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Akram Al-Alfi : La tenue de la présidentielle est un indice positif 

May Al-Maghrabi, Mardi, 16 janvier 2018

Akram Al-Alfi, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, revient sur les enjeux du scrutin.

Akram Al-Alfi
Akram Al-Alfi

Al-Ahram Hebdo : La course à la présiden­tielle est lancée. Quelle est, d’après-vous, l’importance de ces élections ?

Akram Al-Alfi : Les regards du monde entier sont braqués sur la prochaine élection présiden­tielle qui est l’expression d’un changement qualitatif dans la vie politique égyptienne. C’est, en effet, la première échéance démocratique après deux révolutions que le pays a connues. C’est aussi une échéance constitutionnelle importante qui doit réaffirmer que l’Egypte est fidèle aux principes démocratiques de la Constitution de 2014, comme l’alternance du pouvoir et le pluralisme. Ainsi, la tenue de l’élection présidentielle est en elle-même un indice positif. Cette élection mesurera aussi l’interactivité de la rue avec les changements politiques et économiques survenus au cours des quatre dernières années. Plus important, l’élec­tion présidentielle permettra à toutes les parties de discuter des grands dossiers, ce qui est néces­saire pour revitaliser l’ensemble du paysage politique.

Pour la première fois de l’histoire de l’Egypte, une institution à 100% indépendante au niveau administratif et financier gèrera les élections. La création de cet organisme répond à une échéance constitutionnelle. Il remplace les trois commis­sions, qui géraient auparavant le processus électoral, à savoir les élections présidentielle, parlementaires et municipales. Théoriquement, le fait que cet organisme se charge de l’en­semble du processus électoral lui donne la crédi­bilité au niveau procédural. Autrefois, plusieurs instances et ministères étaient chargés de cette mission, ce qui donnait lieu à des irrégularités. Cette élection mettra donc à l’épreuve l’indé­pendance du nouvel organisme et sa capacité à garantir l’impartialité et l’intégrité du processus électoral.

— Comment jugez-vous le plafond des dépenses de la campagne électorale ?

— L’Organisme national des élections a fixé le plafond des dépenses élec­torales pour chaque cam­pagne à 20 millions de L.E. Une somme que je ne trouve pas exagérée. Mais est-ce que les mesures annoncées par l’organisme permettront de contrôler à 100% les dépenses électorales? J’en doute.

— Environ 60 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. Pensez-vous que la participation soit massive ?

— Le taux de participation dépendra de l’élection elle-même et dans quelle mesure elle sera concurrentielle. Jusqu’à présent aucun candi­dat n’a confirmé définitive­ment s’il va disputer les élec­tions face au président Abdel-Fattah Al-Sissi, qui lui-même n’a pas encore annoncé sa candi­dature pour un second mandat. Si les élections se tiennent en l’absence d’un candidat fort capable de rivaliser et de convaincre les élec­teurs qu’il représente une alternative, on aura un très faible taux de participation. Il faut noter qu’entre 2014 et 2018, 3,8 millions de nouveaux citoyens ont atteint l’âge de 18 ans et ont été inclus aux listes électorales. Si ces nouveaux électeurs et les jeunes en général ne se rendent pas dans les urnes, ce serait un indice négatif. La passivité politique est un message négatif, car elle marque une rupture entre le citoyen et le régime politique.

Il faut donc favoriser une élection concurren­tielle pour séduire les élec­teurs, surtout que le pay­sage cette fois-ci est totale­ment différent de celui de 2012, qui était marqué par l’effervescence révolu­tionnaire. Je dirais même que l’électeur de 2018 est différent de celui de 2012. Partout dans le monde, deux motifs incitent les électeurs à participer: l’in­térêt et le devoir patrio­tique. Ce dernier motif a été fort présent lors des élections de 2012 pour défendre les acquis de la révolution de 2011, et de 2014 pour défendre l’identité civile de l’Etat qui était menacée par le régime des Frères musul­mans. La participation massive à la présiden­tielle de 2014 et au référendum sur la Constitution a été une sorte de continuité de la révolution du 30 juin. Aujourd’hui, ni l’effervescence révolu­tionnaire, ni la menace d’une islamisation de l’identité nationale n’existent. Il faut donc séduire autrement les électeurs. Chaque candi­dat aura une base populaire et un programme électoral qui reflétera sa vision et sa philosophie dans la gestion du pays. Et à la fin, la décision appartiendra aux Egyptiens.

— Pensez-vous que le calendrier électoral et les conditions de candidature soient favo­rables à une élection concurrentielle ?

— Théoriquement oui. Les dates fixés ne dif­fèrent pas beaucoup de ceux qui ont régi les précédentes élections présidentielles. Ils ont été arrangés en vertu des exigences constitution­nelles. De même, les conditions de candidature sont plus flexibles que celles qui ont régi l'élec­tion présidentielle de 2012. Lors de ces élec­tions, la loi exigeait l’obtention par le candidat du soutien de 25000 citoyens pour valider sa candidature. Aujourd’hui, le candidat peut obte­nir le soutien de 25000 citoyens ou l’appui de 20 députés, ce qui n’est pas difficile du tout pour un candidat qui veut disputer l’élection prési­dentielle. Certains trouvent que ce calendrier ne permet pas aux forces politiques de s’organiser pour disputer les élections. Pour moi, le pro­blème ne réside pas au niveau procédural. Les préparatifs de ces élections, (la formation des coalitions électorales, le choix des candidats, la rédaction des programmes électoraux, etc.) auraient dû commencer au moins depuis quatre mois. Mais les forces politiques qui ont beau­coup perdu de leur éclat ne se sont pas préparées suffisamment tôt.

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