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L’Egypte écarte une intervention en Syrie

Ahmed Eleiba, Mardi, 15 mai 2018

L’Egypte a nié toute intention d’envoyer des troupes en Syrie.

L’Egypte écarte une intervention en Syrie
Le ministère égyptien des Affaires étrangères a confirmé dans un communiqué officiel que Le Caire n’enverra pas de forces en Syrie. (Photo : AP)

De nombreuses sources égyptiennes ont nié toute intention du Caire de s’engager militairement dans le conflit syrien à la lumière de la proposition de Washington de remplacer ses forces en Syrie par des forces arabes. Le ministère égyptien des Affaires étrangères a confirmé dans un communiqué officiel que Le Caire n’enverra pas de forces en Syrie. Le 16 avril dernier, un rapport de Wall Street Journal rapportait les propos de responsables américains selon lesquels l’Administration Trump cherche à former une force arabe afin de remplacer les forces militaires américaines en Syrie. Cette force contribuerait à la stabilité du nord-est syrien après la défaite de Daech. Selon le rapport, le conseiller à la sécurité nationale du président américain, John Bolton, aurait appelé le chef par procuration des services de renseignements égyptiens, Abbas Kamel, afin de savoir si l’Egypte allait contribuer à ces efforts. Au cours du 28e colloque éducatif militaire tenu deux semaines après, précisément le 28 avril, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a insinué que l’Egypte n’allait pas répéter l’expérience du Yémen (1962- 1967) en déclarant que l’armée égyptienne ne sortirait pas des frontières de l’Egypte comme elle l’a fait lors de la guerre du Yémen. Et d’ajouter que l’armée égyptienne était forte, mais qu’elle a été brisée par la défaite de 1967. Sissi avait rappelé le rôle de Sadate dans la reconstruction de l’armée égyptienne et dans l’instauration de la paix après la guerre de 1973 sans le moindre soutien des pays arabes.

Il faisait ainsi allusion au fait que l’Egypte soutenait la paix et un règlement politique même si cela pouvait lui causer des hostilités avec les Arabes. Sissi avait aussi rappelé, au cours de sa campagne électorale pour le deuxième mandat, le coût exorbitant de la guerre du Yémen qui a coûté à l’Egypte 40 millions de livres égyptiennes à l’époque ainsi que 26 000 soldats. Le général Mohamad Kachkouch, professeur de sécurité nationale à l’Institut militaire Nasser et premier attaché militaire de l’Egypte au Yémen, déclare : « La situation en Syrie est compliquée. La leçon du Yémen revient à l’esprit dès que l’on évoque une éventuelle participation égyptienne à une guerre en dehors de nos frontières ». Et d’ajouter : « L’Administration américaine pense à des changements en ce qui concerne la coalition anti- Daech en Syrie. Le président américain ne semble pas convaincu de l’importance de préserver ses forces en Syrie, soit environ 2 000 soldats. Même si les Arabes acceptent de participer, ils ne pourront pas remplacer les forces américaines ». Kachkouch parle de la complexité de la scène syrienne et affirme qu’il existe des divergences évidentes entre les pays arabes à qui il incombera d’accomplir cette mission, précisément Le Caire et Riyad.

Pas question d’ouvrir un nouveau front

Des problèmes pourraient surgir dans les relations entre les deux pays si Riyad insiste sur la participation égyptienne. « Des forces égyptiennes se trouvent à proximité de Bab Al-Mandab dans le cadre de l’alliance arabe. Cependant, cette présence est en accord avec les intérêts égyptiens qui consistent à assurer la sécurité nationale égyptienne en sécurisant la navigation en mer Rouge et à l’entrée du Canal de Suez ». Une autre source bien informée déclare : « Il n’est pas difficile de comprendre la position de l’Egypte. L’armée égyptienne affronte d’innombrables défis. Elle mène une guerre contre le terrorisme dans le Sinaï. Sur les frontières ouest, elle affronte les menaces provenant de la Libye qui est plongée dans le chaos, et dans le sud, il y a un autre front relatif à la mer Rouge. Comment peut-elle alors s’engager dans une guerre sur un autre front plus compliqué encore que la Libye ou le Yémen ? ». Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel Al- Jobeir, avait déclaré lors d’une conférence avec le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, le 20 avril dernier : « Nous avons proposé d’envoyer des forces de l’Alliance islamique contre le terrorisme, en Syrie ». Ce n’était pas la première fois que Jobeir annonce une telle orientation. Il avait également exprimé ce souhait en avril 2017. Selon le rapport du Wall Street Journal, les pays du Golfe financeraient l’envoi de ces troupes en Syrie.

Le penseur politique émirati, Abdel-Khaleq Abdallah, est partisan de l’idée d’envoyer des forces arabes en Syrie pour de nombreuses raisons. « Je pense qu’une présence arabe est importante en ce moment malgré la complexité de la scène, surtout que ces forces arabes sont supposées remplacer les forces américaines à l’est de l’Euphrate alors que se trouvent sur l’autre rive l’Iran, le Hezbollah et la Russie. C’est le bon moment car la crise syrienne persiste et tout le monde s’est ingéré dans les affaires syriennes », affirme-til. Et d’ajouter : « Ce qui nous réunit en fin de compte, c’est la sécurité nationale arabe et la nécessité de réaliser un équilibre stratégique pour ne pas laisser la Syrie en proie à l’Iran et à la Turquie. Il est vrai qu’il existe une présence arabe limitée aux frontières jordaniennes, mais il est impératif de renforcer cette présence, notamment par les trois grandes forces arabes, à savoir les Emirats, l’Arabie saoudite et l’Egypte ». En contrepartie, l’ex-adjoint du chef d’état-major des forces armées égyptiennes et chef des forces égyptiennes lors de la Seconde Guerre du Golfe, Mohamed Ali Bélal, affirme que l’intervention égyptienne en Syrie, abstraction faite de toutes les autres positions arabes, n’est nullement dans l’intérêt de l’Egypte. « Il n’est pas question d’envoyer des forces égyptiennes dans ce pays. L’Egypte n’envoie des forces à l’étranger que dans le cadre de la légitimité, que ce soit la légitimité internationale ou la légitimité arabe et dans le cadre de la réalisation de ses intérêts, c’est-à-dire pour écarter un danger ou affronter une menace. Le régime syrien a fait appel à la Russie, à l’Iran et au Hezbollah. Ce qui confère une légitimité à leur présence, abstraction faite des conséquences. De plus, lorsque la Ligue arabe a demandé à l’Otan de protéger les civils en Libye, son ingérence a acquis une légitimité indépendamment aussi des résultats catastrophiques ». Bélal s’est alors souvenu de la participation égyptienne à l’opération Tempête du désert en Iraq et conclut : « La différence est énorme. C’est le Koweït qui l’avait demandé. L’Arabie saoudite a aussi réclamé la protection de ses frontières. La communauté internationale tout entière est entrée en action. La Ligue arabe a mobilisé l’intervention. Les circonstances étaient donc tout à fait différentes ».

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