Coupoles cylindriques et pointues, variété de style architectural.
La zone d’Al-Faggala et d’Al-Daher au Caire constituait l’un des centres culturels, intellectuels et commerciaux du Caire, voire de l’Egypte, pendant la deuxième moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle. Son histoire remonte au moins à l’époque fatimide. A cette époque, elle était connue sous le nom d’«
Al-Tabbala », d’après une joueuse de tambour. Cette dernière avait prédit que le calife fatimide Al-Mostansir Bellah (1029-1094) allait vaincre les Abbassides. Le calife l’avait alors récompensée en lui offrant 200
feddans, qui s’étendaient de l’actuelle place de l’Opéra à la région d’Al-Faggala.
A l’époque, on cultivait sur ce terrain des légumes et des fleurs pour la capitale égyptienne. Quant aux régions adjacentes, c’étaient des jardins florissants. Plus tard, ces jardins se sont transformés en étangs et en terres délaissés. Avec l’arrivée de l’Expédition française en Egypte, en 1798, la zone a été réaménagée. Elle est notamment connue par la culture des radis — « fegl » en arabe — d’où est dérivé le nom de Faggala. Près de la rue Faggala se trouvait le lac Al-Ratl, sur lequel naviguaient des bateaux. Cette région a attiré l’élite de la société égyptienne et les hauts fonctionnaires dès le début du XIXe siècle, notamment pendant le règne de Mohamad Ali pacha (1805-1848). « Parmi eux, Linant de Bellefonds pacha, ingénieur en chef des travaux publics sous le règne de Mohamad Ali pacha. Linant pacha a bâti un somptueux palais, entouré d’un vaste jardin », explique Abdel-Monsef Salem, professeur d’archéologie à la faculté de littérature de l’Université de Hélouan. Ce palais a été construit dans la rue Bostane Al-Maqsi, où se dressent actuellement l’église évangélique et celle des Jésuites. Le lac Al-Ratl a, quant à lui, été recouvert par le sable des collines des alentours et les terrains du gouvernement ont été vendus et divisés en rues régulières.
Durant l’époque du khédive Ismaïl (1863- 1879), la région a connu une grande prospérité. Il a fait paver la rue Clot Bey, qui relie la gare à l’actuelle place Ataba. Celle-ci était agrémentée de bâtiments luxueux, d’hôtels et de pensions, ce qui en faisait une rue commerçante par excellence, offrant une multitude de divertissements. Cette rue est proche de celle de Faggala. Le réaménagement a aussi inclus la zone d’Al-Daher. La nouvelle ambiance a attiré les communautés étrangères, à l’instar des Arméniens, des Syriens, des Grecs, des Iraqiens et des Maronites, qui sont venues vivre dans cette zone huppée. Citons en exemple Habib pacha Al-Sakakini, dont le palais se dresse encore à proximité.
Vie intellectuelle florissante
Coupoles cylindriques et pointues, variété de style architectural.
« Il ne faut pas oublier que ces communautés jouaient un rôle fondamental dans la vie économique, commerciale, financière, intellectuelle et politique de l’époque », commente Hossam Ismaïl, professeur d’histoire moderne à la faculté de littérature de l’Université de Aïn-Chams. La zone d’Al-Faggala et d’Al-Daher est par ailleurs très proche de la gare ferroviaire, ce qui facilite les déplacements dans les quatre coins du pays.
Le professeur d’histoire ajoute que l’Egypte a été une terre de refuge pour certaines de ces communautés, qui fuyaient les massacres ou les injustices dans leurs pays. « Le gouvernement a permis à chacune de ces communautés de construire son église, à condition qu’elle soit annexée d’un établissement d’enseignement et d’éducation », indique-t-il. Il ajoute que sont issus de la région des acteurs renommés, comme Naguib Al-Rihani et Béchara Wakim, des familles actives dans les affaires, telle la famille Qattawi, des politiciens, comme l’ancien premier ministre Boutros-Ghali, et des intellectuels, à l’instar du doyen de la littérature arabe, Taha Hussein, et de son épouse, avant leur déménagement à Héliopolis. « La première résidence de la célèbre maison d’édition Dar Al-Maaref se trouvait à Faggala », renchérit Ismaïl.
Cette vie intellectuelle florissante a diminué durant la deuxième moitié du XXe siècle, avec le départ d’un nombre considérable de familles de ces communautés et la disparition de plusieurs palais et librairies au profit de gratte-ciels et de boutiques. Restent les églises et les cathédrales, témoins de la riche vie économique et intellectuelle de la zone d’Al-Faggala et d’Al-Daher.
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