Le gouvernement multiplie les initiatives pour convaincre l'opinion publique de la rentabilité du projet. Une conférence sur le sujet a été organisée dernièrement sous les auspices du premier ministre.
(Photo: Chérif Mahmoud)
Les Frères musulmans ont présenté leur programme « du développement de l’axe du Canal de Suez », premier de leur dit projet de « Renaissance ». Cependant, le projet ne manque pas de soulever la polémique, surtout d’un point de vue juridique, en raison des prérogatives attribuées à l’organisme.
« Il met un terme à la souveraineté de l’Etat égyptien et offre une couverture légitime aux puissances internationales pour procéder à toutes sortes de manipulations ». C’est en ces termes que l’expert en droit international, Ali Al-Ghatit, a décrit le projet.
En effet, à part le contrôle du président de la République, ce projet échappe complètement aux institutions de l’Etat. L’article 1 du premier chapitre stipule que la région du Canal de Suez, concernée par le projet, sera définie par le président de la République. Elle comprend initialement la région de l’est de Port-Saïd, le nord-ouest du golfe de Suez, le port d’Al-Aïn Al-Sokhna, la Vallée de la technologie d’Ismaïliya, en plus d’autres « zones nouvelles ». L’article 5 apporte pourtant comme « précision » qu’il revient au président de la République de déterminer les frontières de ces zones, ainsi que les projets qui dépendent de « l’Organisme de développement du Canal » dans un délai maximum de 6 mois à partir de la date de mise en vigueur de la loi.
« Ce texte donne au président de la République le droit d’accorder à cette région la configuration qu’elle désire sans passer par les conseils législatifs. D’ailleurs, comment est-il possible de soumettre au vote une loi portant sur une région dont personne ne connaît les frontières ? Comment se fait-il que les responsables de ladite région soient absolument libres de leurs décisions sans avoir à rendre de compte à personne sauf au président de la République ? », demande Al-Ghatit. En effet, l’article 8 stipule que le PDG et les membres du conseil d’administration de l’Organisme prêtent serment devant le président de la République avant le début du projet.
Un article que l’expert constitutionnel Tareq Al-Béchri a critiqué la semaine dernière dans le quotidien Al-Shorouk : « Le serment implique un engagement de la part des responsables à respecter la Constitution et la loi, et à préserver la sécurité du territoire national. Or, dans ce cas, le serment n’implique rien de tout cela, puisqu’il s’agit d’une loi qui échappe à la Constitution et d’un territoire qui échappe à l’Etat et à ses institutions », s’indigne Al-Béchri.
L’article 6 de ladite loi vient justifier les doutes d’Al-Béchri. Cet article investit le PDG de l’Organisme du développement de la zone du Canal des prérogatives de tous les ministres à l’exception de ceux de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice.
Un territoire « indépendant » de l’Etat
Au sein du système égyptien centralisé qui ne reconnaît aucune forme de loi locale propre aux gouvernorats, un tel article est susceptible de créer un territoire « indépendant » de l’Etat.
En outre, l’article 13 de la loi accorde au nouvel organisme la propriété des territoires sur lesquels les projets seront installés, hormis ceux appartenant à l’armée, au ministère de l’Intérieur et à l’Organisme du Canal de Suez.
Quant à l’article 10, il stipule que les fonds de l’organisme sont des fonds privés, alors que l’article 20 exige que le budget soit soumis au président de la République. Un rapport annuel sommaire sur les activités de l’organisme sera présenté à l’Assemblée du peuple sans que ce dernier ait le pouvoir de se prononcer dessus.
Selon Al-Ghatit, l’article 20 du projet de loi est le plus dangereux. Il stipule que le PDG de l’organisme se charge de décider de la délivrance des permis de projets et de toutes autres activités dans cette zone sans devoir se conformer aux conditions ou aux critères stipulés par la loi égyptienne. Il affirme que des hommes politiques étrangers, qu’il a refusé de nommer, ont exprimé leurs intentions de présenter leurs projets avec les règlements supposés les gérer puisqu’ils ne sont pas tenus de respecter les lois égyptiennes.
Al-Ghatit estime que les vices du projet de loi ne sont pas dus à une erreur, mais qu’ils ont été décidés en toute connaissance de cause pour créer un Etat au sein de l’Etat.
L’article 30 libère l’organisme de la tutelle de la justice ordinaire et crée un comité de règlement de conflit qui lui est propre. Ses trois juges seront nommés par l’organisme lui-même. De quoi poser davantage de doutes sur le caractère constitutionnel du projet. Cependant, il y a des chances que la Haute Cour constitutionnelle s’oppose au projet.
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