Beyrouth,
Correspondance —
A l’approche des élections parlementaires libanaises, les différentes forces et communautés libanaises ont misé sur les alliances. Objectif : rafler le maximum de sièges au nouveau parlement. D’anciennes alliances se sont renouvelées et de nouvelles ont vu le jour. Les adversaires d’hier sont devenus alors les alliés d’aujourd’hui. Deux principales alliances ont culminé sur la scène. De même le Courant bleu du Futur, dirigé par Saad Hariri, s’est allié avec le Courant orange de Michel Aoun, avec les Forces libanaises de Samir Geagea et avec le leader druze Walid Joumblatt pour affronter le tandem chiite traditionnel Hezbollah-Amal.
Après l’arrivée au pouvoir de Aoun et le retour de Hariri à la tête du gouvernement début 2017, une nouvelle ère a commencé entre les protagonistes libanais pour mettre un terme au vide politique. Entre-temps, une nouvelle loi électorale a été adoptée, favorisant le scrutin proportionnel au lieu de la loi de 1960 qui ne jouissait pas de l’unanimité des parties libanaises.
Selon la loi de 1960, les élections se déroulaient selon le principe des alliances entre les forces et les communautés libanaises en plus des candidats indépendants. La concurrence se jouait alors entre les deux clans, l’alliance du 14 mars (le Courant du Futur, le parti Kataëb, les Forces libanaises) et l’alliance du 8 mars (Hezbollah, le mouvement Amal, le Courant Patriotique Libre (CPL), sans oublier les petits partis et les Druzes. Après l’adoption de la nouvelle loi électorale, les élections parlementaires se déroulent aujourd’hui sur la base du scrutin proportionnel par liste et sur le vote préférentiel. Le résultat a été le changement de la donne politique, alliances et candidats tout azimut vu que les forces politiques et les communautés veulent obtenir le plus grand nombre de sièges au parlement.
Vu que Saad Hariri, l’actuel premier ministre et le leader du Courant du Futur, le représentant des sunnites au Liban, possède le plus grand bloc parlementaire dans la Chambre des députés actuelle, il était soucieux de consolider ses anciennes alliances et de se débarrasser de tous ceux qui peuvent entraver ses contacts avec les autres forces libanaises. Il s’est alors allié avec les Forces libanaises dirigées par Samir Geagea, le puissant partenaire de l’alliance du 14 mars, qui jouit comme Hariri du soutien de l’Arabie saoudite et de la France. Les deux courants se sont livrés au jeu dans les régions sunnites et maronites afin que les deux partis, le Futur et les Forces libanaises, s’assurent de la victoire de leurs listes dans ces régions.
Hariri a également renouvelé son alliance avec le leader druze, Walid Joumblatt, dans les régions qui témoignent une présence sunnite et druze. Walid Joumblatt a, quant à lui, renoncé à sa candidature, mais c’est pour céder sa place à son fils Taymour Joumblatt. « La seule constante politique électorale est l’alliance avec Walid Joumblatt. Les autres alliances dépendent de chaque circonscription. Nous nous allierons tantôt avec les Forces libanaises, tantôt avec le CPL, tantôt avec les deux ensemble », a déclaré Hariri.
Cependant, la majorité des alliances de Hariri sont avec le CPL, alors que ce dernier s’alliait auparavant avec le duo chiite, le Hezbollah, dirigé par Hassan Nasrallah, et le mouvement Amal, dirigé par le président de la Chambre des députés, Nabih Berri. Mais il semble que les élections de 2018 ont changé les équilibres de force et ont mélangé les cartes.
Hariri se pose en maître
Au sein du Courant du Futur, l’ex-premier ministre et l’un des piliers du courant Fouad Siniora a fait éclater une surprise. Il a renoncé à sa candidature aux élections après le refus de Saad Hariri de la candidature de Siniora à l’un des sièges de Beyrouth, vu la difficulté d’imposer un candidat de la ville de Sidon aux habitants de la capitale. Hariri lui a laissé la liberté de se présenter à son siège traditionnel de Sidon qu’il perdra certainement à cause du système du scrutin proportionnel et du vote préférentiel. Ce qui a poussé Siniora à lancer une violente attaque contre le scrutin proportionnel. Mais la réalité confirme la fin du rôle de Siniora qui était parallèle à celui de Hariri au sein du Courant du Futur. En fait, le retrait de Siniora profite essentiellement à Hariri. D’une part, il s’est débarrassé d’un rival puissant et d’un substitut éventuel. D’autre part, il s’est assuré que personne ne s’opposerait à ses orientations, ses politiques et ses alliances au sein du Courant du Futur, comme l’alliance du futur avec le Courant orange de Michel Aoun dans certaines circonscriptions. En effet, Siniora s’était personnellement opposé à Hariri en ce qui concerne l’arrivée de Aoun, l’allié du Hezbollah, de l’Iran et d’Assad à la présidence. Ce qui a été considéré par Hariri comme une dissidence dans les rangs au sein du Courant bleu.
Coalition chiite forte
La coalition chiite reste au beau fixe entre le Hezbollah et le mouvement Amal qui sont présents ensemble dans les mêmes régions chiites bien que chacun ait des régions de pouvoir différentes de l’autre. Cependant, la concordance est parfaite entre les deux parties. Chacune respecte les limites, les capacités et les gains de l’autre. « La loi du scrutin proportionnel est la goutte qui a fait déborder le vase. Il n’y a plus d’alliance du 8 mars ni du 14 mars », a déclaré Nabih Berri, confirmant que son alliance avec le Hezbollah n’est pas une alliance chiite, mais plutôt une alliance d’espoir et de fidélité.
Quant au Courant orange, il a établi des alliances tantôt avec le Courant bleu, tantôt avec les Forces libanaises tantôt avec d’autres partis. Le parti Kataëb, qui est quasiment sorti du cadre de l’alliance du 14 mars, semble ne pas avoir trouvé d’alliances sérieuses après sa précédente opposition à l’arrivée de Michel Aoun à la présidence et à la transaction Hariri-Aoun pour mettre un terme au vide présidentiel.
Quant à la Brigade Marada, dirigée par l’ancien candidat à la présidence Sleiman Frangié, elle affronte une concurrence acharnée de la part des Forces libanaises dans son fief à Zgharta dans le nord, surtout que la Marada accuse Samir Geagea, leader des Forces libanaises, d’avoir assassiné le père Tony Frangié pendant la guerre civile.
Les nouvelles coalitions qui ont mêlé les cartes du jeu permettront-elles à Hariri d’obtenir une majorité parlementaire grâce au soutien de Aoun, de Geagea et de Joumblatt ? Réussira-t-il à arriver à la tête du gouvernement ? Seuls les résultats détermineront qui réussira à former le prochain gouvernement libanais.
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