2017 a été, pour le conflit en Syrie, une année charnière. Après 6 ans de guerre et deux ans d’intervention russe, celle-ci a porté ses fruits et le régime syrien a récupéré la plupart des territoires occupés par les groupes armés majoritairement islamistes. En même temps, l’arrivée de Donald Trump au pouvoir aux Etats-Unis a donné un coup d’accélérateur à la guerre anti-Daech, en intensifiant les frappes aériennes. La libération de Raqqa (ancien fief de Daech en Syrie) a marqué une nouvelle phase. Et il est désormais clair que le président syrien, Bachar Al-Assad et ses alliés ont gagné la guerre.
Ainsi, 2018 serait donc, aux yeux des observateurs, l’année de l’esquisse d’un règlement politique. Peut-être pas celle de la paix, mais sûrement celle du début de la fin. La question est donc de savoir qui seront les acteurs, comment se dessinera l’issue, et où. Car à l’heure qu’il est, nous sommes face à trois processus: celui d’Astana soutenu par les Russes et axé sur les questions militaires, celui, politique, de Genève, sous l’égide de l’émissaire de l’Onu, Staffan de Mistura, et enfin celui, également politique, de Sotchi, mené par Moscou, où doit se tenir début 2018 une conférence nationale sur la Syrie.
Sotchi versus Genève
Une conférence qui paraît comme un pas de plus vers un règlement du conflit syrien en dehors de Genève. C’est donc Sotchi versus Genève. Car le processus onusien est désormais mis à mal par les avancées militaires du régime syrien au sol qui ont bouleversé les rapports de force avec l’opposition. Celle-ci ne veut pas faire de concessions sur sa revendication première, à savoir le départ d’Assad. Et le régime, en position de force, ne compte certainement pas fléchir.
Par contre, Astana et Sotchi sont aux yeux du régime syrien et de ses alliés un cadre plus convenable au rapport de force actuel. « Suite à sa victoire militaire, Moscou cherche à se saisir du règlement politique. Pour atteindre cet objectif, la Russie vise à neutraliser le processus international régi par De Mistura. Il est évident que pour les Russes, il est beaucoup plus avantageux de régler les choses à Sotchi ou à Astana que de négocier un accord avec la délégation de Riyad à Genève », explique Dr Sameh Rachad, chercheur au CEPS.
Cependant, on ne peut pas considérer que la guerre en Syrie sera complètement terminée en 2018. « Et ce, notamment vu la complexité et la diversité des groupes armés encore présents sur les territoires syriens. Ces groupes ne poseront jamais les armes avant la signature d’un accord viable qui les convient », ajoute Dr Sameh. Selon lui, les conditions ne sont pas propices à un bon déroulement des négociations entre l’opposition et le régime. « Depuis un an, l’opposition syrienne a subi des défaites militaires et politiques qui l’ont affaiblie à un point qui ne lui permet plus de gagner la moindre concession de la part du gouvernement syrien », estime l’analyste politique, selon lequel « la plupart des factions de l’opposition sont devenues des instruments entre les mains de puissances mondiales ou régionales hostiles à Bachar Al-Assad ». Dans ce contexte de guerre par procuration, et suite à un engagement militaire russe et iranien déterminé, « la position de faiblesse dans laquelle se trouve aujourd’hui l’opposition fait en sorte qu’elle n’est pas en mesure de signer un accord juste et durable ; ceci étant, tout accord en 2018 serait trop fragile », prévoit Rachad.
La situation est donc toujours volatile même si la bataille est quasiment tranchée, et la voie vers la paix semble semée d’embûches. « Le régime syrien et ses alliés ont certes gagné la guerre, mais remporter la paix est beaucoup plus difficile », explique un diplomate qui a requis l’anonymat. « Le coup de cette victoire demande un règlement politique qui prenne en compte les perdants », estime-t-il. Pour lui, un peuple qui a perdu plus de 600000 personnes et dont plus 7 millions ont été déplacés mériterait une compensation satisfaisante. Et le diplomate de conclure : « Un simple retour à l’avant 2011 ne sera pas suffisant pour stabiliser le pays. A la fin de toute guerre civile, le règlement politique doit prendre en compte les réclamations de toutes les parties, y compris les vaincues. Il est indispensable de parvenir à une solution politique qui accorderait aux Syriens les libertés fondamentales et la démocratie. Tout accord qui ne contient pas ces éléments serait voué à l’échec ».
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