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Le Grand Continental n’est plus

Hala Farès, Mardi, 06 février 2018

Construit à la fin du XXe siècle et inscrit depuis 2008 sur la liste des bâtiments à valeur architecturale, l’hôtel Grand Continental, place de l’Opéra au Caire, est en cours de démolition. Une désolation pour les amoureux du patrimoine.

Le Grand Continental n’est plus

En 1952, le grand hôtel Shepheard disparaissait après l’incendie du Caire. En 1971, l’Opéra du Caire était à son tour incendié. Aujourd’hui, c’est un autre joyau du patrimoine égyptien qui est voué à disparaître. Il s’agit de l’hôtel Grand Continental, situé place de l’Opéra, cette place qui était dans le temps le joyau du Caire khédivial, et qui, aujourd’hui, a presque perdu son cachet patrimonial.

Les habitants du centre-ville se sont réveillés cette semaine pour trouver des ouvriers en train de démolir l’hô­tel Grand Continental de l’Opéra. Le bâtiment était bouclé par les forces de sécurité. Un vrai cauchemar. « Tous les experts sont d’accord pour dire que la démolition n’est pas néces­saire, et que le bâtiment peut être restauré. C’est un patrimoine d’une valeur inestimable qui ne sera jamais remplacé », souligne Dr Monica Hanna, membre fondateur de la Campagne nationale pour la supervi­sion du patrimoine et des monuments, fondée en 2013.

Lorsque les travaux de démolition ont commencé, les membres de la campagne ont envoyé une pétition au président de la République demandant l’arrêt de la destruction de l’hôtel afin de préserver le patrimoine historique du pays. « Les travaux de démolition ne sont pas menés correctement. L’ordre de démolition exige seulement la démolition de l’intérieur du bâti­ment en gardant toutes les façades. Et pour faire cela, il fallait d’abord ins­taller des échafaudages pour consoli­der les murs. Ce qui n’est pas le cas », explique Hanna. Selon les historiens, ce qui reste du bâtiment n’a rien à avoir avec l’hôtel construit à la fin du XIXe siècle avec sa splendeur et sa beauté architecturale. « L’actuel hôtel n’a rien à avoir avec l’original. A chaque fois qu’un nouveau proprié­taire achetait l’hôtel, des modifica­tions étaient faites sur le bâtiment. Même la célèbre terrasse a été détruite en 1949 et a été remplacée par les magasins et ateliers qu’on trouve jusqu’à aujourd’hui. Le bâti­ment est déserté depuis plus de 20 ans », explique Dr Soheir Zaki Hawas, membre de l’Organisme national de l’harmonisation urbaine.

Un bâtiment en très mauvais état

Bien que l’hôtel ait été construit il y a plus de 100 ans, il n’a jamais été affilié au ministère des Antiquités, mais il dépend du secteur des affaires. L’hôtel a été inscrit en tant que bâti­ment à caractère architectural spécial en 2008 dans la catégorie C, ce qui veut dire qu’il était en très mauvais état et exigeait une intervention rapide, ce qui n’a pas été fait. « Chaque jour qui passait sans tra­vaux de restauration, l’état de l’hôtel s’aggravait. Des parties du plafond se sont effondrées et des fissures pro­fondes sont apparues dans les murs.

Le Grand Continental n’est plus
L'état du Grand Continental exigeait la démolition pour éviter tout danger. (Photo : Mohamad Adel)

L’hôtel a perdu toutes ses caracté­ristiques, il ne reste que sa valeur historique dans la mémoire des gens », reprend Hawas. Bien qu’elle soit membre de l’Organisme national de l’harmonisation urbaine, qui a recommandé la démolition du palais, elle refuse la destruction totale du bâtiment. « La démolition était inévi­table. L’état de l’hôtel était devenu tellement mauvais qu’il n’y avait aucune autre alternative. Mais il faut savoir que cette démolition suit des critères particuliers. Pas question de toucher aux façades », dit-elle, souli­gnant qu’elle passe voir les travaux sur le chantier afin de s’assurer que tout va dans la bonne direction.

La compagnie responsable des hôtels égyptiens Egoth, propriétaire de l’hôtel et qui exécute les travaux de démolition, assure que « tout va dans le bon chemin ». « La décision de démolir l’hôtel n’est pas venue du jour au lendemain. Elle fait suite à des études approfondies de l’état du bâtiment. Les études techniques ont conclu que le bâtiment dans son état actuel représente un vrai danger. Les installations ont vieilli et sont totale­ment inadaptées aux exigences du tourisme moderne. L’état à l’intérieur est très mauvais, des parties du pla­fond de certaines pièces, surtout aux deuxième et troisième étages, se sont effondrées, et même le toit de l’en­trée principale du rez-de-chaussée s’est effondré complètement en jan­vier 2016 », souligne Mervat Hataba, PDG de la Compagnie holding égyp­tienne pour le tourisme, le cinéma et les hôtels. Et d’ajouter que pour res­taurer l’hôtel, la compagnie ne peut pas payer l’énorme somme d’argent nécessaire.

En fait, l’ordre de démolition n’est pas nouveau. Le gouvernorat du Caire avait délivré un permis de démolition de l’hôtel en juillet 2015 qui n’a jamais eu lieu à cause de la présence des ouvriers et des proprié­taires des magasins qui occupent une grande partie de l’hôtel. L’exécution de l’ordre de démolition a été suspen­due à plusieurs reprises afin de résoudre le différend entre les pro­priétaires des boutiques et la compa­gnie Egoth. Il fallait faire des négo­ciations pour indemniser les loca­taires qui, à chaque fois, demandaient des indemnisations plus élevées. « Certains propriétaires de magasins ont accepté de prendre une grande somme d’argent et de quitter leurs locaux, alors que d’autres ont préféré une somme plus modeste à condition de se procurer des boutiques dans le nouvel hôtel qui sera construit », explique Hawas.

Déception et craintes

En fait, un nouvel hôtel doit être construit. Il gardera l’aspect du Grand Continental. Il aura les mêmes façades, utilisera le même fer forgé et gardera les mêmes noms de salles. Le nouvel hôtel sera de la même hauteur que l’ancien et aura la même structure en forme de H. « Dans nos recommandations au gouvernorat et à la compagnie res­ponsable nous avons demandé à ce que le nouvel hôtel garde le même esprit que l’ancien, surtout que les constructions du Caire khédivial sui­vent un prototype particulier, on ne peut pas accepter une construction très moderne par exemple », assure Hawas.

Les amoureux du patrimoine sont très déçus par les travaux. Ils crai­gnent que ces règles ne soient pas respectées, surtout que la dernière fois qu’un bâtiment historique place de l’Opéra avait été rasé, Le Caire a perdu un opéra et n’a gagné qu’un parking en béton de plusieurs étages.

En fait, la démolition du Grand Continental n’est qu’une sonnette d’alarme pour ne plus laisser les bâtiments à caractère patrimonial et historique sans maintenance et supervision continues au point que l'on soit obligé de les démolir.

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