Jeudi, 19 septembre 2024
Al-Ahram Hebdo > Tourisme >

A la rencontre des églises au coeur du Caire

Doaa Elhami, Mardi, 03 avril 2018

La majorité des chrétiens d'Egypte célèbrent la fête de Pâques le 8 avril. L'occasion d'aller à la découverte de la zone d'Al-Faggala et d'Al-Daher, au Caire, célèbre pour ses nombreuses églises représentatives des diverses communautés chrétiennes, orientales et occidentales.

A la rencontre des églises au coeur du Caire

Du haut du pont du 6 Octobre, juste après le pont suspendu, la vue plonge sur une série de clochers et de dômes de divers matériaux et styles architecturaux qui, à leur tour, sont coiffés de croix de styles variés. Ils invitent les passants à visiter cette région pour découvrir les secrets d’une telle densité d’architecture chrétienne, difficile à trouver ailleurs. Il s’agit de la zone d’Al-Faggala et d’Al-Daher, l’un des plus importants points commerciaux d’Egypte, située au centre du Caire. Ici se dressent des églises représentatives de tous les cultes chrétiens : copte orthodoxe, grec orthodoxe et catholique avec ses rites syrien, maronite, chaldéen, grec melkite et, enfin, évangélique, sans oublier les Jésuites.

« Toutes ces églises ont été érigées vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle et seule l’église copte orthodoxe n’est pas annexée d’un lycée ou d’un établissement scolaire », explique Hossam Ismaïl, professeur d’histoire contemporaine à la faculté de littérature de l’Université de Aïn- Chams. Bien que ces églises aient été bâties à la même époque, chaque communauté est restée fidèle au style architectural de son pays d’origine. « D’où la variété architecturale rencontrée dans cette zone », ajoute Abdel-Monsef Salem, professeur des Antiquités du XIXe siècle et spécialiste de l’architecture de cette époque. Pour se rendre dans cette zone cosmopolite, il suffit de prendre le métro et de descendre à la station Chohada.

En venant de la rue Ramsès, on tombe sur l’église des Jésuites et le collège de la Sainte Famille. L’église donne, d’un côté, sur une rue étroite nommée Bostane Al-Maqsi. Les travaux de construction ont commencé le 2 avril 1889, sous la supervision de l’architecte jésuite François Mourier, et l’église a été consacrée en 1891. La façade est surmontée d’une croix de style romain catholique, flanquée de deux anges. « L’architecture interne et externe de l’église est mozarabe, inspirée du style andalous arabe », explique l’ingénieur Ayman Georges. Et au père jésuite Vietchek d’ajouter : « Ce style architectural est répandu en Espagne et dans le sud de la France, notamment à Marseille ». Rarement rencontré en Egypte, ce style se distingue par ses arcades rondes qui combinent les pierres rouges et blanches et qui divisent l’église en trois chapelles. Quant aux scènes des vitraux peints, elles sont encadrées de motifs botaniques.

Autre distinction dans l’église des Jésuites : elle comprend à la fois des icônes représentant des scènes religieuses et deux statues, celle de saint Joseph et celle de la Vierge Marie portant l’Enfant Jésus. « Leur style sculptural est latin, d’après les yeux de la Vierge, le voile et la robe qu’elle porte », commente le père Vietchek. La « Compagnie de Jésus » est née en Espagne, sous la houlette d’Ignace de Loyola, et le premier collège des Jésuites a été établi dans la ville espagnole de Grandie. D’où l’influence de l’architecture andalouse sur la chapelle catholique des Jésuites.

Malgré son étroitesse, la rue Bostane Al-Maqsi comprend aussi l’église évangélique, qui se situe à côté de celle des Jésuites. Elle a été érigée en 1920 pour servir les membres de la communauté presbytérienne de Faggala. L’église évangélique reflète le style architectural gothique par excellence. Elle est surmontée de deux dômes, l’un plus grand que l’autre, dont chacun est basé sur quatre arches romanes. La vue panoramique de la rue fait voir au visiteur une richesse architecturale distinguée. Ici, les croix des différentes communautés se côtoient harmonieusement.

Derrière l’église évangélique, dans la rue du vizir Alaeddine, parallèle à la rue Bostane Al-Maqsi, se dresse majestueusement l’église copte orthodoxe de la Sainte Vierge, « La Vierge de Faggala », comme l’appellent les citoyens des alentours. Bâtie en pierre en 1884 par la famille Gade grâce aux dons de plusieurs familles, à l’instar de celles d’Al-Mogaber, de Habachi Mina, et de la famille Samisem, l’église de la Vierge suit le style égyptien copte répandu sur tout le territoire égyptien.

« Le bâtiment est orné, de l’extérieur, de motifs coptes. Le plafond est, quant à lui, couvert de huit dômes semicylindriques », explique Magdi Sabri, secrétaire de l’église. Chaque dôme est décoré d’une croix de style orthodoxe. Le clocher de l’église est lui aussi de style copte orthodoxe. Il possède une forme rectangulaire et est surmonté d’un cône. Les fenêtres de l’église, aux grandes dimensions, sont en bois et ont la forme de moucharabiehs, qui surplombent toutes les maisons mameloukes et ottomanes d’Egypte. L’architecture de la « Vierge de Faggala » est donc purement égyptienne, avec toute sa finesse. Une architecture qui côtoie, avec fierté, les architectures européennes gothique, romaine et andalouse.

Mosaïque architecturale

A la rencontre des églises au coeur du Caire
La Cathédrale maronite St.-Joseph à Daher. (Photo : Charbel Hechema)

La zone d’Al-Faggala et d’Al- Daher prend dès lors, pour ses habitants et ses visiteurs, des airs de musée en plein air, tout en leur offrant une mosaïque architecturale particulière. A quelques centaines de mètres de l’église des Jésuites, du côté de la rue Ramsès, apparaissent les dômes pointés et semi-coniques ou semi-cylindriques de la cathédrale arménienne grégorienne, orthodoxe, « puisque l’orthodoxie est le culte le plus proche du culte grégorien », commente un habitant d’origine arménienne ayant requis l’anonymat.

La cathédrale a été bâtie en 1924 sous la direction des architectes Levon Nafilian et Des Pharos. Les églises arméniennes se caractérisent notamment par ces dômes pointus, qui rappellent le cône volcanique de la grande montagne Ararat, en Arménie. Ces coupoles sont montées audessus des plafonds voûtés de pierre, sur un tambour cylindrique, souvent octogonal. La hauteur de l’église atteint 35 mètres jusqu’aux dômes. Toute l’église est construite en pierre tuf ou basalte. Les murs combinent le marbre belge rouge et le marbre asiatique de couleur jaune, tandis que les carrelages utilisés pour les murs proviennent de Paris. Le toit, qui se compose de bardeaux de tuf finement taillés, soutient le dôme. Pour soutenir la coupole, le plafond voûté et les murs verticaux, l’architecte a utilisé de grands arcs structuraux.

Quant au plafond lui-même, il est supporté par 18 piliers, coiffés de chapiteaux, décorés par des motifs botaniques, d’oiseaux et d’animaux. « Les murs extérieurs sont finement décorés avec des figures, des fresques ornées et comprennent des vignes et des feuillages entrelacés qui tourbillonnent », reprend l’habitant d’origine arménienne. Il désigne, au-dessus de l’entrée de l’église, une mosaïque représentant saint Grégoire l’Illuminateur. L’intérieur de l’église est orné de dessins, de sculptures en pierre, de boiseries et d’icônes, dont la plus significative est celle de la conversion de l’Arménie par saint Grégoire l’Illuminateur.

Dans la même zone, le visiteur trouve la cathédrale et l’évêché des Maronites. En calcaire, la cathédrale Saint-Joseph a été bâtie en 1909. De loin, elle se remarque grâce à ses deux clochers rectangulaires aux dômes supportés de piliers et surmontés de croix. Selon l'architecte Karim Habib, elle ressemble à une basilique ; sa longueur dépasse un petit peu sa largeur. Sa nef centrale se distingue par sa voûte. Sa façade ressemble à l'église Suspendue comme elle a une toiture de bois sous forme de treillis. A l’extérieur, audessus de la porte de la cathédrale, le visiteur peut admirer une scène impressionnante de la Sainte- Famille. « A l’origine, la cathédrale était dédiée à la Sainte-Famille », explique l’évêque Georges Chihane. La porte est entourée de deux arches. La première est parée de vitraux en forme de cercle, qui sont colorés et décorés de motifs botaniques.

D’après l’évêque, la véritable valeur architecturale du lieu est son intérieur. Un grand espace est occupé par la partie de l’autel, dont le niveau est plus élevé que le reste de l’église. L’autel central est surmonté de la statue de saint Joseph et bordé de deux ambons et il y a un petit autel de chacun des côtés. Celui de droite est dédié à la Vierge et comprend l’entrepôt des offrandes conservées pour les malades et des huiles sacrées. Quant à l’autel de gauche, il est dédié au Sacré-Coeur.

Ces églises ne sont que quelques exemples des trésors architecturaux qu’abrite la zone d’Al-Faggala et d’Al-Daher, au coeur du Caire.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique