Alors que le compte à rebours du retrait des troupes internationales du bourbier afghan prévu en 2014 a déjà commencé, un rapport inquiétant de la fondation «
Carnegie pour la paix », intitulé «
Dans l’attente des talibans », a affirmé cette semaine que les talibans reviendraient au pouvoir en Afghanistan après 2014. «
Le gouvernement de Kaboul sera incapable de leur résister économiquement et militairement.
Le régime afghan va certainement s’effondrer dans quelques années », affirme le texte selon lequel le niveau du soutien américain au régime afghan sera limité après 2014, et le retrait des forces de la coalition, qui ont chassé les talibans du pouvoir en novembre 2001, se traduira automatiquement par une avancée des rebelles. Pessimiste, le rapport prévoit que le gouvernement afghan pourrait garantir la sécurité des villes et de quelques régions qui lui sont favorables tout au mieux, mais il perdrait le contrôle des zones rurales pachtounes et des provinces frontalières avec le Pakistan, faute de formation et de moyens suffisants au sein de ses forces de sécurité.
Mettant de l’huile sur le feu, le texte affirme que, d’ici 2014, les autorités afghanes connaîtront une triple crise : économique avec la chute de l’aide occidentale institutionnelle, avec une élection présidentielle incertaine, et enfin militaire. Le rapport voit dans ce scénario cauchemardesque un résultat naturel de la « stratégie ratée » de l’Otan, menée par les Etats-Unis, qui « laissera derrière elle une situation pire qu’en 2001 sous certains aspects ».
Refusant d’avouer leur défaite, les responsables des forces de l’Otan ont catégoriquement rejeté les pronostics du rapport, assurant que les forces afghanes seront assez solides pour permettre au régime de Kaboul de résister à l’insurrection. Ayant une vision optimiste des choses, le général français Olivier de Bavinchove, chef d’état-major de la force de l’Otan en Afghanistan (Isaf), a estimé dimanche à 80 % le pourcentage du territoire et de la population afghans qui ne souffrent pas aujourd’hui de la violence et de l’insécurité.
En revanche, la réalité sur le terrain semble beaucoup plus « amère » et plus « sombre » que les pronostics du rapport, car, malgré plus de 130 000 soldats déployés dans le pays, l’Otan n’a jamais pu mettre un terme à l’insurrection des talibans. Dimanche matin, une attaque des rebelles a tué un soldat de l’Isaf, un civil et trois membres de l’armée afghane. Une partie des Afghans dit déjà se préparer à quitter le pays, craignant une nouvelle guerre civile, après déjà plus de 30 ans de conflits.
Dans la crainte de revenir à la case départ après toute une décennie de guerre sans merci, l’Otan a décidé cette semaine de reprendre ses opérations conjointes avec l’armée afghane après avoir été limitées en raison d’une hausse des attaques menées par des hommes portant l’uniforme afghan. « La plupart des unités de l’Isaf ont repris normalement leurs missions conjointes à tous les niveaux », a assuré Leon Panetta, secrétaire américain à la Défense. Le chef du Pentagone a répété que ces attaques ne remettaient pas en cause le calendrier du transfert de la sécurité aux forces afghanes d’ici 2014. Seuls les semaines et les mois à venir prouveront si Kaboul va retomber proie au régime des talibans qui veulent récupérer le pouvoir perdu il y a dix ans ou résistera-t-il face à un ennemi à la fois incassable et redoutable.
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