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Saïd Okacha : Les offensives turque et israélienne n’ont pas changé la donne sur le terrain, mais ont compliqué la situation

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 13 février 2018

Expert dans les affaires israéliennes au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d'Al-Ahram, Saïd Okacha analyse les conséquences du regain de tension en Syrie.

Al-Ahram Hebdo : Israël a voulu montrer, depuis le début du conflit syrien, qu’il s’en tenait à l’écart, tout en menant des raids de temps à autre contre le Hezbollah. Pourquoi une escalade d’une telle ampleur maintenant ?

Saïd Okacha : Depuis le début de ce conflit, Israël a posé ses « lignes rouges » à cause de la présence du Hezbollah et de l’Iran en Syrie qui, selon Tel-Aviv, ne doit pas dépasser une certaine ligne dans le Golan occupé et dans la région frontalière. Récemment, des rapports du renseignement israélien ont parlé d’une tentative iranienne de mettre en place des infrastructures pour la construction d’armes sophistiquées en Syrie. Pour Israël, cela est inacceptable. Ce sont les deux lignes rouges. C’est pour cela que cette escalade a eu lieu maintenant. Le message lancé par Israël est qu’il n’acceptera pas que ces lignes rouges soient franchies et que, dans une telle éventualité, il n’hésitera pas à frapper.

— Ce n’est pas la première fois qu’Israël mène des raids en Syrie, mais Damas ne ripostait pas. Or, cette fois, l’armée syrienne a abattu un F-16 israélien ...

— Il est vrai que d’habitude, les Syriens ne ripostent pas. Mais cette fois-ci, ils l’ont fait justement à cause de la complexité de la situation. Les Syriens savent qu’avec la présence de plusieurs parties sur le terrain, dont les Russes et les Américains, il est difficile pour Israël de mener une plus large offensive. Car pour cela, Israël aurait besoin de coordonner son action avec plusieurs parties. L’armée syrienne a donc riposté d’un côté pour dissuader Israël, de l’autre pour montrer qu’elle est encore puissante.

— Pensez-vous que l’on se dirige vers une escalade ou vers une confrontation directe entre l’Iran et Israël ?

— Non, je ne pense pas qu’il y aura une escalade. Déjà, les canaux parallèles ont commencé à oeuvrer pour une accalmie. Sur le court terme donc, il n’y aura pas de confrontation entre Téhéran et Tel-Aviv. La situation interne en Iran n’est pas stable, on l’a vu avec les récentes manifestations. L’hypothèse selon laquelle Téhéran se lance dans un conflit avec Israël pour mobiliser l’opinion publique interne en faveur du régime est lointaine, parce qu’une escalade est trop risquée et l’Iran n’est pas du tout prêt à une guerre totale. Côté israélien, tant que la politique de dissuasion porte ses fruits, il n’a aucun intérêt à entrer en guerre.

— Aujourd’hui, les acteurs présents préparent l’après-guerre avec l’objectif de défendre leurs intérêts. N’y a-t-il pas de paradoxe entre cette lutte d’influence et la volonté d’en finir avec la guerre ?

— Bien sûr. Aujourd’hui, c’est en quelque sorte un retour à la case départ. L’offensive turque et celle israélienne n’ont pas vraiment changé la donne sur le terrain, mais en même temps, elles compliquent la situation et rendent presque caduques les précédentes ententes. Ce qui a été fait sur le plan diplomatique jusquelà ne peut plus être valable. En même temps, la situation sur le terrain n’est pas susceptible d’imposer un règlement. Il est donc très difficile de prévoir comment évoluera le conflit syrien.

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