Au moment où le jeune activiste Ahmad Doma se trouve derrière les barreaux pour « insulte au président de la République », le Parlement français a annulé purement et simplement, et à l’unanimité, cette infraction. Pendant des années aucun président français n’a eu recours à disposition de la loi qui considère l’atteinte verbale au chef d’Etat comme une infraction.
Cette annulation fait suite à plusieurs recommandations de l’Union européenne, dont le Parlement était très étonné de l’existence de cette disposition dans la loi française. D’ailleurs, un grand nombre de parlementaires français ne savaient pas que cette disposition existait dans la loi française.
La dernière fois que cette disposition a été utilisée fut à l’époque du général Charles de Gaulle. Ensuite, Nikolas Sarkozy l’a utilisée une seule fois en 2008 lorsqu’un manifestant avait brandi une pancarte sur laquelle il comparait l’ancien président français à une partie intime du corps de la femme. Le tribunal avait alors condamné le manifestant à une amende symbolique de 30 euros avec sursis. En réaction, dans un communiqué officiel, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré le verdict comme « une violation à la liberté d’expression », amenant ainsi le Parlement européen à annuler cette disposition de la loi pour qu’aucun président ne puisse y avoir recours.
L’histoire de cette loi remonte au XIXe siècle, précisément en 1881. Elle était considérée, jusqu’à son annulation il y a quelques jours, comme la loi la moins utilisée en France. Dans un communiqué, le Parlement européen affirme que dans les régimes démocratiques modernes, il est « inutile d’inclure dans la loi une telle infraction ».
Face à cette décision sur laquelle la presse française ne s’est pas beaucoup attardée, considérant cette annulation comme une question de routine qui ne fait pas l’objet de polémique, il nous incombe de demander : quel régime est en place chez nous ? Aspirons-nous à la démocratie prônée par la révolution du 25 janvier ? Ou bien sommes-nous, 2 ans après la révolution, noyés dans les pénombres de la tyrannie policière qui utilise toujours les lois dites de « mauvaise réputation » pour resserrer l’étau autour de l’opposition et permettre la mainmise du parti au pouvoir sur la vie politique en Egypte ?
Le monde avance, et nous tenons toujours au passé. Nous répétons les slogans de la révolution, alors que nous gouvernons en vertu de lois élaborées à une époque révolue, en l’absence du pouvoir législatif. Ce dernier aurait dû avoir pour objectif de transformer les slogans de la révolution, pour lesquels les jeunes ont payé un lourd tribut, en lois solidement établies qui emmènent l’Egypte vers de nouveaux horizons et vers le progrès. Malheureusement, tout ce qui importait au Parlement était de diminuer l’âge de mariage pour les filles. Quant aux fils de la révolution, ils sont détenus en vertu des lois élaborées par l’ancien régime, qui a été ébranlé par la révolution.
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