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L’Egypte marchait sur des clous

May Sélim, Lundi, 02 avril 2018

Dans sa dernière pièce en date, Avant la révolution, l’auteur et metteur en scène Ahmed Al-Attar raconte, non sans ironie, le contexte sociopolitique qui a mené à la révolution de janvier 2011 en Egypte.

L’Egypte marchait sur des clous
Nanda Mohamed et Ramsi Lehner, une narration sur fond de crise. (Photo : Mohamad Hassanein)

Qu’est-ce qui peut mener à une révolution? La frustration, l’oppression et l’injustice. Mais la réponse n’est jamais aussi facile qu’on le croyait. Derrière les défini­tions de ces termes, des histoires et des détails s’accumulent au fil des années. Même si le marécage paraît stagnant, il finit par déborder. La pièce de théâtre Avant la révolution, donnée par la troupe Al-Maabad (le temple) dans le cadre du festival D-CAF qui vient de prendre fin, décrit cette situation. Ecrite et mon­tée par Ahmed Al-Attar, elle nous fait plonger dans les détails de la vie sociopolitique en Egypte avant le 25 janvier 2011. Le metteur en scène résume parfaitement bien les scènes de la vie quotidienne sous le régime de Moubarak, mettant l’ac­cent sur les grands changements sociétaux.

Attar a opté pour une narration simple. Il a puisé dans les souvenirs des Egyptiens depuis les années 1980 et a récapitulé, en une heure, les grands moments du pays, dévoi­lant les différentes formes de cor­ruption et d’indifférence. Il a mêlé les conflits conjugaux aux histoires des feuilletons ramadanesques, aux attentats terroristes et aux événe­ments qui ont fait la une des jour­naux. Des souvenirs bien gravés dans la mémoire collective, d’où la force d’une narration vive, qui fait monter chez le public plein d’émo­tions ressenties: mépris, peine, douleur, marasme, etc.

Un homme et une femme sont debout, sur une estrade parsemée de clous, habillés en uniforme unisexe, soit un pantalon à bretelles et une chemise blanche. Ils évoquent des histoires et des souvenirs propres aux Egyptiens depuis les années 1980. Chaque incident, même banal, a marqué la population d’une manière ou d’une autre.

Les souvenirs fusent de partout, certains sont inspirés de feuilletons diffusés durant les différents Ramadans. Mais il y a aussi des faits divers, des attentats terroristes, des salades de ménage, des assassi­nats d’intellectuels … Tout est raconté de manière linéaire et le ton monte d’un cran à chaque nouvel événement.

Rythmes haletants

La musique de Hassan Khan, basée sur un arrangement de rythmes élec­troniques, s’inspire de tubes popu­laires de l’électro-chaabi. Les rythmes trépidants évoquent un monde chao­tique, en bouleversement, et la musique se veut provocatrice.

Le décor et la scénographie de Hussein Baydoun traduisent les idées de la pièce à l’aide d’outils simples: une planche de bois et des clous forment un espace scénique unique et sobre. Les deux comé­diens restent debout, immobiles, sur cette scène épineuse, tout au long du spectacle. L’éclairage signé par Charlie Aström a favorisé les lumières jaunâtres, reflétant, sui­vant le cas, les émotion des prota­gonistes, avec l’afflux des souve­nirs. Quant aux deux comédiens, Nanda Mohamed et Ramsi Lehner, ils ont très bien joué. Al-Attar les a presque désarmés de toute gestuelle et de mouvements. Ils sont figés sur les clous, seules l’intonation de la voix et l’expression du visage chan­gent, au gré des événements. Ils appellent les voix du passé, alar­mantes et pénibles .

La pièce sera prochainement en tournée en Europe, mais les dates restent à déterminer.

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