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Khaled Al-Feki : Les ouvriers s’attendent à des syndicats forts qui les représentent et défendent leurs droits

May Atta, Mardi, 22 mai 2018

Khaled Al-Feki, vice-président du conseil d’administration de l’Union Générale des Syndicats Ouvriers (UGSO), évoque les enjeux des élections ouvrières qui ont lieu les 23 et 24 mai.

Khaled Al-Feki

AL-Ahram Hebdo : La porte des candidatures aux élections des syndicats ouvriers a été ouverte le 16 mai. Quelle est, d’après vous, l’importance de ces élections ?

Khaled Al-Feki : Il s’agit des premières élections ouvrières tenues depuis 12 ans, au cours desquelles le conseil d’administration de l’UGSO, élu en 2006, n’a pas changé. Cette union regroupe plus de 5 millions d’ouvriers. Quelle que soit l’évaluation de l’exercice de son conseil, il est dans l’intérêt du travail syndical d’injecter du nouveau sang, de nouvelles figures et idées capables de relever les défis qu’affronte le mouvement ouvrier et de satisfaire les revendications ouvrières.

Il s’agit aussi des premières élections tenues sous l’ombrelle de la nouvelle loi sur les syndicats garantissant la liberté syndicale et autorisant pour la première fois la création des syndicats indépendants (voir encadré).

— Les préparatifs vont bon train pour la tenue de ces élections le 24 mai. Quelles sont les conditions de candidature ?

— Le candidat doit avoir au moins 21 ans et 60 ans au maximum. Celui qui a 60 ans peut présenter sa candidature s’il continue à travailler dans une compagnie et a une assurance contre les risques du travail. Le candidat doit effectuer des analyses pour savoir s’il a consommé des stupéfiants. Il doit savoir lire et écrire. Il doit être ouvrier et non pas directeur général.

— Et en ce qui concerne la supervision des élections ?

— Toutes les procédures adoptées garantissent un scrutin transparent. Les élections se tiendront sous la supervision complète des juges et des représentants du ministère de la Main-d’oeuvre. Or, il fallait aussi que l’UGSO ait été parmi les superviseurs du processus électoral vu que ces élections concernent en premier lieu les ouvriers.

— La tenue des élections au cours du mois du Ramadan peut-elle affecter le taux de participation ?

— Hélas, la tenue des élections en plein mois du Ramadan risque de diminuer le taux de participation. Surtout que pendant ce mois, les horaires de travail sont de 8h à 14h, alors que les bureaux de vote seront ouverts de 8h du matin jusqu’à 17h.

Comment les ouvriers pourront donc s’y rendre puisque l’iftar est à 18h ? J’appelle le comité chargé de l’organisation des élections de revoir ces horaires. La date des élections revient à l’exigence de la nouvelle loi de tenir les élections dans un délai de 90 jours après la promulgation de la loi.

— Les syndicats indépendants jugent la clause relative à la régularisation de leur statut pour se présenter aux élections « restrictive ». Qu’en pensezvous ?

— Tout d’abord, il faut savoir que c’est grâce à la nouvelle loi sur les syndicats ouvriers, promulguée fin 2017, que les syndicats indépendants ont été reconnus officiellement et qu’ils ont eu d’ores et déjà le droit de disputer les élections ouvrières. Ce qui n’empêche pas de demander à ces syndicats, créés auparavant à l’encontre de l’ancienne loi, de régulariser leur statut conformément aux règlements de la nouvelle loi.

Même l’UGSO doit aussi, en vertu de la nouvelle loi, régulariser son statut, dans un délai ne dépassant pas les 2 mois après la promulgation de la loi. C’est peut-être cette courte période qui est derrière cet état de confusion règnant au sein des syndicats indépendants et à l’UGSO.

Les difficultés évoquées par l’UGSO concernent essentiellement le grand nombre de ses membres qui dépassent les 5 millions d’ouvriers. Et ceci, alors que la loi exige de chaque compagnie dont les ouvriers sont membres de l’union de vérifier les informations relatives à ces ouvriers et de les envoyer ensuite aux syndicats ouvriers pour les envoyer au ministère de la Main-d’oeuvre. Un processus certes compliqué et qui nécessite un délai plus long.

— Par ailleurs, vous attendezvous à une participation massive de la part des syndicats indépendants à ces élections qu’ils disputent pour la première fois ?

— Difficile de prévoir leur taux de participation, vu que le nombre et le poids réels des participants ne sont pas précisément connus pour le moment.

— Cela fait-il donc partie des difficultés qu’envisagent les syndicats indépendants pour régulariser leur statut ?

— Certes. Lorsqu’on a demandé aux syndicats indépendants d’ajuster leur statut, le ministère de la Maind’oeuvre a découvert que la plupart d’entre eux n’a pas de locaux et n’a pas le nombre de membres minimum requis par la loi pour la création d’un syndicat. Et là, il faut rappeler que la loi exige la présence de 20 000 ouvriers pour créer un syndicat général et de 300 000 pour fonder une union syndicale générale.

Le syndicat doit avoir un siège. Des conditions qui ne s’appliquent pas à la majorité des syndicats indépendants existants.

— Jugez-vous nécessaires une forte représentation et une participation de la femme ouvrière à ces élections ?

— La femme représente une grande partie du secteur ouvrier et c’est pourquoi l’UGSO soutient la candidature des femmes et leur participation aux élections. Déjà, l’union a créé, il y a quelques années, un comité pour les femmes, qui regroupe aujourd’hui 33 femmes représentant les intérêts de la femme ouvrière.

— Les candidats ont-ils l’expérience syndicale leur permettant d’assumer la responsabilité en cas de réussite ?

— Je l’espère. Le travail syndical a besoin de personnes expérimentées en matière de négociations avec les patrons, surtout que la plupart des ouvriers travaillent dans le secteur privé. Les élus doivent avoir aussi une connaissance des lois régissant le mouvement ouvrier comme la loi sur le travail, la loi sur les assurances sociales, la loi sur l’assurancesanté et les réglementations des compagnies privées et publiques.

Celui qui travaille dans le cadre syndical doit avoir un an d’expérience au minimum pour avoir la capacité de surmonter les situations difficiles. Pour résoudre le problème du manque d’expérience, les anciens cadres de l’UGSO organiseront des stages de formation de six mois pour les nouveaux élus.

— D’après vous, quels sont les grands dossiers qui attendent les nouveaux conseils des syndicats ouvriers ?

— Les défis sont de taille. Les ouvriers s’attendent à des conseils forts qui les représentent et défendent leurs droits. L’amélioration du statut salarial, la résolution des problèmes des retraités et la mise en place d’un nouveau système d’assurance sociale et médicale digne sont des dossiers importants que devront aborder les nouveaux conseils élus. Sans oublier que des préludes laissent prévoir une nouvelle vague de privatisations avec l’annonce du lancement des actions de 50 compagnies publiques à la Bourse. Cela risque de se répercuter sur la sécurité de l’emploi de milliers d’ouvriers.

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