La tension a certes baissé en République Démocratique du Congo (RDC), mais elle reste latente. La semaine dernière, au moins cinq personnes et des dizaines avaient été blessées dans des manifestations hostiles au président Joseph Kabila. Des chiffres avancés par plusieurs sources mais niés par les autorités. Celles-ci ont interdit puis dispersé, dimanche 31 décembre, une marche des laïcs proches de l’Eglise, qui demandaient au président Kabila, dont le deuxième et dernier mandat a pris fin le 20 décembre 2016, de déclarer publiquement qu’il avait bien l’intention de quitter le pouvoir. La marche a été organisée le 31 décembre, une date symbolique, puisqu’en vertu de l’accord de sortie de crise signé le 31 décembre 2016 entre la majorité et l’opposition sous l’égide des évêques, on prévoyait une présidentielle avant la fin de l’année 2017. Bien qu’il n’y ait plus d’affrontements, la situation risque de s’aggraver, notamment avec les échanges d’accusation entre l’Eglise catholique (la majorité des Congolais sont catholiques) et le régime. Ce dernier a durci le ton face à l’Eglise catholique, dénonçant, vendredi 5 juin, les « propos injurieux » de l’archevêque de Kinshasa et mettant en garde contre toute « récidive ». « Monseigneur Laurent Monsengwo a tenu des propos injurieux envers les dirigeants du pays ainsi que les forces de l’ordre », lit-on dans un compte-rendu du Conseil des ministres de la RDC consacré aux événements du dimanche 31 décembre. Le cardinal Monsengwo avait qualifié de « barbarie » la violente dispersion de la manifestation. « Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique, que les médiocres dégagent et que règnent la paix et la justice en RDC », avait annoncé Mgr Monsengwo, 78 ans. Des propos refusés par le gouvernement qui insiste sur « la laïcité de l’Etat congolais ».
L’UE, l’Onu et le Vatican critiquent
La crise a aussi dépassé les frontières et les critiques à l’encontre du régime congolais ont fusé de toutes parts. Samedi 6 janvier, le Vatican s’est exprimé. « Malheureusement, la réaction disproportionnée des forces de sécurité congolaises n’a pas respecté le caractère pacifique de cette manifestation », a écrit le nonce apostolique à Kinshasa, Luis Mariano Montemayor, dans une lettre aux ecclésiastiques congolais. Le Vatican a estimé « probable » qu’il y ait d’autres manifestations malgré les mises en garde du gouvernement. « Tenant compte de la popularité de la marche du 31 décembre 2017, il est fort probable que d’autres initiatives soient organisées dans les prochains mois », ajoute la lettre du nonce, datée du 5 janvier. Pour leur part, l’Union Européenne (UE) et l’Onu ont dénoncé les événements et se sont dit « profondément alarmées par les actions des forces de sécurité en RDC », estimant que le bilan des victimes de la dispersion des marches du 31 décembre « pourrait être plus élevé » que celui annoncé. « Les forces de sécurité auraient tiré à balles réelles, ainsi qu’avec des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes, y compris à bout portant dans certains cas », dénonce le Haut commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme dans un communiqué daté du 5 janvier à Genève. Le Haut commissariat aux droits de l’homme a demandé des enquêtes crédibles et indépendantes sur le recours « à une force excessive », selon lui. « Le gouvernement devrait veiller à ce que tous, y compris les opposants politiques, les journalistes et les représentants de la société civile, puissent exercer pleinement leur droit à la liberté d’association, de réunion pacifique, d’opinion et d’expression », conclut le communiqué du Haut commissariat. Pourtant, face à ces critiques de l’étranger et aux pressions de l’intérieur, le régime reste inébranlable, les manifestations populaires n’ayant jusqu’à présent pas pu ébranler le régime du président Joseph Kabila qui dirige la RDC depuis 2001. Aussi, les doutes persistent sur la tenue de l’élection présidentielle. Le mandat du président Kabila, élu en 2006 et réélu en 2011, a expiré le 20 décembre 2016. La Constitution, qui l’empêche de se représenter, lui permet en revanche de rester au pouvoir tant que son successeur n’a pas été élu. Et c’est là toute la difficulté. Malgré l’accord du 31 décembre 2016 sur la tenue d’élections avant la fin 2017, celles-ci ont été reportées à cause de problèmes sécuritaires et organisationnels. On se demande donc si le nouveau calendrier électoral, devant aboutir à une présidentielle le 23 décembre 2018, sera respecté.
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