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Nada Adel Aboul-Magd : L’inquiétude quant à l’avenir professionnel peut avoir des conséquences annihilantes

Chahinaz Gheith, Mardi, 08 mai 2018

Trois questions à la psychiatre Dr Nada Adel Aboul-Magd, sur le stress scolaire et les moyens de le gérer.

Nada Adel Aboul-Magd

Al-Ahram Hebdo : Le stress dû à la pression scolaire est de plus en plus répandu parmi les adolescents. Quels en sont les signes les plus alarmants ?

Nada Aboul-Magd : Bien sûr, on ne craque pas sans préavis, du jour au lendemain. Certains signes permettent d’alerter les parents, à savoir quand leur fils a souvent l’estomac noué, mal au ventre. Sur le plan psychologique, on note l’angoisse, l’anxiété et le découragement, et cela peut aller jusqu’à des troubles du sommeil. Il faut également être attentif à certaines manifestations de l’angoisse qui se traduisent par du grignotage, voire de la boulimie. En fait, il existe deux phases, la première est la phase de lutte, où se manifestent anxiété et irritabilité et où l’adolescent essaie encore de se contrôler. Il commence à modifier son mode de vie, en s’accordant moins d’heures de sommeil et de loisir. C’est cela qui va déstabiliser son équilibre interne : quand il va renoncer sur le long terme, c’est-à-dire sur plusieurs mois, à son mode habituel d’existence, lequel exige que soit introduit dans l’emploi du temps un type de plaisir ou un peu de sport, afin de lui permettre de se défouler et de penser à autre chose. Quant à la seconde phase qui mène au burn out, c’est celle du découragement, voire une phase dépressive, car l’adolescent lâche prise, il a l’impression d’être dépassé, il se sent impuissant, il pleure, il devient complètement inefficace.

— La pression des parents n’y est-elle pas pour quelque chose ? N’est-elle pas exagérée?

— La position des parents est ambiguë. Les jeunes sont souvent majeurs, mais encore à la maison. D’un côté, les parents leur demandent de s’autonomiser. De l’autre, ils les rappellent à l’ordre : « Travaille ! ». Ce double discours pose problème. De leur côté, les adolescents, qui grandissent plus vite qu’auparavant, se défendent : « Je sais ce que j’ai à faire », ou « Je travaille mais tu ne le vois pas », ou « Cela n’est jamais assez pour toi ». Ainsi, le stress s’est chargé d’angoisses légitimes. Les parents ont trop souvent tendance à faire peser sur leurs enfants, leurs inquiétudes sur l’avenir professionnel, crainte souvent basée sur une donnée fausse : un bon élève a forcément un bel avenir, un mauvais élève est voué à l’échec … Cette crainte pèse considérablement sur la conscience de l’enfant qui devient terrorisé par son avenir avec des conséquences annihilantes qui peuvent aller jusqu’au suicide. Les évaluations des élèves sont, dans le système traditionnel, basées sur les bonnes et mauvaises notes distribuées selon des critères non choisis et souvent selon des appréciations subjectives … Ces évaluations sont-elles si fiables qu’on leur accorde une telle importance? Combien de grandes réussites de l’économie internationale n’ont pas fait ou ont interrompu leurs études : Steve Jobs, Bill Gates, Michael Dell, etc. ? Il faut le rappeler aux grands comme aux petits.

— Oui, mais l’inquiétude des parents est légitime. Comment peuvent-ils alors booster leurs enfants sans faire trop de pression ?

— Pour aider les enfants à décompresser et être sereins avant et pendant les examens, surtout ceux du bac, il convient de déterminer la nature de leur angoisse. Celle-ci peut être de deux sortes : l’anxiété anticipatoire concerne les personnes qui sont stressées avant l’épreuve, mais qui, le jour J, s’avèrent être très performantes. L’angoisse de performance correspond au cas contraire : le candidat est détendu avant l’épreuve, mais perd tous ses moyens devant l’examinateur. Il faut tout d’abord permettre aux enfants d’exprimer leur ressenti, pour qu’ils puissent se rendre compte de cette angoisse qui parfois peut même les empêcher de travailler. Cela leur permettra d’essayer de comprendre de quoi ils ont peur, et de pouvoir relativiser. Il est important de ne pas juger les enfants dans ce type de situation, et ce, en leur faisant sans cesse remarquer par exemple qu’ils auraient dû davantage travailler durant l’année ou de les rabaisser. Il n’y a rien de tel pour mieux les enfoncer, et les abandonner à leur triste sort. S’ils n’ont pas assez travaillé durant l’année, le mal est fait, l’important est de pouvoir profiter du maximum du temps qui reste pour en tirer profit. La confiance est l’une des clés pour pouvoir maîtriser leur stress. Car en sachant que l’on a la capacité de faire face à l’épreuve qui est à notre portée, la réponse physiologique se calme. Il ne faut donc pas hésiter à les motiver avant les examens, à insister pour leur faire gagner confiance en eux, à leur donner envie d’y croire et de réussir.

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