le chaos n’a pas encore cessé depuis plus de quinze ans, après des années de guerre quasi ininterrompue. Et les risques sont multiples.

Douzième pays le plus corrompu

Il y a également le risque que cet argent parte en fumée, vu l’effroyable corruption qui ronge le pays. Les Iraqiens craignent, en fait, que les responsables ne détournent l’argent public destiné à la reconstruction pour s’enrichir. En effet, l’Iraq est classé douzième pays le plus corrompu au monde. Pour rassurer les investisseurs, le gouvernement iraqien a annoncé qu’il avait mis en place une plateforme de données censée garantir la transparence de l’opération de la reconstruction.

« La reconstruction de l’Iraq reste très compliquée, notamment dans les régions les plus détruites, comme à Mossoul et Ramadi. En effet, le gouvernement iraqien n’a pas de plan décisif à ce sujet. En plus, les projets de reconstruction de l’infrastructure dirigés par les Nations-Unies et le Fonds Monétaire International (FMI) sont, sans doute, insuffisants pour répondre à l’ampleur de la destruction massive dont souffre le pays », estime Safinaz Mohamad, chercheuse spécialisée dans les affaires de politique arabe au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al- Ahram.

Certains spécialistes sont pessimistes et prévoient un scénario similaire à celui de la reconstruction de l’Afghanistan, pour laquelle six conférences internationales ont été organisées entre 2002 et 2012. A chaque fois, il y a eu de beaux engagements financiers, et aujourd’hui, le pays se trouve dans un chaos total. Néanmoins, le parlement élu reste le seul espoir pour les Iraqiens pour relancer le processus de la reconstruction.

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